Marchés publics : le candidat évincé n'est lésé que si son offre pouvait être retenue !

L'attribution d'un marché à une entreprise malgré l'irrégularité de sa candidature ne peut être contestée par un concurrent que si son offre elle-même était susceptible d'être retenue. C'est l'un des enseignements de la décision rendue par le Conseil d'Etat le 11 avril dernier.

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Décision du Conseil d'Etat

Le Conseil d’Etat tranche, dans une décision du 11 avril, deux questions récurrentes du droit des marchés publics. A commencer par celle-ci : selon quelles modalités le juge des référés doit-il apprécier si un candidat évincé est ou non lésé ?

En l'espèce, le juge de première instance avait considéré qu’un candidat à un marché public, en cas de candidature irrégulière d’un concurrent, ne pouvait être susceptible d'être lésé par l'attribution du marché à ce dernier que si sa candidature était elle-même recevable.

La Haute Assemblée censure cette interprétation. Elle relève en effet, plus d’ailleurs pour fixer un cadre jurisprudentiel que pour changer l’issue du litige (qui reste identique, le moyen étant considéré comme opérant en première instance comme en cassation, et conduit d’ailleurs à l’annulation de la procédure), que «  le choix de l'offre d'un candidat irrégulièrement retenu est susceptible d'avoir lésé le candidat qui invoque ce manquement, à moins qu'il ne résulte de l'instruction que sa candidature devait elle-même être écartée, ou que l'offre qu'il présentait ne pouvait qu'être éliminée comme inappropriée, irrégulière ou inacceptable ; qu'en jugeant ainsi qu'un tel choix était par nature susceptible d'avoir lésé tout autre candidat à la seule condition que la candidature de cet autre candidat soit elle-même recevable, le juge des référés du tribunal administratif de Dijon a commis une erreur de droit ».

Le tout pour, in fine, relever que «  ni la recevabilité de la candidature [du requérant], ni le caractère approprié, régulier et acceptable de son offre ne sont contestés ; que le choix d'une offre présentée par un candidat irrégulièrement retenu est dès lors susceptible de l'avoir lésée, quel qu'ait été son propre rang de classement à l'issue du jugement des offres ».

Cette décision est cohérente avec la jurisprudence refusant d’admettre une lésion lorsque le requérant n’a pas remis d’offre ou de candidature conformes (en ce sens cf. TA Lyon, 15 oct. 2008, "Sté d'études et de réalisations industrielles", req. n° 08-06161 ; TA Bastia, ord. 24 décembre 2008, "Sté ATS", req. n° 08-01261 ; impl. CE, 20 mai 2009, "Min. Défense", req. n° 316601 et n° 316602). Le Conseil d'Etat souligne ainsi, en d'autres termes, que l’évocation de l’irrégularité de la candidature déposée par un concurrent n’est envisageable, en référé, que si, non seulement la candidature du requérant est elle-même recevable, mais aussi – et c’est là l’ajout de la décision commentée – si son offre est susceptible d’être retenue. Cela suppose qu’elle soit régulière, appropriée et acceptable. Notons, en outre, que dans l’affaire considérée, la lésion prêtait d’autant moins à discussion que le candidat irrégulièrement admis avait été, ensuite, déclaré attributaire.

Seconde question ici tranchée : dans quelle mesure l’erreur commise par une entreprise dans la constitution de son dossier de candidature peut-elle constituer un vice sanctionnable ?

Le Conseil d'Etat relève tout d'abord que la disposition du règlement de consultation prévoyant l'attribution d'une note maximale, pour le critère relatif à la nature et à l'étendue des garanties, aux offres présentées sans réserve ni amendement aux clauses du cahier des charges, n’était pas irrégulière. Point sur lequel on peut toutefois émettre quelques réserves, dès lors que l’analyse des offres ne doit jamais confiner à un contrôle de conformité...

Puis, statuant au fond, il rappelle la règle selon laquelle une candidature s’appuyant sur plusieurs opérateurs économiques doit présenter, pour chacune des sociétés, l’ensemble des documents exigés par le dossier de consultation. Il relève ainsi que le « Bureau européen d'assurance hospitalière, intermédiaire d'assurance, n'a pas fourni à l'appui de la candidature de l'assureur qu'il représentait les documents relatifs à cet assureur exigés par le règlement de la consultation énumérés à cet article ; que ni le Bureau européen d'assurance hospitalière, qui se borne à produire en défense le mandat, joint à son offre, qui lui a été confié par la société Newline Underwriting Management Limited [...], ni le centre hospitalier de Mâcon, qui ne peut utilement invoquer les dispositions de la loi du 17 juillet 1978 relatives à l'accès aux documents administratifs pour se dispenser de produire ces pièces, n'établissent qu'elles auraient figuré au dossier de candidature ; que dans ces conditions, la candidature présentée par le Bureau européen d'assurance hospitalière doit être regardée comme ayant été retenue en méconnaissance des dispositions du règlement de consultation ».

Pour consulter la décision du Conseil d'Etat, 11 avril 2012, n° 354652 - cliquez ici

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