Loi Confiance : les sénateurs accélèrent le calendrier du permis de déroger et enrichissent le projet

Le projet de loi pour un Etat au service d’une société de confiance a été adopté au Sénat ce 20 mars. Les parlementaires de la chambre haute ont entériné la création d’un permis généralisé de déroger aux normes de construction. Et ajouté diverses mesures au texte, concernant la protection contre les inondations ou encore les recours abusifs en matière d’installations classées.

Réservé aux abonnés
Image d'illustration de l'article
Le Sénat adopte le 20 mars en première lecture le projet de loi Confiance.

Il est déçu. Et l’a fait savoir en introduction des débats au Sénat sur le projet de loi Confiance le 13 mars. Pour Jean-Claude Luche, sénateur (UC – Aveyron) et rapporteur de la commission spéciale sur ce texte, « malgré nos efforts, [le projet de loi] reste un fourre-tout. Ses dispositions ont parfois une portée limitée sinon déclaratoire. Il élude en outre totalement la question des moyens. Il faudra davantage pour restaurer la confiance ! »

Difficile de façon générale, pour ce type de loi hétéroclite, de recueillir le consensus. Ce sera à la commission mixte paritaire de rechercher un compromis entre députés et sénateurs dans les prochaines semaines, maintenant que le texte a été adopté par 207 voix contre 19 en première lecture au Sénat ce 20 mars. Quoi qu’il en soit, le passage du texte par la chambre haute a été marqué par l’évolution de certaines mesures intéressant le BTP, ou par l'ajout de dispositions nouvelles. Sélection des changements à retenir.

Le permis de déroger entériné

Malgré la pression de certains sénateurs, qui souhaitaient laisser plus de temps aux acteurs pour expérimenter le permis de faire issu de la loi LCAP plutôt que de créer un permis de déroger généralisé, celui-ci est acté. Pour mémoire, ce dispositif (art. 26 du projet de loi Confiance) sera mis en place par ordonnances, en deux temps. Une première ordonnance permettra à titre expérimental des dérogations à certaines règles de construction, à condition pour le maître d’ouvrage de prouver qu’il aboutira à des résultats équivalents à ceux prévus par lesdites règles. Puis une seconde ordonnance généralisera le choix entre l’application des « normes de référence » et l’atteinte de résultats équivalents à ces normes par d’autres moyens. Et réécrira le Code de la construction et de l’habitation, afin d’obtenir une rédaction des règles de construction « propre à éclairer, notamment par l’identification des objectifs poursuivis, le maître d’ouvrage sur les obligations qui lui incombent […] ».

Les sénateurs ont en revanche voté une accélération du calendrier. La première ordonnance devra être prise, comme prévu par les députés, dans les trois mois de la promulgation de la loi Confiance. Pour la seconde, la chambre haute a réduit le délai, initialement établi à 18 mois, pour le fixer à 12 mois, « afin d’éviter un dessaisissement du Parlement pour une durée excessive » sur un « champ aussi vaste » que celui de l’ensemble des normes de construction, selon les mots des sénateurs. Reste à voir quel sera l’arbitrage retenu en commission mixte paritaire, le gouvernement insistant sur le fait que le délai de douze mois paraît trop court pour mener une concertation « fournie et dense et pour légiférer dans de bonnes conditions ».

Les travaux en commission spéciale du Sénat ont aussi permis d’éclairer ce qu’il faut entendre par « normes de référence » dans cet article 26. Le gouvernement a en effet indiqué au rapporteur que ces normes « seront, dans la plupart des cas, définies par décret et, le cas échéant, précisées par arrêté ». Il a ajouté que « dans certains cas, un renvoi aux normes professionnelles pourrait être possible, lorsque celles-ci sont d’application obligatoire ».

Les obligations déclaratives en matière de TVA à taux réduit assouplies

Une autre nouveauté, introduite en commission spéciale et votée par le Sénat (art. 3 bis AA du projet de loi), porte sur la TVA à taux réduit pour les travaux d'amélioration, de transformation, d'aménagement et d'entretien sur des logements.

Pour se voir appliquer ce taux réduit, le bénéficiaire doit attester, avant le début des travaux, que ceux-ci concernent des locaux d'habitation achevés depuis plus de deux ans (art. 279-0 bis du Code général des impôts). « Or en pratique, relève le rapport de la commission spéciale, l’attestation est parfois remise après le début des travaux ou le versement des premiers acomptes. » La doctrine fiscale prévoit déjà une certaine tolérance à ce sujet, note la commission. La disposition adoptée à l’article 3 bis AA vise à accroître la sécurité juridique des entreprises de bâtiment et de leurs clients, en consacrant cette tolérance dans la loi. Elle prévoit que le taux réduit soit « applicable dès le premier acompte, sous réserve que […] l’attestation soit fournie lors de la facturation finale ou de l’achèvement des travaux ».

