Que répondez-vous à l'inquiétude des maires sur la baisse des dotations?
André Vallini : Les élus sont responsables et ils savent que le gouvernement a une trajectoire en matière de finances publiques et qu'il s'y tiendra. En outre, les élus comprennent que les collectivités territoriales doivent, elles aussi, doivent faire des efforts de rationalisation de la dépense publique, y compris en matière d'effectifs. 5 à 6 milliards d'euros pourraient être économisées sur cinq ans si on parvenait à seulement stabiliser les effectifs de la fonction publique territoriale à leur niveau actuel.
Les collectivités, parfois à l'os sur les dépenses de fonctionnement, peuvent-elles donc faire plus ?
A.V. : Au-delà des problèmes financiers, je veux délivrer un message positif car je trouve excessive la sinistrose qui entoure les débats sur les collectivités territoriales. Je rencontre en effet, chaque semaine dans les départements les plus ruraux, et parfois les plus défavorisés, des élus courageux et créatifs, qui prennent les problèmes à bras-le corps. Et quand les élus sont combatifs, les agents le sont aussi ! Alors, ils font face à la baisse des dotations qui, en moyenne, ne représente que 1,9 % des recettes de collectivités locales.
Comment s'y prendre ?
A.V. : Si l'on veut conserver des marges d'investissement, il faut faire des efforts sur le fonctionnement, il faut donc mutualiser et jouer à fond la carte de l'intercommunalité. Les élus l'on bien compris et les choses avancent.
Certains élus mettent en cause la loi « Notre » qui rajouterait de la complexité et nécessiterait un temps d'adaptation ?
A.V. : La loi est claire : aux régions, le développement économique ; aux départements, la solidarité ; au bloc communal, les services publics de la vie quotidienne. C'est simple. Certes, elle va changer les habitudes. Mais pourquoi les collectivités territoriales devraient être les seules, dans le monde d'aujourd'hui à ne pas évoluer ? La mondialisation nous oblige tous à nous remettre en cause, aussi bien dans le secteur privé que dans le secteur public. J'ajoute que depuis les grandes lois de décentralisation de 81-82, le paysage administratif n'a en réalité jamais cessé d'évoluer pour répondre aux besoins de la population.
Comment voyez-vous le mouvement vers les communes nouvelles ?
A.V. : Le mouvement des communes nouvelles est en plein essor et il ne s'arrêta plus, car les élus locaux continuent de découvrir les avantages de la commune nouvelle, et notamment le fait de pouvoir peser davantage au sein des futures intercommunalités agrandies. Quant au délai pour bénéficier du bonus financier fixé au 31 décembre prochain, on me demande sa prolongation lors de mes déplacements hebdomadaires dans toute la France. La réflexion est en cours.
Les communes nouvelles et l'intercommunalité sont-elles une réponse pour relancer l'investissement des collectivités ?
A.V. : Le Gouvernement est conscient de l'importance de l'investissement public local, notamment dans le secteur du BTP. Des mesures ont donc été prises en 2015, et seront reconduites voire renforcées en 2016, comme l'augmentation de la dotation d'équipement des territoires ruraux (DETR) ou l'éligibilité au fonds de compensation pour la TVA (FCTVA) des dépenses d'entretien des bâtiments communaux ou de la voirie. D'autres mesures sont envisagées, comme l'allongement de la durée d'amortissement des subventions d'équipement versées par les communes. Et surtout nous allons créer un fonds d'un milliard d'euros dédié à l'investissement, dont les 200 millions d'euros d'augmentation de la DETR, 300 millions destinés à favoriser l'investissement dans les bourgs centres et les petites villes, et 500 millions d'euros destinés à financer au niveau local des grandes priorités nationales comme la transition énergétique ou le logement.
Ces mesures suffiront-elles à enrayer la baisse de l'investissement ?
A.V. : Nous l'espérons bien évidemment. D'autant que les élus, avant de songer à réduire leurs investissements, font de plus en plus d'effort sur la réduction de leurs dépenses de fonctionnement. J'ajoute que depuis une trentaine d'années, les collectivités ont énormément investi pour équiper les territoires et que même s'il faudra continuer à accompagner l'augmentation de la population, les investissements devront être davantage étalés.
