Au moment du Grenelle de l'environnement, en 2007, la lutte contre le changement climatique a été orientée prioritairement sur la réduction des consommations d'énergie. Cela a pu donner à penser que la question du carbone était secondaire. Ce jugement est à la fois excessif et trompeur. C'est pourquoi, après une première décennie de mobilisation sur les économies d'énergie (2009-2019), la nouvelle décennie devrait également être celle de la décarbonation de l'économie.
L'avènement d'une réglementation environnementale. Le premier signal réglementaire va bientôt être donné par l'entrée en vigueur de la réglementation environnementale (RE 2020), destinée à remplacer la RT 2012. La rupture conceptuelle est forte, qui consiste à passer d'une réglementation strictement thermique à une réglementation environnementale. Seconde caractéristique notable, le processus d'élaboration de cette RE 2020 : dès 2017, l'Etat avait pris l'initiative de conduire une expérimentation (E+C-). Une telle approche vise à élaborer, éprouver et valider avec les futurs destinataires de la norme des exigences réglementaires qui devront être techniquement praticables et financièrement soutenables, tout en demeurant politiquement ambitieuses. La RE 2020 comprendra trois volets : la performance énergétique, l'impact carbone et le confort d'été, déclinés en six indicateurs.
A moyen terme, cela devrait pousser le marché immobilier à développer des constructions énergétiquement sobres et recourant à des matériaux peu carbonés. L'utilisation du bois et le recours à des matériaux biosourcés devraient ainsi être notablement accélérés (voir le guide « Les matériaux de construction biosourcés dans la commande publique », publié en avril 2020 par le ministère de la Transition écologique).
Le secteur public, bien armé. Dans le cadre de la politique publique nationale de décarbonation, la commande publique en particulier n'est pas en manque d'outils juridiques. L'entrée en vigueur prochaine de la RE 2020 devrait d'ailleurs dynamiser le recours à ces derniers, aujourd'hui encore trop peu usités. A titre préliminaire, l'acheteur peut faire figurer son ambition carbone et énergétique dans l'objet même de son marché. Il s'agit alors d'inscrire le projet de construction dans la politique de développement durable de l'acheteur, de faire référence ou de viser l'obtention d'un label, voire de fixer un objectif d'exemplarité au projet (par exemple, en renvoyant à l'arrêté du 10 avril 2017 relatif aux constructions à énergie positive et à haute performance environnementale sous maîtrise d'ouvrage de l'Etat, de ses établissements publics et des collectivités territoriales).
Faire des performances énergie-carbone un critère d'attribution du marché
L'acheteur public peut ensuite recourir au mécanisme relatif aux conditions d'exécution de son marché () et prévoir des conditions se rapportant à un « processus spécifique de production, de fourniture ou de commercialisation ou à un processus spécifique lié à un autre stade du cycle de vie, même lorsque ces éléments ne ressortent pas des qualités intrinsèques des travaux, fournitures ou services ». Ce mécanisme s'appuie sur la notion d'analyse du cycle de vie, elle-même placée au cœur de la RE 2020, qui fait l'objet de précisions tout au long du code.
Enfin, l'acheteur public peut faire des performances énergie-carbone un critère d'attribution du marché. En application de l'article R. 2152-7 du même code, il peut noter la qualité des offres, en prenant en compte notamment « les performances en matière de protection de l'environnement » ou leur « caractère innovant ». C'est ainsi, par exemple, que le dossier de consultation des entreprises pourra prescrire une performance carbone en orientant les candidats vers des produits ou méthodes disposant des déclarations environnementales de nature à atteindre les ambitions énergie-carbone poursuivies (1).