La transposition des directives communautaires (1) concernant la passation des marchés publics donne aux soumissionnaires la possibilité de faire examiner les décisions de passation des marchés au travers d'un recours de nature administrative ; mais elle ne garantit pas un droit aux respects des règles de la passation des marchés publics ou un droit à la protection juridique devant des instances de nature juridictionnelle.
Pourtant, selon la Commission européenne, ceci est décisif pour une transposition des directives communautaires conforme aux exigences de l'Union européenne. C'est pourquoi des réflexions sont en cours sur un nouveau règlement concernant la protection juridique lors de la passation des marchés publics.
Selon un des projets actuels, les commissions de surveillance de la passation seraient conservées. Les décisions des commissions de surveillance de la passation seraient susceptibles d'un contrôle judiciaire et pourraient être vérifiées par la juridiction de droit commun.
Les règlements dont le respect est placé sous surveillance
Les règlements communs dont le respect est placé en Allemagne sous la surveillance des autorités et tribunaux, sont contenus principalement dans les cahiers des charges du bâtiment - en abrégé VOB - et dans les cahiers des charges des fournitures et prestations, excepté celles pour le bâtiment - en abrégé VOL. Dans ces dispositifs normatifs sont aussi incorporées les directives de la CEE concernant les procédures de passation des marchés.
Les règles à respecter par les pouvoirs adjudicateurs lors de la passation de marchés résultent des parties A des cahiers des charges (2) (voir page suivante). On travaille encore, pour les secteurs des prestations de service, à un cahier des prescriptions (particulières) pour les prestations de service fournies par les professions libérales (VOF). La raison : les professions libérales (architectes, ingénieurs, avocats, etc.) estiment que leurs prestations de service ne peuvent pas être établies avec une précision suffisante lors de la passation de marchés (3).
Les systèmes de contrôle
LES SYSTEMES DE CONTROLE JUSQU'EN 1994. Il existe plusieurs systèmes de contrôle pour assurer le respect des normes en question : un recours qui peut se situer encore avant le recours au contrôle général est l'opposition non formelle présentée aux bureaux des adjudications lui-même. Certains critiques estiment que ce recours n'a ni forme ni délai et qu'il ne donne aucun résultat (4).
Il y a donc d'abord le contrôle légal. Selon le principe du droit constitutionnel sur la légitimité de l'administration et selon les principes juridiques d'organisation administrative, les autorités de contrôle sont tenues d'intervenir lorsque des indices laissent supposer qu'une autorité publique a enfreint des normes légales dans l'exercice de ses fonctions. L'autorité fédérale contrôle les organismes fédéraux, les Länder contrôlent les organismes régionaux et exercent en outre le contrôle juridique sur les communes.
Par exemple, le ministre fédéral de la Défense doit intervenir lorsque l'Office fédéral de la technique et de la fourniture militaire donne une description compliquée et insuffisamment compréhensible des prestations demandées. Ou bien encore, le représentant de l'administration du Land (Regierungs Präsident) doit intervenir s'il apprend qu'à l'occasion de la construction d'une école par une commune, les entreprises locales seront favorisées (5).
Dans le cadre de leur fonction de contrôle légal, les autorités de surveillance peuvent prendre les mesures suivantes : contestation de la procédure d'adjudication, ordre de suspension de la procédure d'adjudication, ordre d'annulation de l'appel d'offres, ordre d'un nouvel appel d'offres, ainsi que faculté d'agir en lieu et place de l'organisme adjudicateur en intervenant elle-même ou en se substituant à celui-ci, par exemple en annulant l'appel d'offres ou en publiant leur propre appel d'offres. Ces organismes de surveillance sont tout particulièrement tenus d'exercer leur contrôle et, le cas échéant, d'intervenir lorsqu'une infraction possible aux normes sur les adjudications leur est signalée par une entreprise.
Les offices VOB, créés voici une centaine d'années à l'initiative du ministère fédéral de l'Economie, ont pour tâche d'engager des procédures rapides auprès des organismes institutionnellement compétents, et de fournir promptement tous les éclaircissements voulus et, éventuellement, toute l'aide nécessaire (6).
