L'article L. 327-1 du Code de l'urbanisme, qui permet aux collectivités territoriales et à leurs groupements de prendre des participations dans des sociétés publiques locales d'aménagements (SPLA) dont ils détiennent la totalité du capital, a d'abord été perçu comme une exception, voire une anomalie, dans le monde de l'économie mixte, et plus largement de l'entreprise publique locale.
Pourtant, trois ans après l'intégration de cet article par la portant engagement national pour le logement (ENL), six SPLA ont été créées et une bonne trentaine sont en projet ou en cours de constitution. A ce rythme, l'expérimentation de cinq années prévue par les textes devrait logiquement se transformer en situation pérenne.
Il reste que ces premières années d'expériences diverses et variées ont permis d'affiner les réflexions relatives au régime juridique et financier des SPLA, même s'il reste encore quelques questions en suspens. Il est vrai que la jurisprudence communautaire, particulièrement fournie en la matière, ne cesse de venir consolider et légitimer ces nouvelles entités, ainsi qu'en témoigne l'arrêt de la CJUE (1) du 10 septembre dernier, « Comune di Ponte Nossa » (affaire C-573/07), particulièrement ouvert en la matière (cf. encadré questions/réponses).
LA SPLA, UNE EXPéRIMENTATION EN VOIE DE RéUSSITE
Même si des structures similaires existent depuis longtemps au sein de plusieurs Etats de l'Union européenne (voir, par exemple, les « Stadt Werke » en Allemagne), la création des SPLA en France a tout de suite été perçue comme une réponse aux contraintes du droit de l'Union.
On sait, en effet, que depuis l'arrêt Stadt Halle du 11 janvier 2005 (aff. C-26/03), le mécanisme du « in house » ne peut fonctionner dans le cadre de relations contractuelles entre un pouvoir adjudicateur et une structure d'économie mixte.
Dès lors que la SPLA est par définition une structure ne détenant aucun intérêt privé, elle légitime pleinement le recours au « in house » dont le principal avantage est évidemment de permettre une exonération des règles de publicité et de mise en concurrence à la formation des contrats concernés.
La SPLA permet donc aux collectivités locales et à leurs groupements de conserver et maîtriser un outil opérationnel pour leurs opérations d'aménagement. Mais la mise en œuvre des projets de SPLA permet aussi à ces structures de mener une véritable réflexion sur leur stratégie en matière d'aménagement, voire d'auditer sur le plan juridique, financier et fiscal les sociétés concernées par la transformation en SPLA.
Les SPLA existantes ou en chantier concernent en tout cas des domaines relativement variés, ce qui témoigne par là même d'une conception plutôt extensive de la notion d'aménagement, telle que définie par l'article L. 300-1 du Code de l'urbanisme.
Cette diversité concerne tant l'aspect organique (il a été envisagé de créer des SPLA pour les régions, les départements, les communes ou les structures intercommunales) que matériel des SPLA (opérations d'aménagement stricto sensu mais aussi gestion de Scot, ou encore d'équipements comme des collèges, lycées, parcs de stationnement.).
A ce titre, on notera qu'une proposition de loi a été déposée à l'Assemblée nationale, après avoir été adoptée par le Sénat, concernant la création de sociétés publiques locales tout court, dont le champ d'intervention déborderait de l'aménagement, ce qui ferait mécaniquement croître le nombre de projets susceptibles d'être lancés par les collectivités intéressées.
DES CAS DE FIGURE DIVERS
Cette diversité, d'ailleurs très pratiquée dans bon nombre d'Etats européens, se manifeste aussi par les différents montages qui sont adoptés.
Schématiquement, deux montages sont souvent pratiqués : celui relatif, d'une part, à la création d'une SPLA avec maintien de la société d'économie mixte existante ; et celui, d'autre part, qui conduit à remplacer la SEM par la SPLA (et qui entraîne donc la dissolution de la SEM existante).
Contrairement à ce dernier cas, le premier permet aux collectivités de disposer de deux outils, l'un pour les opérations « in house » (la SPLA), et l'autre pour les opérations ouvertes à la concurrence (la SEM) ; sachant que dans certains cas, pour des raisons de répartition géographique ou plus simplement politique, plusieurs SPLA sont créées à côté de la SEM préexistante.
