Les premiers pas de la commande publique circulaire

Si du côté de la réglementation les voyants sont au vert, les acheteurs publics peinent en pratique à intégrer les principes de l'économie circulaire dans leurs marchés. Etat des lieux des freins et des leviers.

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Schéma de l'économie circulaire

L'Institut de l'économie circulaire (IEC) et l'Observatoire des achats responsables (Obsar) ont publié cet été un document sur la « commande publique circulaire ». Une nouvelle notion qui émerge et désigne le fait, pour une autorité publique, de mettre ses achats au service d'un modèle économique visant à décorréler croissance économique et consommation de ressources. La commande publique a son rôle à jouer au regard de son poids économique. La réforme des marchés publics de 2016 permet aux acheteurs d’intégrer les principes de l’économie circulaire dès la définition du besoin et lors de l’attribution du marché à travers des critères liés à l’objet du contrat. Intégrer l’économie circulaire dans les marchés de travaux, cela peut revenir à utiliser des matières biosourcées et des matériaux recyclés, à éco-concevoir le bâtiment en pensant à sa déconstruction, à avoir une vision d’aménagement modulabe, à travailler sur l’allongement de la durée d’usage des ouvrages, etc.

Le rapport met en avant des retours d’expériences nationaux et étrangers en la matière. Par exemple, la stratégie d’achats de la SNCF inclut un axe économie circulaire pour réduire ses coûts en optimisant l’utilisation des ressources. L’entreprise élargit le recours à l’économie de fonctionnalité (priorité sur l’usage plutôt que la propriété) et travaille sur l’éco-conception des produits. Résultats : ses engins de travaux publics sont vendus pour réemploi et ses pièces de suspension caoutchouc-métal sont éco-conçues pour être reconditionnées après la récupération des armatures métalliques. Autre exemple : la Ville de Hambourg recycle l’asphalte pour le resurfaçage de ses routes. Cela lui revient 30% moins cher qu’un surfaçage traditionnel et lui permet de réduire ses émissions.

« La prise en compte de critères extra-financiers lors de la passation des marchés publics reste toutefois complexe et limitée », déplore le rapport. La commande publique circulaire se heurte à des freins politiques, organisationnels et techniques : manque de portage politique, méconnaissance sur les possibilités offertes par la réglementation, manque d'acculturation sur le sujet de l'économie circulaire, connaissance insuffisante de l'offre économique disponible sur le territoire, manque de visibilité sur les bonnes pratiques, absence d'une méthodologie harmonisée pour évaluer le coût du cycle de vie excepté pour les véhicules de transports routiers (1), etc.

Au sein de la structure acheteuse, le portage politique est indispensable à la mise en œuvre d’une commande publique circulaire. Cela peut passer par la définition d'une stratégie ambitieuse formalisée dans une délibération ou dans un schéma de promotion des achats publics socialement et environnementalement responsables (2) comme l’a fait la Ville de Paris. Dans son schéma adopté en 2016, elle s'est notamment engagée à promouvoir les produits biosourcés ou recyclés, et à atteindre 20% de marchés comportant une clause sociale avec « une attention particulière portée aux métiers d'avenir que constituent notamment le secteur de la rénovation thermique et énergétique des bâtiments ».

Par ailleurs, le rapport préconise aussi d’installer une direction transversale des achats et de former les acheteurs à une approche multicritère ou en coût global pour attribuer les marchés. « Un organigramme et des objectifs clairs permettent, en effet, d'assurer la continuité de la politique d'achats publics, notamment pendant les périodes de transition ». La mise en place d'une commission transversale d'anticipation des achats - composée d'élus, d'acheteurs et de techniciens – peut aussi permettre de mieux déterminer les besoins en cohérence avec les orientations stratégiques.

Le rapport met aussi l’accent sur le sourcing, pratique consistant à mener des études et des échanges préalables avec le tissu économique en dehors d’une consultation. Connaître son terrain de jeu paraît logique pour faire de l’économie circulaire qui par nature est territoriale, précise Adrian Deboutière, chargé de mission économie circulaire à l’IEC. Par ailleurs, le partenariat d'innovation, créé par la réforme des marchés publics, est aussi un outil préconisé pour impulser des innovations en matière d'économie circulaire. Le rapport appelle aussi à la création d’une base de données commune pour diffuser les bonnes pratiques de la commande publique circulaire, et à la publication de guides par segment d'achat indiquant les critères pertinents relatifs à l'économie circulaire et à la proximité.

La commission « Commande publique et économie circulaire » (3) commune à l'IEC et à l'Obsar, auteure du présent rapport, va d’ailleurs s’y atteler. Elle devrait sortir un tel guide courant 2018 en partenariat avec la Métropole du Grand Paris (4) et probablement le Conseil général au développement durable du ministère de la Transition écologique. Les piliers de l’économique circulaire y seront croisés avec les différents segments d’achats, dont celui de la construction. A cet effet, la commission sollicitera les acteurs du BTP (promoteurs, bailleurs sociaux, recycleurs, etc.) pour définir pour les marchés de travaux des critères d'économie circulaire facilement identifiables, reproductibles et non discriminants envers les petites entreprises.

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