Le but du contrôle de la concurrence est de faire en sorte que chacune des parties contractantes, donc aussi bien le maître d'ouvrage que le soumissionnaire, pratique une concurrence loyale. Les maîtres d'ouvrage publics, qui ont une position de monopole ou de maîtrise du marché, sont soumis, en raison de leur position, à des obligations de neutralité particulière en matière de concurrence. Le cas s'est déjà produit d'un maître d'ouvrage de ce genre contraint à suspendre une procédure de passation après une intervention des autorités qui réglementent les cartels, suivie elle-même d'une ordonnance judiciaire, jusqu'à ce que son appel d'offres ait été modifié afin de donner les mêmes chances à tous les soumissionnaires. L'Office fédéral des cartels peut intervenir contre les membres du directoire et des gérants d'entreprise pour avoir participé à des concertations, même si leur collaboration directe n'est pas établie, lorsque les circonstances démontrent que ces dirigeants d'entreprise ont toléré des infractions à la loi sur les cartels.
Une entreprise peut également intenter une action en dommages-intérêts contre le maître d'ouvrage public pour violation du droit lors de la procédure de passation. Les cas de ce genre sont du ressort des tribunaux civils. Selon la nature du dommage subi, l'entreprise lésée a droit à l'intérêt négatif, appelé intérêt de confiance, ou à l'intérêt positif, appelé intérêt d'exécution. Voici deux exemples concrets : le maître d'ouvrage a mis prématurément un marché en adjudication bien que toutes les conditions requises n'étaient pas encore réunies, comme par exemple lorsque le financement n'est pas encore assuré, ou que l'autorisation des autorités chargées de la protection de l'environnement ou de la sauvegarde des monuments ou de la sécurité du sol dans les régions minières n'était pas encore acquise.
S'il apparaît que la mise en adjudication doit être annulée, le soumissionnaire qui a présenté l'offre la plus avantageuse a droit au remboursement des frais soutenus pour sa participation à la procédure d'adjudication (intérêt de confiance). Car ses frais n'auraient pas été inutiles si cette procédure s'était déroulée régulièrement. Par contre, les autres soumissionnaires n'ont droit à aucune indemnisation (7).
Quand un soumissionnaire peut prouver qu'en toute probabilité, sans le comportement illicite du maître d'ouvrage, l'adjudication aurait été en sa faveur, il aura droit aux dommages-intérêts pour le montant des intérêts positifs (ou intérêts d'exécution). Le soumissionnaire devra être mis dans la situation où il serait trouvé si le marché lui avait été attribué. Ce qui veut dire qu'il a droit à être indemnisé pour le manque à gagner.
LE NOUVEAU SYSTEME A PARTIR DE 1994. Le « nouveau » droit concernant la surveillance des marchés est assis sur les paragraphes 57 b et 57 c Haushaltsgrundsätzegesetz-HGrG (loi sur les principes budgétaires) (8).
Ces textes concernent la procédure de recours en cas d'infractions aux règlements de passation commises par un pouvoir adjudicateur public, et habilitent également à édicter un décret pour règler les points de détail. Le Bundesregierung (gouvernement fédéral) a fait usage de cette habilitation en adoptant le Nachprüfungsverordnung (décret sur la vérification) (9). Le décret est entré en vigueur le 1er mars 1994. Le décret sur la vérification régit les points de détail de la procédure de recours en cas d'infraction aux dispositions sur la passation des marchés commise par un pouvoir adjudicateur public.
Les Vergabeprüfstellen (instances de vérification) sont astreintes à intervenir dans tous les cas où elles ont motif de le faire, soit parce qu'elles en ont été informées par quelqu'un, soit parce qu'elles s'en sont rendues compte à la lumière de leur propre investigation. Il n'est donc pas nécessaire que le candidat ou le soumissionnaire qui s'estime lésé dans ses droits porte plainte personnellement. Les pouvoirs adjudicateurs doivent nommer dans les dossiers de passation l'instance de recours compétente avec son adresse intégrale. Les instances de vérification peuvent faire annuler par les pouvoirs adjudicateurs les décisions dont elles ont été saisies. Elles ont également le pouvoir de suspendre la passation du marché. Après la conclusion du marché public, elles sont compétentes pour constater la légalité ou l'illégalité de la procédure de passation.
Si l'instance de vérification de la passation ne constate pas de vices, il existe la possibilité d'une « révision », à demander dans un délai de quatre semaines devant le Vergabeüberwachungsausschuss (commission de surveillance de la passation). Si la commission de surveillance confirme la révision, elle fait prendre une nouvelle décision par l'instance de vérification de la passation. Si la commission de surveillance ne reçoit pas la plainte, il n'existe aucun autre recours.
Le décret sur la vérification ne prévoit pas de procédure d'astreinte administrative comme celle prévue à l'article 2, alinéa 1, lettre c) de la directive no 92/13/CEE concernant le contrôle dans les secteurs exclus.
