Marchés publics : le Parlement modifie à nouveau l'ordonnance, Bercy consulte pour revoir le décret

Avec l'adoption définitive du projet de loi Sapin 2 par l'Assemblée nationale le 8 novembre, le Parlement modifie une nouvelle fois cette année l'ordonnance du 23 juillet 2015 sur les marchés publics. La DAJ du ministère de l'Economie et des Finances a immédiatement réagi en soumettant à consultation publique un projet de décret devant en tirer toutes les conséquences sur le plan réglementaire. Réponses attendues jusqu'au 24 novembre.

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Assemblée nationale

A voté ! Le Parlement a adopté le 8 novembre le projet de loi Sapin 2. Ce texte ratifie l'ordonnance du 23 juillet 2015 sur les marchés publics et lui donne par ce biais une force législative (article 39-I du projet de loi définitif). Jusqu'alors la réglementation des marchés publics relevait du pouvoir réglementaire. Le texte Sapin 2 ratifie également l'ordonnance du 29 janvier 2016 relative aux contrats de concession (article 40 du projet de loi définitif).

Code de la commande publique lancé

Le texte Sapin 2 donne surtout le top départ juridique du chantier du Code de la commande publique (article 38 du projet de loi Sapin 2 définitif) qui réunira les règles relatives aux marchés publics et aux concessions. Le gouvernement a 24 mois à compter de la promulgation de la loi Sapin 2 pour procéder par voie d'ordonnance à l'adoption de la partie législative du Code de la commande publique.

Maintenant que le législateur a voix au chapitre pour intervenir dans les règles de la commande publique, il ne s'en prive pas. Avec Sapin 2, il modifie pour la seconde fois de l'année l'ordonnance du 23 juillet 2015 (ci-après "ord."). La loi du 7 juillet 2016 relative à la liberté de la création, à l'architecture et au patrimoine avait ouvert la brèche.

Modifications apportées à l'ordonnance du 23 juillet 2015

Soutien aux PME : Le Parlement a souhaité apporter sa touche personnelle à l'ordonnance marchés publics pour mieux soutenir les PME (article 39-II du projet de loi Sapin 2 définitif). Le législateur a renforcé l'allotissement (article 32 de l'ordonnance marchés publics). Pour y déroger, les acheteurs publics devront dorénavant énoncer « les considérations de droit et de fait qui constituent le fondement » de leur décision.

Les offres variables en fonction du nombre de lots susceptibles d'être obtenus, introduites dans l'ordonnance d'origine, sont désormais exclues. L'exception HLM pour le recours à la conception-réalisation assurée jusqu'au 31 décembre 2018 est maintenue en l'état (art. 33-II ord.), mais a eu chaud : certains députés souhaitaient la supprimer pour mieux soutenir l'accès des PME et TPE à la commande publique.

Par ailleurs, pour candidater aux marchés publics, une simple attestation sur l'honneur des dirigeants de société suffira (art. 45 ord.). Exit l'obligation de fournir l'extrait de casier judiciaire.

Les parlementaires ont aussi choisi de renforcer la lutte contre les offres anormalement basses en obligeant l'acheteur à mettre en œuvre « tous moyens pour détecter les offres anormalement basses lui permettant de les écarter » (art. 53 ord.).

Simplification : Est introduite la possibilité d'attribuer un marché public sur la base d'un critère unique, dans des conditions qui seront fixées par voie réglementaire (art. 52-I ord.). Mais surtout, l'évaluation préalable des marchés publics classiques d'un montant important (supérieur à 100 millions d'euros, voir ci-dessous) est supprimée (art. 40 ord.). Selon Bercy, cette mesure ferait économiser à l'Etat 2 millions d'euros par an.

Marchés de partenariat : L'évaluation préalable demeure pour les marchés de partenariat (art. 74 ord.). Pour ces derniers, l'évaluation préalable devra permettre de « comparer les différents modes envisageables de réalisation du projet » et comporter « une analyse en coût complet ainsi que tout élément permettant d'éclairer l'acheteur dans le choix du mode de réalisation du projet », selon la nouvelle formulation de l'ordonnance à ce sujet.

L'article 69-I de l'ordonnance est réécrit pour permettre d'identifier, dans les marchés de partenariat, l'équipe de maîtrise d'œuvre (à noter que la loi CAP avait introduit dans l'ordonnance marchés publics cette disposition, via un article 35 bis, mais pour les seuls marchés globaux).

L'article 89 de l'ordonnance sur l'indemnisation des dépenses engagées par le titulaire en cas d'annulation, de résolution ou de résiliation de ces contrats devant le juge, a lui aussi été reformulé pour apporter plus de précisions.