L'avantage de maintenir la SEM existante est de lui permettre de travailler avec d'autres structures que les actionnaires de la SPLA, et donc d'autres champs que celui couvert par cette dernière. Dans le cas de la présence de plusieurs structures, il peut être fait le choix de mutualiser certaines missions entre elles.
Afin d'éviter toute contestation relative au respect des règles de mise en concurrence, la création d'un groupement d'intérêt économique (GIE) apparaît, dans un tel cas, une solution adéquate.
Un tel groupement permet à ses membres (SEM et SPLA) de mettre en commun des services transversaux (juridique, comptabilité, direction, ressources humaines.), le financement de ces services étant assuré par le budget du groupement abondé par ses membres au travers de clés de répartition à définir au cas par cas.
Ce type de structure est cependant à manier avec précaution ; notamment, il ne doit pas cacher une société de fait qui interviendrait sur le marché comme un opérateur économique, ce qui est totalement antinomique avec la nature même d'un GIE.
Parallèlement - et distinctement - avec une telle création, des transferts (mise à disposition, voire transferts de contrats dès lors qu'il y a transfert d'une activité économique en application de l'article L.1224-1 du Code de travail) doivent être envisagés entre la SEM et la ou les SPLA, afin que ces dernières ne soient pas des coquilles vides et puissent réellement fonctionner grâce à la présence de personnels opérationnels.
LE TRANSFERT DES CONTRATS
Dans le cas du maintien de la SEM existante et de la création ex nihilo d'une ou plusieurs SPLA, le transfert de certaines opérations en cours - et donc de certains contrats entre elles - doit être envisagé : à moins, ce qui peut être un choix, que les nouvelles structures ne se voient confier que de nouvelles opérations.
Le transfert de certains contrats peut poser des problèmes. On pense, notamment, aux concessions d'aménagement, un avenant opérant leur transfert entre une SEM et une SPLA rouvrant d'office, par le mécanisme de l'exception d'illégalité, le contentieux contre les actes d'origine.
Dans ce cas, il ne peut être que conseillé aux collectivités concernées d'identifier les contrats susceptibles de présenter un tel risque, au regard notamment de critères liés à leur durée, leur état d'avancement mais aussi à la mise en concurrence ou non du contrat d'origine.
En liaison avec cela, certaines collectivités s'interrogent sur la permanence du critère du risque économique, une fois le contrat ainsi transféré à la SPLA.
Il semblerait ainsi que ce risque disparaîtrait dès lors que la concession d'aménagement serait gérée par une structure dont le capital serait à 100 % public.
Or, d'une part, ce critère du risque est lié aux modalités de rémunération du concessionnaire et non à l'appartenance du capital qui le compose ; et, d'autre part, une éventuelle requalification, en cas d'absence de risque d'une concession d'aménagement, en marché public n'aurait aucune conséquence réelle, dès lors que l'on se trouverait dans une relation « in house » ne nécessitant évidemment pas de procédure de publicité et de mise en concurrence.
SPLA, SPL et SLP
A côté des SPLA, une proposition de loi a été adoptée par le Sénat en mai dernier visant à créer une société publique locale, en enlevant le « A » (pour Aménagement).
Si cette proposition est adoptée par l'Assemblée nationale, elle permettra un élargissement considérable du champ des SPLA qui pourront notamment exploiter des services publics à caractère industriel et commercial, comme la distribution de l'eau potable, le transport des voyageurs ou la gestion d'équipements sportifs.
Par ailleurs, une proposition de loi du 27 juillet 2009 vise la création de sociétés locales de partenariat (SLP), c'est-à-dire de structures au sein desquelles l'actionnariat public serait compris entre 34 et 49 %, les opérateurs privés détenant au minimum 51 % du capital. Ce serait la première fois que des collectivités locales seraient des actionnaires minoritaires d'une structure d'économie mixte. Il est à noter que le Conseil d'Etat a récemment été saisi d'une question relative à la compatibilité des PPPI avec notre droit interne.
Pour rappel, la notion de partenariat public-privé institutionnel a été instaurée par une communication de la Commission européenne du 5 février 2008 qui préconise le recours à une procédure globale permettant de sélectionner, après mise en concurrence, un opérateur privé et de confier dans le même temps l'attribution d'une prestation à une entité mixte dont ledit opérateur devra faire partie.
Il est certain qu'une telle procédure devra évidemment faire l'objet d'une attention toute particulière, afin que soient pleinement respectés les grands principes de la commande publique, tant internes que communautaires.-