L'application des directives de l'Union européenne concernant la passation des marchés publics donne aux soumissionnaires la possibilité de faire examiner les décisions de passation des marchés à l'aide d'un recours administratif, mais cela ne garantit pas un droit au respect des règles de la passation des marchés publics ou à la protection juridique devant les tribunaux. Pour cette raison, les pouvoirs publics ont fait des propositions concernant un nouveau règlement de la protection juridique de la passation des marchés publics. Leur but déclaré est de renforcer la concurrence. Ceci contribuera à sauvegarder les intérêts des petites et moyennes entreprises, et aussi l'intérêt des commettants publics à utiliser une procédure de passation économique et rapide.
Les propositions des pouvoirs publics
PREMIER SCHEMA. Selon un premier projet, la procédure de contrôle non-juridictionnel qui est actuellement en vigueur - comprenant les instances de vérification de la passation et les commissions de surveillance de la passation - devrait être en principe conservée, mais modifiée partiellement de manière à prendre en compte les points de critique essentiels de la Commission européenne. Le caractère quasi-juridictionnel des commissions de vérification serait notablement renforcée, la position du soumissionnaire dans la procédure étant améliorée et la transparence de la procédure renforcée.
DEUXIEME SCHEMA. Un deuxième schéma prévoit une saisine des Landgerichte (tribunaux régionaux) ; les décisions de la passation des marchés publics y seraient traitées selon la procédure générale de la protection juridique en référé. Pour mieux faire usage de l'enseignement professionel des pouvoirs publics aussi dans la procédure de contrôle, on pourrait exiger que l'intervention des instances de vérification de passation devienne la règle.
TROISIEME SCHEMA. Selon un troisième schéma, les commissions de surveillance de la passation seraient conservées. Elles examineraient le cas en pleine étendue, c'est-à-dire en fait et en droit. Elles recevraient aussi - entre autres - le permis de suspendre la procédure de passation des marchés publics, et recevraient le droit d'exiger à tout moment la consultation de dossiers de passation des marchés publics. Leur activité serait accélérée et raccourcie par des dispositions de procédure, notamment au travers des délais fixés. Dans le souci de l'effectivité de la protection juridique au plan régional, on envisage que la commission de surveillance de la passation qui a la compétence pour la République fédérale, soit décentralisée en cas de besoin. On devra également voir si les adjudications par la République fédérale et les adjudications du domaine des Länder pourraient être examinées par la même commission de surveillance de la passation compétente pour la région. Les membres des commissions seraient renforcés dans leur indépendance et nommés pour une durée de cinq ans.
C'est au cours du débat législatif qu'il faudra décider dans quelle mesure on pourrait conserver les instances de vérification de la passation qui jusqu'ici avait une fonction préalable. Les décisions des commissions de surveillance de la passation seraient soumises au contrôle des tribunaux et relèveraient des juridictions de droit commun. Seraient compétents les sénats spéciaux des Oberlandesgerichte (tribunaux régionaux supérieurs). Pour les marchés de la République fédérale, cela pourrait être - compte tenu des réflexions additionnelles de décentralisation - le tribunal régional supérieur au siège de la commission de surveillance de la passation de la République fédérale.
La protection juridique au sein de la procédure de décision provisionnelle se concentrera essentiellement sur les litiges concernant l'interdiction de l'adjudication. Il faudra raccourcir la procédure en terme de temps de manière qu'elle soit conclue en quelques semaines pour ne pas gêner le cours des affaires.
Le gouvernement fédéral est favorable au troisième schéma : après vérification des suggestions d'apporter des corrections dans le cadre du droit budgétaire en vigueur, il a conclu que la solution doit être trouvée en dehors de ce cadre.
Système à deux degrés
Il y a le risque de ne pas satisfaire au droit européen, même avec une solution corrigée. Pour cette raison, le droit au respect des règles d'adjudication dans le droit allemand doit être garanti - ce qui implique la possibilité d'un contrôle juridictionnel.
Le système à deux degrés correspond à une procédure acceptée par les opérateurs et qui a fait ses preuves dans la pratique. Il conduit à une protection juridique faisant appel à des groupes d'experts et ensuite à une vérification par les tribunaux. La durée de la procédure peut être limitée par des délais impartis dans un règlement de procédure juridiquement valable pour toute la République fédérale. Grâce à une concentration du traitement de la décision auprès des commissions de surveillance de la passation et le cas échéant une décentralisation régionale des commissions fédérales de surveillance de la passation, on pourrait obtenir une protection juridique efficace. Le système à deux degrés concilie les aspects essentiels du régime en vigueur avec l'accès nécessaire au tribunal, tout en évitant un bouleversement du droit allemand de la passation des marchés publics. C'est pourquoi il est à préférer au deuxième schéma de protection juridique provisoire par les tribunaux régionaux.
