Le décret du 25 février 1991 a créé, à côté du comité consultatif national, des comités régionaux ou interrégionaux de règlement amiable des différends relatifs aux marchés publics (CCRA). Il a, par ailleurs, étendu la procédure de conciliation aux marchés des collectivités locales. Ces comités peuvent être saisis par le maître d’ouvrage public ou par le titulaire du marché. Leurs avis, purement consultatifs, s’appuient sur les concessions réciproques des parties et reposent sur une analyse en équité de l’affaire.
La procédure suivie devant les CCRA, particulièrement adaptée aux litiges qui soulèvent peu de difficultés d’interprétation, est simple et rapide. Toutefois, cette simplicité n’est qu’apparente lorsque la saisine du CCRA intervient dans le cadre de la procédure de contestation du décompte général du marché prévue par le CCAG Travaux (1). L’entrepreneur doit veiller, en effet, à combiner les deux procédures (celles prévues par le CCRA et par le CCAG Travaux), sous peine de forclusion de sa demande. Cette difficulté se pose avec une acuité particulière si l’avis n’est pas suivi par la collectivité publique.
Modalités de contestation du décompte général
Le titulaire du marché doit veiller à respecter la procédure de contestation prévue par le CCAG Travaux, pour préserver ses droits devant le juge dans le cas où l’avis du comité ne serait pas suivi par l’administration () ou ne le satisferait pas.
Réclamation. Dans un premier temps, l’entrepreneur doit présenter un mémoire de réclamation dans le délai imparti par les articles 13.44 et 13.45 du CCAG Travaux (45 jours, ou 30 jours si le marché n’excède pas trois mois).Saisine du juge. Dans un second temps, conformément à l’article 50.32 du CCAG Travaux, dès lors qu’une décision expresse lui est notifiée par le maître de l’ouvrage à la suite de sa réclamation, l’entrepreneur doit saisir le juge compétent dans les six mois à compter de cette notification. A défaut de contestation régulière dans les délais ainsi impartis par le CCAG Travaux, le décompte général du marché devient définitif (CE, 22 février 2002, « Société Reithler », rec. CE p. 57, BJCP 2002, n° 22, p. 225) et l’entrepreneur est forclos pour reprendre devant le juge du contrat les demandes qu’il avait fait valoir auprès du CCRA. La circonstance que l’administration ait consenti, dans le cadre d’une procédure de conciliation n’ayant donné lieu à aucune transaction, à ne pas invoquer ces stipulations, ne fait pas obstacle à ce qu’elle puisse ultérieurement soulever la forclusion de la demande devant la juridiction administrative ().Saisine du CCRA. La saisine du CCRA interrompt le cours des différentes prescriptions. Elle suspend, le cas échéant, les délais de recours contentieux jusqu’à la décision prise par la personne responsable du marché après avis du comité. Il faut cependant préciser que son intervention n’a plus d’effet sur le cours des intérêts moratoires, la disposition qui le prévoyait ayant été abrogée par le décret du 25 février 1991. Encore faut-il que le CCRA ait été saisi régulièrement.
Saisine du CCRA par l’entrepreneur
Si le maître de l’ouvrage peut saisir le CCRA à tout moment, l’entrepreneur peut saisir le comité uniquement si la personne responsable du marché a rejeté sa demande. Plus précisément, selon le Conseil d’Etat, la saisine peut intervenir à partir du moment où l’entrepreneur peut porter sa réclamation devant le maître de l’ouvrage (CE, 6 novembre 1998, « Société Quillery et autres », Rec. CE, p. 391). Cela signifierait, s’agissant de la contestation du décompte général du marché, que le CCRA pourrait être valablement saisi dès la notification du décompte général du marché. Il est toutefois préférable, par sécurité juridique, d’attendre la décision du maître de l’ouvrage sur le mémoire de réclamation, la circonstance que le maître de l’ouvrage a été préalablement saisi étant sans incidence sur la saisine du CCRA (CE, 6 novembre 1998, précité). Par ailleurs, le titulaire du marché doit saisir le comité par un mémoire exposant le montant et les motifs de la réclamation. Ce mémoire doit être accompagné des pièces contractuelles du marché, de la lettre de la personne responsable du marché rejetant sa réclamation et de toutes correspondances relatives au litige. A défaut, les délais ne sont pas suspendus (). Enfin, le CCRA doit avoir été saisi en temps utile et non postérieurement à l’expiration des délais prévus par le CCAG Travaux sous peine de forclusion ().
Les suites données à l’avis rendu par le CCRA
Par un arrêt récent (), rendu à propos de la contestation par la société Spie Trindel du décompte général établi dans le cadre de l’opération de construction du nouvel hôpital du Val-d’Ariège (2), le Conseil d’Etat a précisé que l’acceptation, par l’entrepreneur, de la décision du maître d’ouvrage, prise au vu de l’avis du CCRA, suffit à conférer un caractère définitif au décompte sans qu’il y ait lieu de signer un avenant, sauf si la décision elle-même prévoit qu’elle est subordonnée à la passation d’un avenant ou d’une transaction (mutatis mutandis, CAA Nantes, 11 avril 2003, « Société Arcol », n° 02NT01104). A l’inverse, lorsque l’entrepreneur ne donne pas son accord à la décision du maître d’ouvrage, prise à la suite de l’avis, il n’est pas fondé à se prévaloir des stipulations de l’article 50.23, 2nd alinéa, du CCAG Travaux. Selon cet article, si l’entrepreneur ne donne pas son accord à la décision prise sur sa réclamation par la collectivité publique, les modalités fixées par cette décision sont appliquées à titre de règlement provisoire du différend.
En d’autres termes, la décision prise par le maître de l’ouvrage au vu de l’avis émis par le CCRA ne se substitue pas à la décision initiale de refus du mémoire de réclamation (CE, 4 novembre 2005 précité). En conséquence, l’entrepreneur n’est pas fondé à réclamer auprès du juge des référés le versement d’une provision en soutenant que la décision prise à la suite de l’avis constitue une obligation non sérieusement contestable. En effet, la décision prise à la suite de l’avis du CCRA par l’administration s’inscrit dans une démarche de règlement amiable du litige et ne saurait donc constituer une reconnaissance de dette de la part de la collectivité, qui peut toujours revenir sur les concessions qu’elle avait consenties dans le cadre de la conciliation.
