Marchés publics : l’acheteur peut retenir une offre 30 % moins chère qu’une offre anormalement basse

Le candidat à un marché public doit justifier de la viabilité économique de son offre lorsque le pouvoir adjudicateur le lui demande. Au risque sinon d’être éliminé pour offre anormalement basse (OAB). Un point de vigilance rappelé par un arrêt du Conseil d’Etat appliquant la nouvelle réglementation sur les OAB.

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Offre anormalement basse

Pour justifier le caractère bas de son propre prix, le candidat évincé de la passation d’un marché public ne peut pas invoquer le seul écart de prix entre son offre et celle du concurrent attributaire, 30 % moins chère. La Haute juridiction administrative tranche en ce sens dans un arrêt du 30 mars. En l’espèce, une région avait lancé une procédure de passation d’un marché de formation professionnelle. Elle a évincé un groupement d’intérêt public candidat pour cinq des huit lots du marché pour offres anormalement basses. Celui-ci a obtenu du juge des référés l’annulation de la procédure de passation de ces lots et sa relance au stade de l’analyse des offres. La région porte l’affaire devant le Conseil d’Etat.

Procédure à mettre en œuvre en cas d’offre suspecte

Le juge administratif rappelle les nouvelles dispositions applicables en matière de détection, d’analyse et de traitement des offres anormalement basses (OAB). En cas d’offres suspectées comme telles, l’acheteur public doit déclencher une procédure contradictoire. Elle consiste à demander au soumissionnaire d’apporter des justifications ou des précisions expliquant le prix proposé (art. 53 de l’ordonnance du 23 juillet 2015). Si ce dernier n’explique pas de manière satisfaisante la sous-évaluation manifeste de son prix qui est susceptible de compromettre la bonne exécution du marché, l’acheteur doit écarter l’offre (art. 60-II-1° du décret du 25 mars 2016). Rappelons qu’il en est de même lorsque l’offre contrevient aux législations environnementales et sociales applicables (art. 60-II-2° du décret).

Demande de justifications restée sans suite

En l’espèce, la région avait relevé un écart manifestement important entre l’offre du groupement et la moyenne pondérée des offres reçues grâce à une méthode de calcul préconisée par une charte locale. Elle avait donc demandé au groupement ainsi qu’à deux autres soumissionnaires de justifier leur prix notamment par la décomposition détaillée des différents postes et en indiquant s’ils bénéficiaient de conditions exceptionnellement favorables pour exécuter le marché. Contrairement à l’entreprise attributaire, le groupement n’a pas répondu à cette demande dans le délai raisonnable imparti, ni même après.

Le juge des référés a estimé que le pouvoir adjudicateur avait commis une erreur manifeste d’appréciation en écartant l’offre du groupement comme anormalement basse, alors que le prix proposé par ce dernier était supérieur à celui de l’offre de l’attributaire. Le Conseil d’Etat censure cette analyse. Le juge de l’urgence ne pouvait pas se fonder sur un seul écart de prix avec l’offre concurrente pour estimer normale celle du candidat évincé. Le Conseil d’Etat annule l’ordonnance de référé et règle le fond de l’affaire. Il juge que cet argument n’est pas non plus suffisant pour que le candidat évincé justifie le caractère bas de son propre prix. Et ce d’autant plus que l’attributaire avait, à la demande de l’acheteur, justifié son prix. Il rejette donc la demande d’annulation de la procédure de passation.

Retenir une offre 30 % moins chère qu’une OAB

Cette jurisprudence illustre la possibilité pour l’acheteur public de retenir une offre 30 % moins chère qu’une offre rejetée comme anormalement basse - tant que le soumissionnaire justifie son prix. Pour rappel, la législation en vigueur ne définit toujours pas les OAB, malgré une demande formulée en ce sens par les sénateurs lors du débat parlementaire sur la loi Sapin 2 du 9 décembre 2016. C’est pourquoi, explique la Direction des affaires juridiques de Bercy dans une fiche technique dédiée, « les acheteurs doivent apprécier la réalité économique des offres pour différencier une OAB d’une offre concurrentielle ». Ils doivent demander des précisions aux candidats permettant de vérifier la viabilité économique de l’offre. Objectif : sanctionner l’offre anormale nuisant à la concurrence déloyale et qui risque de mettre en péril la bonne exécution du marché ou encore de conduire à la conclusion d’avenants en cours de contrat.

CE, 30 mars 2017, n° 406224

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