Supprimé par la commission spéciale du Sénat pour cause d’inconstitutionnalité, l’article 10 du texte généralisant la pratique du rescrit a finalement été rétabli à la suite d’un amendement gouvernemental. Ces prises de position formelle de l’administration, qui existaient déjà en matière fiscale notamment, sont ainsi désormais étendues à cinq nouveaux dispositifs : la fiscalité de l’aménagement, la taxe perçue par la région Île-de-France pour la construction de certains locaux (art. L. 520-1 et suivants du Code de l’urbanisme), les redevances perçues par les agences de l’eau et la redevance d’archéologie préventive. Les réponses apportées seront opposables à l’administration qui les a émises "jusqu’à ce qu’intervienne un changement de fait ou de droit, ou qu’une nouvelle position soit notifiée au demandeur".

Pour rendre "l'administration moins complexe", l’article 26 ter crée une expérimentation ­d’une durée de trois ans ­permettant au maître d’ouvrage de bénéficier d’un référent unique au sein des services déconcentrés de l’Etat lors de l’instruction, par plusieurs services, d’un projet d’activité, d’installation, d’ouvrage ou de travaux qui nécessitent plusieurs autorisations ou déclarations (autorisations d’urbanisme, enquêtes publiques, évaluations environnementales, déclarations d’utilité publiques, etc.). Objectif : permettre au porteur de projet de mieux comprendre l’enchevêtrement des diverses procédures d’instruction auxquelles il peut être soumis.

Ce référent unique aura vocation à informer le maître d’ouvrage sur les questions communes, comme l’état d’avancée de l’instruction de chaque demande, mais ces dernières resteront traitées par les services compétents. En outre, ce dispositif ne devra pas interférer avec l’autorisation environnementale unique et le référent ne devra pas être le seul point de contact possible entre le maître d’ouvrage et l’administration. Le porteur de projet devra en effet toujours pouvoir s’adresser aux différents services administratifs pour les points « techniques ».

Du côté des collectivités, les articles 34 bis A à D, ajoutés en séance, visent à alléger les procédures relatives à l’entretien et à la sécurisation des digues de défense contre la mer. Ainsi, en premier lieu, l’entretien et la reconstruction des ouvrages qui s’inscrivent dans le cadre d’un programme d’action et de prévention des inondations (Papi) seront exclus de la nomenclature des ouvrages soumis à évaluation environnementale. L’article 34 bis B vise, quant à lui, à étendre aux gestionnaires de digues la dérogation de dispense d’enquête publique préalable accordée aux entreprises hydroélectriques autorisées. Pour mémoire, cette dispense prévue à l’article L. 214-4 du Code de l’environnement s’exerce pour les autorisations de travaux ou d’activités présentant un caractère temporaire, périodique et dépourvu d’effet important et durable sur le milieu naturel.

Sera également exemptée d’enquête publique la délivrance de concessions d’utilisation du domaine public maritime pour les travaux permettant de créer ou de sécuriser un ouvrage de sécurité publique inscrit dans un Papi dès lors que ces travaux n’ont pas fait l’objet d’enquête publique au titre du Code de l’environnement.

Et, afin de favoriser la construction d’ouvrages de défense contre les inondations et contre la mer, une nouvelle expérimentation est engagée pour une période de cinq années. Cette expérimentation concernera l’étude, l’exécution et l’exploitation de tous travaux, actions, ouvrages ou installations présentant un caractère d'intérêt général ou d'urgence inscrits dans un Papi. L’idée est de créer une procédure, conduite par le préfet, qui débouchera sur une décision unique afin d’accélérer substantiellement la construction d’ouvrages indispensables à la sécurisation des biens et des personnes.

Enfin, dernière grande nouveauté du projet de loi  : limiter les recours abusifs des associations à l’encontre des installations classées pour la protection de l’environnement (ICPE). S’appuyant sur ce qui existe en matière d’urbanisme, l’article 35 ter prévoit qu’une association ne sera recevable à agir que si le dépôt de ses statuts est intervenu antérieurement à l’affichage en mairie des conditions relatives à la procédure de participation du public. Si le recours cause un préjudice excessif au bénéficiaire de l’autorisation environnementale, ce dernier pourra demander au juge administratif de condamner l’auteur du recours au paiement de dommages et intérêts.

Pour consulter le projet de loi pour un Etat au service d'une société de confiance voté en première lecture au Sénat, cliquer ici

Newsletter Week-End
Nos journalistes sélectionnent pour vous les articles essentiels de votre secteur.
Les services Le Moniteur
La solution en ligne pour bien construire !
L'expertise juridique des Éditions du Moniteur
Trouvez des fournisseurs du BTP !