TABLEAUX : 1.LES SYSTEMES DE CONTROLE PAR TYPE DE MARCHES
2. LA PROCEDURE DE RECOURS
1) La directive 89/665/CEE portant coordination des dispositions législatives réglementaires et administratives relatives à l'application des procédures de recours en matière de marchés publics de fournitures et de travaux et la directive 92/13/CEE portant coordination des dispositions législatives, réglementaires et administratives relatives à l'application des règles communautaires sur les procédures de passation des marchés des entités opérant dans les secteurs de l'eau, de l'énergie, des transports et des télécommunications. (2) VOB/A : disposition générale pour la passation de marchés de travaux, VOL/A : disposition générale pour la passation de marchés de fourniture et prestation, excepté celle pour le bâtiment. (3) Meyer, «Le nouveau droit sur la passation de marchés», Droit européen des marchés publics, 2/94, p. 24. (4) I. Seidel, «Le contrôle des procédures d'adjudication dans la République fédérale d'Allemagne», p. 31. (5) I. Seidel, «Le contrôle des procédures d'adjudication dans la République fédérale d'Allemagne», p. 32.
(6) Les arguments principaux de ces contestations sont les suivants : délais de soumission trop courts ; exigence, de la part du maître d'ouvrage, de cautions trop élevées et de temps de garantie trop étendus ; application, par le maître d'ouvrage, de conditions de marchés aux VOB ; impossibilité de négocier après le dépôt de la soumission ; infraction aux critères d'appréciation et de choix ; et surtout description insuffisante des prestations requises. I. Seidel, «Le contrôle des procédures d'adjudication dans la République fédérale d'Allemagne», p. 33.
(7) En effet, les frais relatifs à leur offre auraient été de toute façon perdus, même si la mise en adjudication n'avait pas été annulée. I. Seidel, «Le contrôle des procédures d'adjudication dans la République fédérale d'Allemagne», p. 38. (8) Ajoutée par la deuxième loi amendant la loi sur les principes budgétaires du 26 novembre 1993 («Journal officiel fédéral» I, p. 1829). (9) Décret sur la procédure de vérification pour les marchés publics (décret sur la vérification-NpV) du 22 février 1994 («Journal officiel fédéral», I, p. 324).
L'ESSENTIEL
»Les instances de vérification peuvent faire annuler les décisions des pouvoirs adjudicateurs ou suspendre la passation du marché. Après la conclusion du marché public, elles peuvent constater l'illégalité de la procédure de passation.
»En l'absence de constat de vice par l'instance de vérification de la passation, la procédure de demande d'une « révision » peut être exercée dans un délai de quatre semaines devant le Vergabeüberwachsungsausschuss (commission de surveillance de la passation).
»Si la commission de surveillance confirme la révision, elle fait prendre une nouvelle décision par l'instance de vérification de la passation. Si la commission de surveillance ne reçoit pas de plainte, il n'existe aucun autre recours.
»Une entreprise peut aussi intenter devant un tribunal civil une action en dommages-intérêts contre le maître d'ouvrage public pour violation des règles de passation. Selon la nature du dommage subi, l'entreprise lésée a droit à un « intérêt de confiance » ou à un « intérêt d'exécution ».
»La transposition en droit allemand des directives communautaires sur la passation des marchés publics donne aux soumissionnaires la possibilité de faire examiner les décisions de passation des marchés publics à l'aide d'un recours de nature administrative, mais ne garantit pas le droit au respect des règles de passation des marchés publics par un recours devant les tribunaux.
»Pour cette raison, les pouvoirs publics ont réfléchi à un nouveau règlement de la protection juridique de la passation des marchés publics.
»Le gouvernement fédéral est favorable à un projet selon lequel les commissions de surveillance de la passation seraient conservées. Elles examineraient les décisions en fait et en droit. Elles recevraient aussi le droit de suspendre la procédure de passation des marchés publics et d'exiger à tout moment la consultation des dossiers.
»Les décisions des commissions de surveillance de la passation pourraient être soumises au contrôle des juridictions de droit commun. Seraient compétents les sénats spéciaux des Oberlandesgerichte (tribunaux régionaux supérieurs allemands).