La question soulevée devant le juge communautaire revenait à savoir si une règle nationale qui énonce une incompatibilité entre le secteur des médias d'information et celui des marchés publics était conforme aux principes du droit communautaire.
La constitution et la loi grecques interdisent en effet l'attribution de marchés publics à des entrepreneurs également impliqués, directement ou par intermédiaires, dans les médias d'information. A l'occasion d'un recours exercé par une entreprise évincée d'un appel d'offres de travaux pour la ligne ferroviaire Corinthe-Kiato, la CJCE a été saisie pour savoir si ces règles étaient eurocompatibles.
Des restrictions, oui, mais proportionnées
La réponse de la CJCE est intéressante, au-delà du litige grec. Elle précise en effet que :
- La directive "marchés publics de travaux" énonce de façon exhaustive les causes d'exclusion à un marché public qui sont liées aux qualités professionnelles de l'entrepreneur (liste à l'article 24 de la * : état de faillite, condamnation pour un délit affectant la moralité professionnelle de l'entrepreneur, irrégularités fiscales ou sociales etc.).
Cependant, les Etats membres peuvent prévoir d'autres causes d'exclusion, non fondées sur la qualité professionnelle de l'entrepreneur, dans le but d'assurer le respect des principes d'égalité de traitement et de transparence dans la passation des marchés publics. A une condition toutefois : que ces mesures soient justement proportionnées au but à atteindre. Selon la Cour en effet, "chaque Etat est le mieux à même d'identifier, à la lumière de considérations historiques, juridiques, économiques ou sociales qui lui sont propres, les situations propices à l'apparition de comportements susceptibles d'entraîner des entorses au respect de ces principes."
- Des mesures nationales peuvent légitimement être adoptées pour écarter "le risque de survenance de pratiques susceptibles de menacer la transparence et de fausser la concurrence, qui pourrait naître de la présence, parmi les soumissionnaires, d'un entrepreneur exerçant une activité dans le secteur des médias d'information ou entretenant des liens avec une personne impliquée dans ce secteur...".
Mais en l'espèce, la réglementation grecque est jugée excessive, même si son objet est légitime : elle crée une incompatibilité générale entre le secteur des travaux publics et celui des médias d'information, sans laisser aux entrepreneurs la possibilité de démontrer l'absence de risques réels pour la transparence et la concurrence dans la passation des marchés. Une mesure disproportionnée, donc.
* Disposition inchangée dans la directive en vigueur (Directive 2004/18/CE du 31 mars 2004 relative à la coordination des procédures de passation des marchés publics de travaux, de fournitures et de services).
Voir l'arrêt de la CJCE du 16 décembre 2008 dans l'affaire C-213/07 "Michaniki AE" : cliquez ici