Faits
Un entrepreneur s'est vu confier les travaux de démolition à prix forfaitaire. Au cours des travaux, il découvre que la dalle repose sur une assise granitique nécessitant d'importants travaux de déroctage sur environ la moitié du plancher bas. L'entrepreneur demande le paiement de travaux supplémentaire, ce que le client refuse. La cour d'appel accueille la demande en paiement de travaux supplémentaires de l'entrepreneur considérant que les travaux de déroctage n'étaient pas inclus dans le devis quantitatif limitatif des travaux confiés.
Question
Des travaux non visés dans les pièces contractuelles peuvent-ils être considérés comme inclus dans un marché à prix forfaitaire ?
Décision
La Cour de cassation censure la cour d'appel et fait ainsi une application scrupuleuse du principe, constant en jurisprudence, selon lequel les travaux inclus dans le marché forfaitaire sont non seulement les travaux expressément visés dans le marché mais aussi tous les travaux nécessaires à la réalisation de l'ouvrage défini dans le cadre du plan arrêté et convenu. En l'espèce, les travaux de déroctage étant indispensables pour la démolition de la dalle, ils relevaient de facto du marché à forfait et ne pouvaient être qualifiés de travaux supplémentaires.
Commentaire
Le régime du marché forfaitaire implique l'obligation pour l'entreprise de réaliser tous les travaux nécessaires à la réalisation du plan arrêté et convenu au sens de l' pour un prix forfaitaire non révisable.
Cet arrêt rappelle que le plan arrêté et convenu se définit au regard de l'objet, de la finalité du marché.
Peu importe que les moyens nécessaires à la réalisation de l'objet du marché n'aient pas été spécifiquement visés dans le descriptif des prestations contractuelles. C'est la raison pour laquelle les travaux de déroctage, bien que non mentionnés dans les pièces contractuelles, ont été considérés comme relevant du marché forfaitaire puisqu'ils étaient nécessaires à la réalisation de l'objet du marché.
Ces dispositions ont pour but de protéger le maître de l'ouvrage en faisant peser sur le seul entrepreneur les risques de l'imprévision. Il incombe donc à l'entrepreneur de chiffrer ses travaux au plus juste ce qui suppose une analyse des sujétions afférentes aux travaux et au site nécessitant parfois des investigations préalables poussées.
Lorsque le coût des travaux se révèle très supérieur au montant du marché forfaitaire du fait d'une sujétion imprévue révélée au cours du chantier, comme dans les faits de l'espèce, l'entrepreneur est souvent tenté d'invoquer la notion de bouleversement de l'économie du contrat pour s'affranchir du carcan du prix forfaitaire.
Toutefois, il faut conserver à l'esprit que cette théorie jurisprudentielle s'applique uniquement lorsque le bouleversement résulte de la volonté du maître d'ouvrage, autrement dit lorsque les modifications ayant affecté le volume et la nature des prestations ont été effectuées à la demande du maître d'ouvrage de sorte que cette théorie ne peut être efficacement invoquée lorsque le bouleversement provient d'une cause extérieure à la volonté du maître de l'ouvrage comme en l'espèce.