La France devait déposer lundi 23 juillet son recours devant la Cour de justice européenne de Luxembourg pour contester la demande de la Commission européenne d'étendre à toutes les banques la distribution des Livrets A et Bleu, alors qu'elle étudie parallèlement la réforme du système.
Matignon avait annoncé le 19 juin que la France déposerait un recours contre la décision de Bruxelles, qui a demandé le 10 mai que soit mis fin à l'exclusivité de distribution dont bénéficient actuellement la Banque postale et le groupe Caisse d'épargne pour le Livret A, et le Crédit mutuel pour le Livret Bleu.
Bercy a précisé que le recours serait fondé sur trois points principaux, lesquels répondent à ceux exposés par Bruxelles.
Le premier concerne la définition du "marché pertinent", c'est-à-dire le marché de référence utilisé pour juger du poids des Livret A et Bleu en France. Tandis que Bruxelles considère le marché de l'épargne liquide comme référent, la France souhaite utiliser le marché des services bancaires en général, ce qui dilue sensiblement le poids relatif des Livrets A et Bleu.
Le deuxième argument porte sur les "droits spéciaux" de distribution des Livret A et Bleu, c'est-à-dire l'exclusivité accordée à la Banque postale et au groupe Caisse d'épargne pour le Livret A, au Crédit mutuel pour le Livret Bleu.
La France fait valoir que ces droits spéciaux "ne constituent pas une entrave à la liberté d'établissement", soit à la libre concurrence. Dans le communiqué faisant état de la demande adressée à la France, la Commission européenne avait pourtant qualifié ces droit spéciaux d'"anomalie préjudiciable au développement de conditions de concurrence équitables".
En 2006, le Livret A a rapporté à la Banque postale environ 600 millions d'euros de commissions, soit plus de 13% de son chiffre d'affaires (ou produit net bancaire), et 643 millions d'euros au groupe Caisse d'épargne, soit 5,7% de son chiffre d'affaires. Le troisième point concerne "des désaccords techniques sur l'évaluation du coût des services d'intérêt économique général (SIEG) pour les finances publiques". Bruxelles estime ainsi que l'ouverture de la distribution des Livrets A et Bleu pourraient se faire "sans surcoût pour les finances publiques".
La Caisse d'Epargne déposera aussi un recours
Le groupe Caisse d'épargne a fait part de son intention de déposer son propre recours, "sans doute avant la fin de la semaine", lequel s'appuiera, peu ou prou, sur "les mêmes arguments que l'Etat". La Banque postale appartient à La Poste, groupe public, tandis que le groupe Crédit mutuel a déjà indiqué qu'il ne déposerait pas de recours.
Le recours de l'Etat intervient alors que le gouverneur honoraire de la Banque de France, Michel Camdessus, a déjà entamé ses consultations sur la réforme de la distribution des Livrets A et Bleu, à la demande de Bercy. Il devrait remettre ses conclusions mi-décembre, soit deux mois environ avant la date limite fixée par Bruxelles pour l'ouverture de la distribution des Livrets A et Bleu.
En cas de rejet du recours, la France disposerait ainsi d'éléments pour l'aider à mettre en oeuvre la réforme. Des incertitudes demeurent notamment, soulignées par les critiques, concernant l'influence de l'ouverture aux autre banques sur le niveau de la collecte du Livret A, qui contribue à financer le logement social en France par le biais de la Caisse des dépôts (CDC).
Le groupe Crédit Agricole, en pointe dans la bataille pour la réforme du système, s'est déjà engagé à "sécuriser les volumes collectés sur le Livret A".