Est-il possible de confier au prestataire d'un service ou à une entreprise ayant réalisé un ouvrage, la réalisation d'une prestation similaire sans mise en concurrence préalable ? Oui. Si certaines conditions sont réunies... et si l'acheteur fait ce choix.
Conditions cumulatives
L'article 30 du décret marchés publics du 25 mars 2016 vise en effet, parmi les hypothèses autorisant le recours à la procédure négociée sans mise en concurrence préalable, le cas des marchés publics portant sur des services ou des travaux similaires (art. 30, I, 7°). Les conditions cumulatives de mise en œuvre de cette procédure dérogatoire peuvent être résumées comme suit :
- le marché ne peut porter que sur des prestations de services ou de travaux similaires à celles qui ont été confiées au titulaire d'un précédent marché ;
- ce marché initial doit avoir été conclu après mise en concurrence ;
- il doit comporter une clause mentionnant cette possibilité de confier la réalisation de prestations similaires au titulaire ;
- les modalités de mise en concurrence du marché initial (procédure et formalités de publicité mises en œuvre) doivent être compatibles avec le montant du marché initial auquel s'ajoute le montant estimé des prestations similaires envisagées (1) ;
- le ou les marchés portant sur les prestations similaires peuvent être conclus pendant les 3 années qui suivent la date de notification du marché initial.
Dispositions des directives européennes
Il n'aura pas échappé au lecteur attentif qu'il ne s'agit là que de conditions de pure forme. Aucune exigence tenant, par exemple, à la survenance de circonstances imprévues pour l'acheteur, à l'existence de contraintes techniques particulières ou encore à la nécessité de réaliser des prestations complémentaires pour satisfaire les besoins initiaux n'est en effet posée. De sorte que la désignation habituelle de cette catégorie de marchés par les termes de « marchés complémentaires portant sur des prestations similaires » n'est pas tout à fait exacte. Les marchés portant sur des achats complémentaires à ceux qui résultent d'un marché initial constituent un cas nettement distinct de recours à la procédure négociée sans mise en concurrence préalable, et sont, notamment, limités aux fournitures (article 30-I-4° du décret).
Les conditions susvisées permettant de conclure, avec le titulaire d'un marché de services ou de travaux, un marché distinct portant sur des prestations similaires, sont issues des dispositions des directives marchés publics (art. 32.5 de la directive 2014/24/UE [pouvoirs adjudicateurs] et art. 50.f) de la directive 2014/25/UE [entités adjudicatrices] du 26 février 2014).
En vertu du droit communautaire, sont concernés des « nouveaux travaux ou services ». Cela illustre en premier lieu, à l'instar du droit national, qu'il ne s'agit pas nécessairement de prestations apportant un complément à celles du marché initial, mais qu'il peut s'agir de prestations nouvelles indépendantes du premier marché.
Infléchissements des conditions posées
En revanche, la transposition opérée par l'article 30 du décret du 25 mars 2016 a donné lieu, semble-t-il, à quelques infléchissements des conditions posées par la directive. Là où les dispositions de l'article 30, I, 7° du décret se bornent à évoquer « la réalisation de prestations similaires à celles qui ont été confiées au titulaire d'un marché précédent », ainsi que la simple obligation que ce marché initial ait « indiqué la possibilité de recourir à cette procédure pour la réalisation de prestations similaires », les dispositions de la directive paraissent davantage contraignantes.
Les nouvelles prestations concernées ne peuvent en effet porter que sur « la répétition de travaux ou de services similaires [...] à condition que ces travaux ou services soient conformes à un projet de base ». Ainsi, la condition tenant à la « conformité » des nouvelles prestations avec celles prévues au marché initial, censée caractériser les prestations similaires, apparaît plus restrictive que la seule exigence de « similitude » posée par le décret. La condition d'une exacte correspondance des nouvelles prestations avec celles qui résultent du premier marché semble se dégager des dispositions de la directive, si bien que les prestations dont il est question ne seraient pas tant similaires qu'identiques (2).
Par ailleurs, alors que les dispositions des articles 32.5 et 50.f) des directives susvisées ajoutent que le projet de base faisant l'objet du marché initial doit préciser l'étendue des travaux ou services supplémentaires possibles ainsi que les conditions de leur attribution, l'exigence de ces formalités portant sur la forme et sur le fond est totalement absente des dispositions de l'article 30 du décret du 25 mars 2016. Allégements et omissions surprenants, s'agissant d'une procédure dérogatoire au principe fondamental de mise en concurrence...