La 21ème olympiade d'hiver s'est ouvert dans une ville qui cherche à surmonter sa désindustrialisation. Les Jeux ont servi de catalyseur à la reconversion des vastes sites industriels abandonnés. Coup de projecteur.
Le renouveau du Lingotto
Turin a fait des 21ème jeux d'hiver la vitrine de la profonde transformation urbaine dans laquelle elle est engagée depuis dix ans. De fait, à 2 heures des champs de neige, c'est bien en ville que vont se dérouler les cérémonies d'ouverture et de clôture des jeux dans l'ancien "stadio communale" réhabilité, que vont se disputer les compétitions liées aux sports de glace dans trois nouveaux équipements sportifs, que seront hébergés les 2500 athlètes dans le nouveau village olympique et que seront remis la quasi-totalité des médailles dans le somptueux cadre historique (16è et17è siècle) de la piazza Castello.
Le nouveau "district olympique" s'articule autour du Lingotto, l'ancienne usine Fiat reconvertie superbement dans les années 90 par l'architecte Renzo Piano en un pôle de services, de commerces, de congrès et d'exposition. "Situé en marge du centre-ville, peu accessible, enclavé entre les voies ferrées et le quartier ouvrier alentour, ce pôle avait cependant du mal à vivre" indique Mario Viano, le maire -adjoint en charge de l'urbanisme. "Nous avons décidé de racheter certaines de ses activités –le centre de congrès, bientôt la salle de concert- et d'implanter dans son environnement les équipements olympiques, de façon à le redynamiser et à le faire sortir de son isolement". Le Lingotto est aujourd'hui relié au nouveau quartier olympique par une passerelle monumentale suspendue à un arc d'acier rouge haubané qui franchit d'un jet les 400 mètres du faisceau ferroviaire.
Un tunnel de 12 kilomètres
Mais au-delà de l'organisation des jeux d'hiver, c'est la reconquête des zones abandonnées par la grande industrie métallurgique et mécanique dans les années 80, qui est en œuvre. En deux décennies, Turin a perdu près de 200 000 habitants et plus de 40 000 emplois industriels. Et les terrains en friches se sont étendus sur plus de 150 hectares, à proximité immédiate du centre historique.
En 1995, les autorités municipales et régionales ont réagi en adoptant un Plan régulateur général (le PRG, un peu l'équivalent du PLU), qui prévoyait notamment de réorganiser la ville sur un axe nord-sud -la "spina centrale" ou épine dorsale- avec la création de quatre nouveaux quartiers sur les friches industrielles les plus importantes.
Mais la décision la plus radicale, "l'évènement urbain le plus important depuis 1850" selon l'architecte turinois bien connu Ignacio Gabetti, est l'enfouissement des voies ferrées locales, nationales et internationales dans un tunnel unique de 12 kilomètres passant sous la ville. Le projet dénommé "passante", d'un coût global évalué à 1,2 milliard d'euros, permet de recoudre les parties est et ouest de la ville, séparées depuis 150 ans par les voies ferrées. Et de tracer, en couverture, une avenue monumentale et rectiligne. Avec ses contre-allées, ses terre-pleins engazonnés et ses alignements d'arbres, elle renoue avec la grande tradition des avenues et boulevards turinois qui, au 19ème siècle, ont quadrillé la ville.
Les quatre grandes zones en reconversion, échelonnées le long de la "spina centrale", qui doivent accueillir au total environ 1 million de m2 ont connu des fortunes diverses. Sur la "spina 1", la tour de bureau qui devait accueillir la région Piémont (concours gagné par l'architecte Massimiliano Fuksas en 2001) semble être remise en cause, faute de financement. Sur la "spina 2", la grande bibliothèque (concours gagné par l'architecte Mario Bellini en 2002) va voir sa dimension réduite. Quand à la nouvelle gare de Porta Susa (concours gagné par Arep en 2002), son chantier pourrait enfin démarrer cette année pour une livraison en 2009. En revanche, la "spina 3", coordonnée par l'architecte -urbaniste Jean-Pierre Buffi, a connu récemment la livraison de ses premiers programmes de logements, de commerces et de locaux d'activités (voir Le Moniteur du 10 février). Quant à la première ligne de métro, (réalisée par Systra, filiale de la Sncf) -envisagée depuis les années 50- elle a été inaugurée le 4 février dernier. Six jours avant le début des jeux!
Gilles Davoine
Plus d’infomations sur l’aménagement des Jeux Olympiques de Turin dans Le Moniteur du 10 février.
