« Appliquons les lois existantes ! ». Porte-parole de Régions de France auditionnée le 14 février au Sénat, Laurence Rouède estime que l’organisation territoriale fixée en 2014 par les lois Notre et Maptam contiennent les outils nécessaires à l’articulation entre les échelles régionale et locale de la planification territoriale.
Usine à gaz
Certes, la vice-présidente de la région Aquitaine ne reprend pas l’expression « Usine à gaz » utilisée une semaine plus tôt par le ministre de la Transition écologique, pour qualifier la Conférence régionale du ZAN que proposent les sénateurs. Mais Laurence Rouède enfonce le même clou : « Le dialogue que vous souhaitez instituer entre les régions et les maires ruraux existe déjà. Il se déroule dans les groupes de travail constitués au sein des Conférences territoriales de l’action publique (CTAP) », plaide Laurence Rouède.
L’obligation de rendre compte de chaque arbitrage local conduirait l’institution proposée par les sénateurs à « s’embourber dans des débats compliqués », ajoute la porte-parole des régions. Elle croit y déceler une inspiration « irrespectueuse du chef-de-filât des régions en aménagement du territoire ». « Aucune région n’écrit son Sraddet sans en discuter avec les maires », insiste Laurence Rouède.
Non au hectare imprescriptible
Au passage, les régions de France se défendent d’entériner une dénaturation des schémas régionaux d’aménagement, de développement durable et d’égalité des territoires (Sraddet), malgré l’analyse du sénateur Jean-Baptiste Blanc : selon le rapporteur du projet de loi sénatorial, la loi Climat & Résilience transforme ces documents d’orientation en Superscot prescriptifs.
Pour préserver les marges de manoeuvre rurales, Régions de France invite les sénateurs à s’écarter de l'hectare imprescriptible accordé à chaque commune, au profit d’approches plus qualitatives : « Il y a énormément de dispositions intelligentes à mettre au débat, mais le travail quantitatif dans l’urgence nuit à cette réflexion », regrette la porte-parole, ouverte à la contreproposition gouvernementale d’une garantie de 1 % des emprises artificialisées offertes au développement des territoires peu denses.
Les détendus s’étalent
Son invitation se heurte à une réponse cinglante de la sénatrice communiste de la Loire Cécile Cukiermann : « Le qualitatif et les CTAP, ça marche pour les grandes collectivités et pour les riches ». Les sénateurs craignent l’anéantissement des pouvoirs des communes rurales, en dépit de leur faible consommation foncière, comparée à celle des grandes villes.
Un peu plus tard devant les mêmes parlementaires et avec quelques statistiques bien placées, le ministre de la Transition écologique a rappelé les limites de la sobriété foncière des territoires peu denses : « 60 % de l’étalement urbain de la dernière décennie s’est produit dans les zones C, dites détendues », a rappelé le ministre. A l’inverse, plusieurs métropoles ont devancé la loi, en s’engageant à mettre en œuvre le ZAN dès 2040.
Les limites de l’assiette nationale
Christophe Béchu a également profité de l’occasion pour clarifier la définition des projets d’intérêt national, dont l’assiette foncière a vocation à sortir des enveloppes d’artificialisation proposées aux régions : le ministre entend les limiter aux grandes infrastructures portées par l’Etat, à l’exclusion des implantations industrielles ou logistiques soutenues par les collectivités.
« Intégrer des projets d’initiative non nationale reviendrait à renier la décentralisation, pour aboutir à des contentieux sans fin », argumente Christophe Béchu.
Une proposition par chambre
Soupçonné par Jean-Baptiste Blanc de vouloir rompre « l’entente cordiale avec le Sénat » en soutenant la proposition de loi que défend le député Renaissance Bastien Marchive sur l’application du ZAN, le ministre de la Transition écologique a tenu à remettre la chambre haute à sa place : « Ne dénions pas à la chambre basse le droit de s’exprimer ! ».
Confirmant qu’il regarde la proposition sénatoriale comme « le début d’un processus d’évolution de la loi », Christophe Béchu a fixé ses objectifs de calendrier : aboutir au début de cet été à un consensus des deux chambres, à l’issue de délibérations parallèles qu’il qualifie de « Commission mixte paritaire virtuelle »