Les Sables-d'Olonne : quand l'eau de mer chauffe la ville

Installé sous la plage il y a vingt-cinq ans, un système de drainage conçu à l'origine pour lutter contre l'érosion évolue afin d'alimenter un nouveau réseau de chaleur urbain grâce à la thalassothermie.

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L'histoire débute en 1999. A l'époque, la Ville des Sables-d'Olonne (Vendée) cherche une alternative naturelle au rechargement en sable de la grande plage du centre-ville. Elle fait alors confiance à Ecoplage, une jeune pousse nantaise qui va expérimenter un système original de lutte contre l'érosion. Importé du Danemark, il fonctionne grâce à des drains recouverts de géotextiles posés à 2 mètres de profondeur sous la plage, parallèlement au trait de côte.

Ce procédé, qui repose sur la gravité (donc sans pompage), assèche l'estran, dissipe l'énergie des vagues et facilite le réensablement à la fin de l'hiver. Financé en grande partie par l'Etat et validé par les scientifiques de l'université de Nantes, ce premier chantier se poursuivra avec une seconde tranche en 2001, pour couvrir la quasi-totalité de la grève.

Filtration par le sable. Vingt-cinq ans après la pose des premiers drains, la plage est à nouveau le théâtre d'une innovation : l'installation existante est adaptée pour créer un système de chauffage autonome reposant sur les calories captées dans l'eau de mer (thalassothermie). C'est le procédé Enerplage, déjà expérimenté à plus petite échelle pour la thalasso de La Baule (Loire-Atlantique). « Il fonctionne sur le même principe que la géothermie mais présente l'avantage de disposer en permanence d'importants volumes d'eau, entre 300 et 600 m3 par heure selon la marée, avec une température qui descend très rarement sous les 10 °C, explique Arnaud Ballay, directeur général adjoint d'Eco-plage. En outre, l'eau captée par percolation à travers le sable est légèrement dessalée et ultra-filtrée, ce qui va améliorer le fonctionnement du système. » Car l'eau de mer filtrée passe ensuite dans un échangeur thermique qui permet de transférer ses calories dans de l'eau douce, sans les mélanger. Tandis que l'eau de mer refroidie est rejetée dans le milieu naturel, l'eau douce est reliée à quatre pompes à chaleur d'une puissance de 300 kW chacune et permet de chauffer un fluide caloporteur servant au chauffage.

Au départ, le procédé devait chauffer seulement trois bâtiments proches de la plage : le centre des congrès, la future base nautique et la piscine d'eau de mer du Remblai qui sera aussi alimentée en eau filtrée (permettant de se passer des filtres existants et d'économiser le coût de remplacement de l'actuelle canalisation de pompage). Mais une étude de faisabilité réalisée par le bureau d'études Tual (Loire-Atlantique) a permis de démontrer que le dispositif, avec une capacité de production de chaleur du système d'environ 5 800 MWh par an, était capable d'alimenter, à partir des 300 m3 /h disponibles a minima à marée basse, une surface quatre à cinq fois plus importante dans un rayon de 2 km.

« Pour qu'un réseau urbain soit performant, il faut le maximum de consommation sur un minimum de linéaire » résume Loïc Péron, vice-président de l'agglomération des Sables-d'Olonne. Ainsi, 17 bâtiments publics et privés (hôtel de ville, future médiathèque, collège, école, sous-préfecture, DDTM, logements…) seront raccordés à ce réseau de chaleur urbain par thalasso-thermie présenté comme l'un des plus importants de France.

Extension du réseau déjà prévue. Une première tranche de travaux pour relier les 10 premiers bâtiments a été engagée de mars à mai et reprendra en novembre après le départ du Vendée Globe, avec notamment un forage dirientre la plage et l'hôtel de ville. Ce premier segment réalisé par l'entreprise nantaise ATP (groupe Sturno), à l'origine de la création d'Ecoplage, et son sous-traitant Feljas & Masson devrait être terminé en septembre 2025.

D'ici là, l'agglomération devrait avoir choisi le mode d'exploitation (probablement une délégation de service public) et lancera les travaux de la chaufferie, installée sous le centre des congrès, en vue d'une première mise en chauffe fin 2025. Une extension du réseau avec sept bâtiments supplémentaires est d'ores et déjà prévue à partir de la mi-2026. Au total, fin 2027, 50 000 m2 seront alimentés à 80 % par ce réseau de chauffage urbain unique.

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Informations techniques

Budget global : 8,42 M€ HT subventionnés à hauteur de 45 % par le Fonds chaleur de l'Ademe.

Première tranche (de mars 2024 à septembre 2026) : 6,87 M€ HT dont 4,65 M€ pour la construction d'un réseau de chaleur sur 10 bâtiments et 2,2 M€HT pour les pompes à chaleur et le raccordement.

Seconde tranche conditionnelle (de mi-2026 à fin 2027) : 1,54 M€ HT pour l'extension du réseau de chaleur avec sept bâtiments supplémentaires.

« Une énergie propre, locale et renouvelable », Loïc Péron, vice-président de l'agglomération des Sables-d'Olonne, chargé de la commission Transition énergétique et climatique.

« Le système Enerplage va nous permettre de maîtriser localement notre production d'énergie renouvelable. Les avantages sont nombreux. Tout d'abord, le prix de l'énergie sera un prix de revient, indépendant d'une guerre ou d'une crise, et selon l'évolution des marchés du gaz, l'installation sera rentable en seulement huit à douze ans. Mais l'intérêt de cette solution n'est pas qu'économique puisqu'elle va nous permettre de satisfaire au décret tertiaire et de décarboner notre chauffage en réduisant de 60 % les gaz à effet de serre rejetés par les bâtiments, soit 1 000 t de CO2 en moins chaque année. De plus, c'est une énergie renouvelable qui a le gros avantage d'être totalement invisible. De nombreuses autres villes de bord de mer se montrent intéressées par ce projet et nous sommes très sollicités. »

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