La jurisprudence "Smirgeomes" du 3 octobre 2008 (ici) n'en finit pas de produire ses effets. Dans une affaire qui opposait les sociétés Léon-Grosse et SIRR Ingénierie au centre hospitalier de Chambéry, le juge des référés a en effet appliqué à l'affaire qu'il avait à trancher une technique bien connue des juristes : celle dite "du bilan", qui permet au juge de faire la balance des intérêts en présence.
Dans la présente affaire, les sociétés requérantes soutenaient que l'offre attributaire du marché n'était pas conforme au cahier des charges. Elles faisaient valoir, en particulier que l'offre retenue n'était "pas conforme aux prescriptions du programme fonctionnel et technique en ce qui concerne l'emprise, l'implantation et le volume enveloppe du futur bâtiment". En pareille circonstance, le pouvoir adjudicateur n'a en principe d'autre choix que d'écarter l'offre, puisqu'une offre non conforme ne peut être examinée, ni classée. Ce n'est pas ce qu'a décidé le centre hospitalier ; pressé par les nécessités de la construction d'un nouvel hôpital, alors que celui existant est menacé en permanence de fermeture par la commission de sécurité, le pouvoir adjudicateur a décidé néanmoins d'étudier les cinq offres concurrentes soumises à son examen.
Avant la jurisprudence "Smirgeomes", une telle entorse aux règles d'examen des offres aurait été sanctionnée. Ce n'est pas ce qui s'est passé. Pour justifier sa décision, le tribunal a énoncé que "eu égard, d'une part, à la nature et à l'importance des irrégularités ainsi établies rapportées à la complexité de l'ouvrage à réaliser et au fait que le pouvoir adjudicateur soutient, sans être utilement contredit, que les cinq offres examinées par le jury, notamment celle du groupement requérant, comportaient également des points de non-conformité au programme sans qu'aucune n'ait été éliminée et, d'autre art, à l'intérêt public qui s'attache à ce que la construction du nouvel hôpital puisse intervenir dans les meilleurs délais pour des considérations de santé publique liées à l'obsolescence de l'établissement existant (...) il y a lieu, au titre de la balance à laquelle il appartient au juge des référés précontractuels de procéder en prenant en compte l'ensemble des intérêts susceptibles d'être lésés et notamment l'intérêt public, d'admettre que les inconvénients d'une annulation de la procédure l'emporteraient, dans les circonstances de l'espèce, sur les avantages d'une telle mesure".
Voilà une décision qui, à n'en pas douter, suscitera des commentaires. Elle permet en tout cas au pouvoir adjudicateur de sauver son projet in extremis et "d'effacer les irrégularités" de la procédure. Pour la bonne cause.
Pour retrouver la décision du TA Grenoble, Soc. Léon-Grosse et SIRR Ingénierie c. Centre hospitalier de Chambéry, req. n° 1004488-1004490, cliquez ci-dessous