Un investissement différé peut coûter cher...
A.V. : Il faut, il est vrai, éviter de se trouver dans les mêmes difficultés qu'en Allemagne, où l'entretien du réseau routier a été négligé alors que le réseau français est bien entretenu, notamment depuis que les départements ont pris la compétence des routes. Il faut maintenir l'effort notamment en matière de sécurité, même si les départements rencontrent, j'en suis conscient, de véritables difficultés financières, du fait des allocations individuelles de solidarité. En matière de collèges aussi, beaucoup a été fait, et on fera sans doute moins dans les années qui viennent.
Les travaux d'entretien des routes ne pourraient-ils pas tous être intégrés dans les dépenses d'investissement ?
A.V. : Il y un amendement en cours dans le projet de loi de finances sur l'éligibilité au FCTVA des travaux d'entretien des routes. Pour autant, à ce stade, il n'est pas prévu que ces dépenses rentrent dans la section d'investissement et qu'elles soient donc finançables par de la dette.
Quel est bilan de la lutte contre les normes « coûteuses » ?
A.V. : La tendance est inversée : les coûts sont à la baisse. La lutte contre l'excès de norme est un travail transpartisan pour lequel je m'appuie sur plusieurs rapports : Doligé/Lambert/Boulard/Malvy. Et je veux saluer aussi le travail du Conseil national d'évaluation des normes (CNEN) qui se conjugue avec le travail que j'ai entrepris auprès des ministères sur le stock des normes à supprimer ou à alléger. Nous avons mis en place des ateliers thématiques sur les bâtiments publics, les règlementations sportives, les marchés publics, la comptabilité. Ces ateliers rassemblent des élus, des praticiens comme les DGS et les DST et des fonctionnaires. La loi Notre reprend ainsi pas moins de quatorze propositions du sénateur Doligé et 18 autres mesures d'allègement et de simplification ont été présentées à Vesoul, lors du comité interministériel sur la ruralité.
Comment fonctionnent ces groupes de travail ?
A.V. : Un maître mot : le pragmatisme. Il s'agit par exemple de travailler concrètement et document en main, sur la simplification de la déclaration d'autorisation de travaux (DAT), ou travailler aussi sur la suppression des normes contradictoires, comme celles concernant la pente des piscines qui est différente dans le Code des sports et dans le Code de la construction et de l'habitation. Et nous constatons aussi des changements positifs dans le fonctionnement de ces groupes : les fonctionnaires et les élus, confrontés les uns aux autres, changent peu à peu d'approche.
Y a-t-il un travail aussi sur la manière dont les normes sont appliquées ?
A.V. : Oui, car je veux faire évoluer l'administration pour qu'elle passe d'une culture du contrôle, souvent tatillon, à une culture du conseil toujours bienveillant. Nous allons donc réactiver une circulaire prise sous le gouvernement Ayrault qui demande aux préfets d'avoir une interprétation « facilitatrice » des normes. Au Québec, on parle d' « accommodement raisonnable ». Nous devons aussi développer une culture de l'évaluation de la norme.
La simplification des normes concerne également la commande publique. Comment coordonnez-vous votre travail avec la réforme en cours ?
A.V. : Nous devons avancer dans le cadre posé par l'ordonnance du 23 juillet 2015. 25 fiches d'études ont été proposées, et nous étudions actuellement celles qui pourront donner lieu à des suppressions ou des allègements.
La Cour des comptes souhaite cependant une coordination renforcée entre toutes ces instances de lutte contre les normes...
A.V. : Elle a raison et tout ce qui va dans le sens du renforcement de notre action est bon à prendre. Nous avons engagé un véritable travail de titans, car nous nous heurtons à des administrations qui sont habituées à produire des normes. C'est leur rôle : on n'administre pas sans produire des normes ! Et la norme est le plus souvent utile et protectrice, il serait démagogique de le nier. Le problème c'est leur coût financier, souvent excessif et leur application, souvent compliquée. Alors, nous devons les simplifier et nous devons les alléger. Y compris financièrement.