Il y a des signes qui ne trompent pas. Fraîchement nommé deuxième adjoint au maire de Bordeaux, chargé de l'emploi, de l'économie sociale et solidaire et des formes économiques innovantes, Stéphane Pfeiffer s'est aussi vu confier la commande publique parmi ses attributions, preuve s'il en est de l'importance de ce levier pour la nouvelle majorité écologiste.
La capitale girondine, dirigée depuis juillet dernier par Pierre Hurmic (lire l'entretien p. 22), ne manque pas d'ambition sur ce volet, mais la Ville ne brûle pas pour autant les étapes. « Nous avons demandé aux services de travailler sur des propositions ambitieuses, telles que la prise en compte du bilan carbone dans les marchés publics. C'est une mesure écologique, qui permet en outre de soutenir les entreprises locales », commente l'adjoint au maire. Mais pour l'instant, cette volonté ne s'est pas encore transformée en actes. « Il faut du temps. La première chose à laquelle nous allons nous attaquer, c'est au changement de culture et de pratique dans les directions, car certaines sont plus avancées que d'autres », ajoute-t-il.
Indicateurs mesurables. Pour parvenir à ses fins, Bordeaux pourra s'inspirer de l'expérience de Grenoble, dirigée par l'équipe d'Eric Piolle, en place depuis 2014, qui a souhaité rendre les marchés publics plus durables et solidaires. « Engagée par l'élu chargé de la commande publique, cette démarche a abouti à la présentation devant le conseil municipal, en février 2016, d'une délibération qui s'apparente à un schéma de promotion des achats publics socialement et écologiquement responsables [Spaser] », détaille Jean-Christophe Buaillon, directeur des affaires juridiques et de la commande publique à la Ville. Parmi les objectifs fixés se trouve ainsi la protection de l'environnement et de la santé. Bordeaux s'engage dans la même voie. « Nous disposons d'un Spaser, même si juridiquement nous n'y sommes pas tenus [NDLR : la ville réalise moins de 100 M€ d'achats par an]. Il arrive à échéance en décembre 2020 et nous travaillons sur le prochain, qui sera plus ambitieux. Nous souhaitons y intégrer des indicateurs mesurables afin de vérifier que nos objectifs sont atteints », indique Stéphane Pfeiffer.
« La commande publique est aussi un outil de transformation écologique des entreprises. » Stéphane Pfeiffer , adjoint au maire de Bordeaux
Coût du cycle de vie. Néanmoins, l'ambition est parfois rattrapée par un principe de réalité. Ainsi, la Ville de Grenoble s'est engagée à utiliser des clauses et des critères environnementaux, dès la définition du besoin comme l'exige le Code de la commande publique, et avec de fortes pondérations dès que possible. « Mais l'un des obstacles auxquels on peut se heurter, c'est notre propre capacité à mener les analyses nécessaires », explique Jean-Christophe Buaillon. C'est le cas pour le sourçage des matériaux ou pour la prise en compte du coût de cycle de vie. « Ces dispositifs innovants, lourds à mettre en place, demandent des compétences dont nous ne disposons pas forcément en interne », analyse le directeur de la commande publique. Jusqu'à présent, la collectivité ne s'est donc pas aventurée dans le coût de cycle de vie, mais c'est un des objectifs du nouveau mandat.
C'est également la volonté des élus bordelais. « Tout le monde est un peu frileux sur le sujet, estime Stéphane Pfeiffer. Nous avons demandé à la direction de la commande publique d'oser et de trouver des marchés publics pour lesquels nous pourrions expérimenter la prise en compte de ce critère. Si, par la suite, ils font l'objet de recours, alors nous assumerons. » Les deux collectivités sont aussi attentives à l'accompagnement du tissu économique. « Nous pensons que la commande publique est aussi un outil de transformation écologique des entreprises », soutient Stéphane Pfeiffer. A Bordeaux, dans un premier temps, les critères environnementaux ne seront donc pas systématiquement imposés dans les marchés. L'idée est d'y tendre d'ici à la fin du mandat.