Offices publics de l'habitat : Un certain nombre d'ajustements concernent les offices publics de l'habitat (OPH). Sur le plan de l'exécution des marchés publics, les OPH sont désormais exclus de la catégorie d'acheteurs amenés à verser obligatoirement des avances et acomptes (art. 59-I ord.). La loi harmonise ainsi le régime financier applicable aux entités HLM publiques (établissements publics) ou privées (sociétés anonymes). Enfin, les OPH auront des commissions d'appel d'offres spécifiques (articles L. 1414-2 et L. 1414-3 du Code général des collectivités territoriales).

Entrée en vigueur : Toutes ces modifications de l'ordonnance du 23 juillet 2015 ne seront applicables qu'aux marchés publics pour lesquels une consultation est engagée ou un avis d'appel à la concurrence est envoyé à la publication postérieurement à la publication de la loi Sapin 2.

De l'innovation, mais pas de réforme du délit de favoritisme : Par ailleurs, le texte Sapin 2 rétablit un article du Code de la recherche qui pousse les acheteurs chargés d'une mission de service public à promouvoir l'innovation dans la définition de leur politique achat (article 135 du projet de loi Sapin 2 définitif). En revanche, l'Assemblée nationale a refusé de réformer le délit de favoritisme.

La direction des affaires juridiques (DAJ) du ministère de l'Economie et des finances a immédiatement réagi à l'adoption du projet de loi Sapin 2. Elle vient de soumettre à consultation publique un projet de décret pour en tirer toutes les conséquences réglementaires, et notamment modifier le décret du 25 mars 2016 sur les marchés publics, parmi d'autres textes (1). Cette consultation publique est ouverte jusqu'au 24 novembre 2016 inclus.

Concours : Selon ce projet, serait ainsi intégré à l'article 90-II du décret marchés publics l'obligation, pour les marchés de maîtrise d'œuvre dont le montant est égal ou supérieur aux seuils de procédure formalisée, de recourir au concours pour tous les acheteurs soumis à la loi MOP, introduite par la loi CAP. Avec une exception pour les OPH.

OPH : L'article 2 du décret serait révisé pour faire consacrer l'exception OPH parmi les acheteurs. Le projet prévoit également de modifier le Code de la construction et de l'habitation pour intégrer la spécificité des commissions d'appel d'offres des OPH (constitution et modalités de fonctionnement). Cette dernière disposition ne s'appliquerait qu'aux marchés publics pour lesquels une consultation est engagée ou un avis d'appel à la concurrence est envoyé à la publication postérieurement à la publication du décret.

Evaluation préalable : L'article 24 du décret qui fixait à 100 millions d'euros HT une évaluation préalable pour les marchés classiques sera supprimé. L'article 147 du décret pour l'évaluation préalable dans les marchés de partenariat sera réécrit afin d'indiquer les éléments qu'une telle évaluation préalable doit comporter.

Candidatures : l'article 51 du décret doit être modifié pour supprimer l'extrait de casier judiciaire.

La DAJ veut profiter de ce futur décret pour introduire quelques mesures de simplification et reformulations.

Open data : La mesure la plus emblématique porte sur l'open data. L'article 107 sur l'accès aux données essentielles des marchés publics serait assoupli. L'obligation de fournir ces données ne s'appliquerait plus qu'à partir du seuil de 25.000 euros HT. Cette disposition n'apparaît pas dans le projet d'arrêté relatif aux données essentielles dans la commande publique actuellement soumis à consultation publique (jusqu'au 28 novembre). En revanche, le projet de décret substitue également la date de notification du marché à celle de signature du marché parmi les données à publier. Le délai de deux mois pour mettre à disposition les données essentielles des contrats, déjà prévu pour l'attribution du marché, s'appliquerait également aux modifications de marchés.

Reformulations : Les reformulations toucheraient l'article 47 (limitation du nombre de candidats admis à soumissionner ou à participer au dialogue), les articles 48, 49 et 55-IV (présentation des candidatures) ou encore 91-II-1° (conception-réalisation). Le changement rédactionnel le plus flagrant conduirait à l'ajout d'une condition de recevabilité des candidatures pour la poursuite des procédures concurrentielles avec négociation et des procédures de dialogue compétitif par les pouvoirs adjudicateurs dans les cas où seules des offres irrégulières ou inacceptables auraient été présentées (article 25-II-6° du décret marchés publics).

Il serait temps ensuite de passer à la phase de stabilisation des règles, comme certains députés l'ont fait remarquer lors du vote définitif du projet de loi Sapin 2 le 8 novembre...

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