Marchés publics : le pouvoir adjudicateur peut « se réserver la possibilité de négocier » en Mapa

Le Conseil d’Etat vient de mettre un terme à plusieurs années d’incertitudes sur la liberté des pouvoirs adjudicateurs de négocier à la carte dans les marchés à procédure adaptée (Mapa). Le juge administratif suprême a tranché en faveur de la souplesse.

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Conseil d'Etat

C’était l’une des jurisprudences les plus attendues. Le 18 septembre, le Conseil d’Etat s’est enfin prononcé sur la fameuse formule « le pouvoir adjudicateur se réserve la possibilité de négocier ». Depuis des années, les tribunaux administratifs, les cours administratives d’appel et même la Direction des affaires juridiques de Bercy ont adopté des solutions contradictoires. Ces derniers temps cependant, le juge administratif ouvrait de plus en plus les vannes. Mais les acheteurs publics attendaient avec impatience que la plus haute juridiction administrative se prononce.

Négociation avec des candidats choisis

La jurisprudence est dorénavant claire. Le considérant 7 de l’arrêt du 18 septembre 2015 fera référence : « Si le pouvoir adjudicateur a décidé de faire usage de sa faculté de négocier dans le cadre d'une procédure adaptée, il doit en informer les candidats dès le lancement de la procédure et ne peut alors renoncer à négocier en cours de procédure ; [... ] il peut aussi se borner à informer les candidats, lors du lancement de la procédure, qu'il se réserve la possibilité de négocier, sans être tenu, s'il décide effectivement de négocier après la remise des offres, d'en informer l'ensemble des candidats ». Autrement dit, si le pouvoir adjudicateur choisit de négocier à la carte, il en informe les candidats. Ensuite, il peut négocier avec des candidats choisis, sans plus d’explication pour ceux évincés dès le premier tour. Le juge administratif a fait le choix de la souplesse.

Le juge contrôle les principes de la commande publique

Quel contrôle le juge peut-il alors opérer sur ces décisions ? « La décision du pouvoir adjudicateur de recourir à la négociation dans le cadre d'une procédure adaptée ne saurait être utilement critiquée devant le juge », répond le Conseil d’Etat. En revanche, en cas de négociation à la carte, le juge, saisi d’un moyen sur ce point, contrôlera le respect des règles de la commande publique, « notamment le principe d'égalité de traitement des candidats ».

Dans l’affaire litigieuse, le pouvoir adjudicateur avait informé les candidats, dans son cahier des clauses administratives particulières, qu’il se réservait le droit de négocier avec les trois premiers candidats du classement. Le candidat dont l’offre avait été classée cinquième demandait l’annulation du marché. Il n’a pas obtenu gain de cause malgré l’annulation de l’arrêt de la cour administrative d’appel pour une erreur de procédure.

L’expérience des candidats peut être un critère de choix des offres

Dans cet arrêt du 18 septembre, le Conseil d’Etat a également validé le recours, en marché à procédure adaptée, à un critère reposant sur l’expérience des candidats pour choisir l’offre économiquement la plus avantageuse. Par expérience des candidats, il est possible d’entendre « références portant sur l'exécution d'autres marchés, lorsque sa prise en compte [du critère] est rendue objectivement nécessaire par l'objet du marché et la nature des prestations à réaliser et n'a pas d'effet discriminatoire ».

Dans l’affaire concernée par l’arrêt, le marché en question portait sur des prestations d’accueil et d’assistance technique sur deux sites de l’Ecole du Louvre. Selon le pouvoir adjudicateur, la localisation de cette école au sein d’un palais qui accueille chaque année des millions de visiteurs présentait de grandes spécificités. Il n’a pas été contredit sur ce point. « Dans ces conditions particulières, la prise en compte de l'expérience des candidats parmi les critères de sélection des offres pouvait être regardée comme rendue objectivement nécessaire par l'objet du marché », a jugé le Conseil d’Etat. « Ce critère ne pouvait être regardé comme ayant un effet discriminatoire ». Cela d’autant qu’il n’était pondéré qu’à hauteur de 5 %. La haute juridiction administrative a rejeté le recours de la société requérante.

CE, 18 septembre 2015, n° 380821

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