Les zones commerciales engagent leur mutation

La transformation des 1600 zones commerciales de France a commencé. Dès le lendemain de l’annonce du plan le 11 septembre au ministère de l’Economie et des Finances, l’Agence nationale de la cohésion des territoires lance l’appel à manifestations d’intérêt qui en découle. Cette procédure aboutira d’ici au 1er janvier à la sélection d’une vingtaine de territoires pilotes, bénéficiaires de 24 M€ de crédits de pré-études.

Olivia Grégoire
La ministre du commerce Olivia Grégoire a présenté le plan de transformation des zones commerciales le 11 septembre à Bercy, en compagnie de ses collègues de la Transition écologique et du Logement.

La poésie et l’esthétique fraient leur chemin dans la France moche. Membre du groupe de 60 experts qui ont planché sur le sujet depuis le début de cette année à la demande de la ministre du Commerce et de l’artisanat Olivia Grégoire, l’architecte et urbaniste Anne Démians a diffusé cette bonne nouvelle le 11 septembre, au centre de conférences du ministère de l’Economie et des Finances.

Adieu à la France moche

Elle voit dans le plan impulsé par le gouvernement une «aubaine, pour construire réversible et pour reprendre la main sur l’esthétique, en s’appuyant sur l’identité des régions. Sans entraîner de surcoût, cette démarche stimulera la qualité française », prophétise l’architecte. En écho, le ministre de la Transition écologique Christophe Béchu résume la perspective ouverte par le plan : « Créer des lieux qui donnent envie, c’est avant tout un enjeu humain et social ».

Pour sélectionner une vingtaine de sites pilotes d’ici au 1er janvier prochain à l’issue d’un appel à manifestation d’intérêt lancé le 12 septembre, le gouvernement compte sur la célérité des préfets. Ils croiseront les candidatures spontanées avec les besoins les plus criants, identifiés parmi les quelque 1600 zones commerciales identifiées dans les périphéries urbaines du pays.

Le site pionnier du Havre

Certaines villes n’ont pas attendu. Elles contribuent à nourrir l’inspiration des territoires, à l’instar du Havre : d’ici à 2025, une bibliothèque trouvera sa place dans la zone commerciale du Mont-Gaillard. La proximité de quartiers résidentiels et la desserte par le tramway y facilitent ce nouveau pas vers la mixité fonctionnelle, comme le souligne le maire Edouard Philippe : « Nous traitons cette zone comme un morceau de ville, apte à accueillir des équipements culturels exigeants », souligne l’ancien Premier ministre, tout en soulignant que le contexte favorise cette transformation.

« A chaque zone son projet. Cela peut aller de la densification à la renaturation », décrypte l’architecte urbaniste François Leclercq, également associé à la « task force » mobilisée par Olivia Grégoire. La diversité des réponses fait partie des orientations clés de cette dernière, qui a délibérément choisi d’associer dans un même plan des situations hétérogènes : la ministre évalue à 10 % des 1600 zones concernées les sites menacés par l’obsolescence, tout en rappelant que les périphéries urbaines concentrent toujours 72 % des achats des Français.

Bienvenue à la diversité !

Un mot d’ordre commun justifie pourtant le rassemblement de l’ensemble dans un processus de transformation simultanée : « Il n’est plus possible de continuer à grignoter des terres agricoles de cette manière », martèle la ministre. François Leclercq ajoute à cette orientation un élément de contexte : « La demande de logements favorise l’alignement des planètes, au moment où les opérateurs s’interrogent sur le modèle issu de l’idéologie du zoning. Cela rend possible un retour en arrière, dans le bon sens. »

Les professionnels rassemblés le 11 septembre applaudissent : « Vous réalisez un rêve auquel j’aspire depuis 10 ans », félicite Antoine Frey. Instruit par l’expérience de 10 ans de mutation dans la zone commerciale de Strasbourg Nord, le fondateur de la foncière éponyme se réjouit de « l’opportunité fabuleuse » issue de l’impulsion gouvernementale, pour accélérer les transformations en sortant du « système kafkaïen » des autorisations commerciales imposées pour des déménagements d’enseignes.

Opérateurs enthousiastes

Grâce à sa joint-venture de prospection foncière avec Banque des territoires, Frey Transactions Immobilières a engagé la transformation d’une zone à Montigny-les-Cormeilles (Val-dOise). Les deux partenaires annonceront cinq à six nouveaux sites d’ici à la fin de l’année.

Un enthousiasme comparable anime le groupe Auchan, qui annonce 1 Md€ d’investissements dans les cinq ans à venir pour transformer « des zones monofonctionnelles à bout de souffle », selon l’expression d’Antoine Grolin, président de Ceetrus, la foncière du groupe de distribution.

Continuum entre cœur et périphérie

Egalement embarqués dans le processus à travers l’association des maires de France (AMF) et France urbaine, les élus locaux insistent sur le continuum entre le plan gouvernemental sur les périphéries commerciales et le programme Action cœur de ville. « N’opposons pas les 72 % d’achats périphériques aux 17 % des centres-villes et appuyons-nous sur la réussite du programme Action Cœur de Ville », recommande Alain Chrétien, maire de Vesoul (Haute-Saône) et vice-président de l’AMF. L’élu insiste sur le besoin de l’ensemble des territoires en matière de foncières aptes à piloter les transformations.

Aux ministres de la Transition Ecologique et du Commerce, le nouveau titulaire du portefeuille du Logement a ajouté sa voix, pour rendre compte de l’esprit du plan. Selon Patrice Vergriete, « l’urbanisme commercial a oublié deux principes : la mutabilité des équipements et l’approche intégrée des fonctions. Il nous faut corriger ces défauts, comme le montre l’exemple du Havre ».

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