LORRAINE La reconstruction commence après les affaissements miniers

Services de l'Etat et élus du bassin ferrifère élaborent une stratégie à long terme après le traumatisme causé par les affaissements miniers d'Auboué et de Moutiers de 1996 et 1997. Les aménageurs locaux se verront proposer des guides techniques et juridiques.

Dominique Voynet, ministre de l'Environnement et de l'Aménagement du territoire, a pu le constater au cours de sa visite du 11 mai à Joeuf (Meurthe-et-Moselle) : un espoir encore fragile, mais réel, renaît dans le bassin ferrifère de Lorraine, après le traumatisme causé par les affaissements miniers d'Auboué et Moutiers de l'automne 1996 et du début 1997. Le prétexte de cette visite - l'inauguration des nouveaux locaux de la mairie de Joeuf - traduit la confiance que conservent les élus dans l'avenir d'un territoire frappé par la disparition de la mono-industrie du fer.

« Jusqu'ici, les initiatives de l'Etat dans le domaine de la reconversion paraissaient surtout destinées à faire passer la pilule de la fin des activités minières. Aujourd'hui, nous sentons une volonté ministérielle sérieuse de s'intéresser à l'avenir du bassin. »

Cette opinion d'un élu de base - René Herbelet, conseiller municipal d'Homécourt et ancien délégué syndical des mineurs de fer - témoigne de la reconnaissance du travail accompli. Le plan d'urgence, présenté le 11 mai à Dominique Voynet par le collectif des communes sinistrées, résulte du travail impulsé le 7 février par Jean-François Denis, préfet de Meurthe-et-Moselle, après la visite de Jean-Louis Guigou, délégué à l'aménagement du territoire, le 26 janvier, dans le bassin ferrifère.

Le collectif, qui réunit 90 communes représentant 240 000 habitants, ainsi que des représentants du monde socio-économique local, a confié l'élaboration de ce plan à quatre groupes de travail concentrés sur les thèmes suivants : « Aspects juridiques et législatifs » (animé par le sénateur Philippe Nachbar) ; « Eaux d'exhaure » (Christian Eckert, maire de Trieux) ; « Habitat et urbanisme » (Alain Corzani, maire de Joeuf) ; enfin, Colette Goeuriot, présidente du collectif et du syndicat d'aménagement du pays de l'Orne, s'est concentrée sur les questions d'aménagement du territoire.

Dès l'été dernier, Christian Pierret, secrétaire d'Etat à l'Industrie, avait donné le signal de la mobilisation de l'Etat. Après l'abandon de l'hypothèse de reconstruction in situ des cités de la rue de Metz et de Coinville, à Auboué, la mission de recherche foncière confiée à l'Etablissement public de la métropole lorraine (EPML) porte aujourd'hui ses fruits : grâce à des financements du Fonds national d'aménagement et de développement du territoire, cet organisme assume la maîtrise d'ouvrage déléguée de la viabilisation de 20 parcelles de 500 m2, près de la cité du « Tunnel » à Auboué.

Contourner les limitations de surfaces constructibles

La construction des nouvelles maisons reste suspendue à un accord des six propriétaires sur une procédure d'acquisition-démolition concernant un total de 141 pavillons.

A Moutiers, malgré les financements accordés le 1er avril par le comité régional d'aménagement du territoire pour la démolition d'une douzaine de maisons, l'indemnisation des sinistrés de cette ville reste plus problématique : « A Auboué, nous avons pu jouer sur la ligne budgétaire dédiée aux cités ouvrières dans le contrat de plan. Les maisons de Moutiers ne peuvent y prétendre », explique Jean-Marie Dandoy, responsable du bassin sidérurgique à l'EPML. Le nombre de démolitions nécessaire restera heureusement largement inférieur dans ce second dossier.

Pour l'avenir, l'EPML préconise la constitution de réserves foncières, de préférence intercommunales, avant les effondrements.

Le relatif apaisement des habitants tient enfin aux conclusions des experts sur les affaissements futurs, présentées aux élus le 4 mai à Metz : « Les études excluent le scénario catastrophe d'un effondrement global de la ville de Joeuf », assure Stéphane Cassereau, directeur régional de l'industrie, de la recherche et de l'environnement. Les trois bâtiments sensibles de l'agglomération - l'église et un immeuble de quatre étages à Joeuf, le centre culturel Pablo-Picasso à Homécourt - font néanmoins l'objet d'une procédure d'alerte en cas d'effondrement.

Parallèlement, la direction départemenntale de l'équipement (DDE) et la direction régionale de l'industrie, de la recherche et de l'environnement (Drire) mènent des études sur les mesures de confortement adaptées.

Souvent accusé de geler tout projet d'urbanisme par des prescriptions liées aux risques, le service des mines de la Drire ne ferme pas la porte à un dialogue technique : « Les limitations de surface n'interdisent pas la juxtaposition de modules avec joints de désolidarisation », précise Gilbert Ortar, adjoint au chef du services des mines et du sous-sol.

La Drire de Meurthe-et-Moselle attend, dans les mois à venir, les résultats d'études techniques et juridiques qui guideront les aménageurs locaux.

Un pôle national de recherche à Nancy

Les compétences acquises dans la compréhension des phénomènes d'affaissement et la recherche de solutions adaptées ouvrent des perspectives que les scientifiques régionaux se préparent à saisir : « Les recherches qui restent à entreprendre concernent le vieillissement des matériaux et l'interaction entre les fluides et les matrices rocheuses », précise Jack-Pierre Piguet, directeur du laboratoire environnement, géomécanique et ouvrages, récemment créé à Nancy.

« Les compétences rassemblées à Nancy par l'Ecole des mines, l'Ecole de géologie, le Bureau de recherche géologiques et minières et l'Institut national de l'environnement et des risques répondent parfaitement à l'objectif de constituer un pôle national de recherche sur les dégâts miniers, annoncé par Christian Pierret », renchérit Stéphane Cassereau. Le prochain contrat de plan Etat-région fournira l'occasion de structurer ce projet.

A l'horizon 2015, les espoirs du bassin ferrifère reposent en partie sur les épaules de Bernadette Malgorn : le préfet de région, porteur d'un projet de directive territoriale d'aménagement (DTA) à l'échelle des bassins houiller et sidérurgique lorrains, rendra, le 30 juin, le rapport commandé le 15 décembre par le Comité interministériel d'aménagement et de développement du territoire (Ciadt) (voir encadré). «Quelle que soit la réponse du gouvernement, le travail en cours offrira des perspectives à saisir. La prime à l'organisation territoriale, idée-force du prochain contrat de plan, offre aux bassins miniers l'occasion d'y apparaître comme des co-contractants utiles et repérés. A l'échelle européenne, l'application mathématique des critères d'éligibilité aux fonds structurels risquerait d'exclure les bassins miniers que les statistiques ne repèrent pas comme sinistrés du point de vue du taux de chômage.

A l'inverse, l'existence d'une mission spécifique d'aménagement du territoire offre une chance d'intégration dans la politique des fonds structurels», plaide Bernadette Malgorn.

L'argumentation préfectorale porte d'autant plus que, pour plaider sa cause à Bruxelles, la Lorraine a régulièrement su faire la preuve de son unité.

PHOTOS : Un plan d'urgence a été élaboré par un collectif de communes sinistrées. Vingt parcelles sont en cours de viabilisation à Auboué (photo).

La mairie rénovée de Joeuf

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