Les inondations du 17 octobre en Ardèche placent-elles vos recommandations en tête de l’agenda gouvernemental ?
Lorsque je l’ai remis la semaine dernière à Agnès Pannier-Runacher, la ministre s’est réjouie de la pertinence de nos recommandations. Certaines d’entre elles pourront s’intégrer à la proposition de loi visant à assurer l’équilibre du régime des catastrophes naturelles, dont je suis rapporteur, et qui passera la semaine prochaine en commission.
Mais après les événements d’hier, je ne peux m’empêcher de m’interroger : sommes-nous vraiment à la hauteur de l’enjeu, face à des hauteurs d’eau qui dépassent 60 cm en 24 h ? Pour mon collègue Mathieu Darnaud, sénateur de l’Ardèche, avec qui j’ai pu m’entretenir, c’est Tchernobyl ! I Il est littéralement noyé par l’événement.
La simplification fait partie des maîtres mots du rapport. Comment le traduire dans les faits ?
Un nombre considérable d’études trop exigeantes préside à l’élaboration des documents stratégiques comme les plans d’actions pour la prévention des inondations, les Papi
— Jean-François Rapin
Je pense d’abord au nombre considérable d’études trop exigeantes, qui président à l’élaboration des documents stratégiques comme les plans d’actions pour la prévention des inondations, les Papi. Il y a là un gisement de simplification et d’économie, pour passer plus vite à l’opérationnel, avec des moyens adaptés aux ressources dont disposent les intercommunalités.
La simplification peut également se traduire dans le guichet unique. Trop d’intermédiaires découragent les collectivités. La direction générale de la prévention des risques, que j’ai auditionnée, a compris le message. Tout le monde se rend compte que nous sommes dans une course contre la montre, face à des événements dont l’intensité ne cesse de s’amplifier.
Que retenez-vous de votre expérience d’élu des Terres d’Opale, dans le Pas-de-Calais ?
D’abord, la surprise. Certes, de précédentes inondations nous avaient déjà alertés. On savait qu’il faillait se préparer. Mais l’intensité, puis la récidive, nous ont pris au dépourvu, même si je rends hommage à la mobilisation de tous : l’Etat déconcentré, les maires, puis les intercommunalités ont fait beaucoup. S’il faut chercher l’erreur, je la situerais dans la capacité d’anticipation. C’est tout l’enjeu de demain, développé dans le rapport autour de la notion de culture du risque.
Chacun doit réagir avec une vision claire de la hiérarchie des préoccupations : d’abord sauver les vies humaines, puis protéger les biens, et enfin mettre en œuvre des stratégies d’adaptation qui permettront de limiter les dégâts si un nouvel événement se produisait.
Chacun doit réagir avec une vision claire de la hiérarchie des préoccupations : d’abord sauver les vies humaines, puis protéger les biens, et enfin mettre en œuvre des stratégies d’adaptation qui permettront de limiter les dégâts si un nouvel événement se produisait.
— Jean-François Rapin
La reconstruction intelligente inspire notre dernière recommandation, relative à la pérennisation et à la généralisation du dispositif expérimental mis en place en 2021 sous le nom de Mirapi, pour Mieux reconstruire après inondation. Cela implique surtout du bon sens : habiter au premier étage partout où c’est possible, relever les prises électriques, protéger les compteurs et les canalisations, anticiper les évacuations...
Pensez-vous, comme Valérie Pécresse, qu’il faille transférer vers les régions la compétence de gestion des milieux aquatiques et de prévention des inondations ?
Plusieurs régions, dont les Hauts-de-France, auraient souhaité prendre cette compétence Gemapi. Mais toutes ne sont pas sur la même ligne. Après mûre réflexion, nous privilégions l’idée de grande proximité, avec des interlocuteurs connus dans les intercommunalités. Les régions, malgré leur utilité, inspirent un sentiment d’éloignement.
Reste la question des capacités de financement. Pour contribuer à la résoudre, nous proposons une péréquation au profit de l’amont des bassins. Mais au vu des derniers événements, on voit bien que cela ne suffira pas. Il faudra y ajouter une forme de solidarité nationale. A court terme, l’habitant du Limousin aura du mal à admettre de payer pour le citoyen du Pas-de-Calais, jusqu’au jour où lui-même bénéficiera de la contribution de ce dernier.
Faut-il déplafonner la taxe Gemapi ?
Attention au pouvoir d’achat des citoyens et aux impacts budgétaires ! Déjà, si toutes les intercommunalités passaient à 40 €, cela dégagerait des moyens importants, ajoutés à ceux du fonds Barnier et à l’augmentation de la surprime d’assurance pour les risques, qui entrera en vigueur au 1er janvier 2025.
Dans tous les territoires, j’ai pu observer des progrès, dans la généralisation des bonnes pratiques. Chacun s’adapte, mais il faut sans cesse se reposer la question : sommes-nous à la hauteur ?