Les faits sont les suivants : la ville de Molsheim avait attribué à la société Wenelec l'un des lots composant le marché de rénovation d'une piscine municipale. Pendant l'exécution des travaux, l'entreprise a été placée en redressement judiciaire. Contrairement à la liquidation judiciaire, la cession en cas de redressement ne met pas fin en principe à l'activité de la société concernée. L'administrateur désigné a alors décidé que l'exécution des travaux de la piscine de Molsheim devait se poursuivre après la reprise. Normalement, la cession des parts d'une société implique la reprise de l'ensemble des droits et obligations résultant du précédent contrat, c'est-à-dire de l'actif et du passif de la société. Toutefois, le Code de commerce nuance cette affirmation et précise que le repreneur d'une entreprise en redressement judiciaire n'est tenu de respecter que les seuls engagements souscrits dans l'acte préparatoire de cession (L. 621-63). Or, en l'espèce, l'entreprise Wenelec n'a fait l'objet que d'une cession partielle : seul son actif (éléments du patrimoine ayant une valeur positive) a été transféré au repreneur et non son passif (dettes et obligations à l'égard des tiers).
Des fuites persistant encore après la reprise, la collectivité maître d'ouvrage s'est naturellement tournée vers le repreneur, devenu le nouveau titulaire, pour obtenir réparation. Mais les juges du Conseil d'Etat ont contesté ce recours en fondant leur argumentaire sur deux points. D'une part, "la cession ne portait que sur les actifs de la société cédée, à l'exclusion de son passif". Comme il n'y a eu aucune transmission du passif, le cessionnaire n'était donc pas concerné par les obligations contractées par le cédant avant la reprise. Sans engagement de la part du cessionnaire, pas de responsabilité contractuelle envers la collectivité. D'autre part, la commune n'a pas pu démontrer de lien avéré entre les désordres apparus sur la piscine et les travaux que le cessionnaire aurait réalisés postérieurement à la cession. Selon les juges, "il n'était pas établi que les désordres (...) trouveraient leur origine ou auraient été aggravés par des travaux réalisés postérieurement à l'opération de cession". En conclusion, le cessionnaire ne pouvait être tenu pour responsable de ces désordres.
En cas de cession judiciaire d'une entreprise titulaire d'un marché public, il convient de bien vérifier les termes de ladite cession. Plusieurs questions doivent se poser à l'acheteur : entre quelles mains se trouve le passif de la société cédée ? Y-a-t-il un lien de causalité entre les désordres constatés et les travaux réalisés ? En règle générale, il convient donc de diriger sa requête contre celui qui détient le passif de l'entreprise originellement titulaire du marché, et de démontrer un lien de causalité entre les travaux réalisés et le dommage survenu.
Pour retrouver l'arrêt du Conseil d'Etat du 29 septembre 2010, Commune de Molsheim, req. n°332567, cliquez ici.