Avec les trois autoroutes qui y convergent, la métropole de Tours sert de laboratoire, pour expérimenter l’intégration de ces infrastructures dans un service express régional métropolitain (Serm). L’A28, l’A10 et l’A85 complètent une étoile ferroviaire à huit branches, sans compter la ligne à grande vitesse (LGV).
Le laboratoire tourangeau
Parmi les 24 pionniers nationaux des nouveaux systèmes de mobilité décarbonés labellisés depuis le début de l’été dernier par l’Etat, la métropole de 320 000 habitants avait pris une longueur d’avance : depuis décembre 2021, une convention la lie à Vinci Autoroutes, via Cofiroute, filiale en charge du réseau concédé à ce groupe dans le centre et l’Ouest de la France.
Réunis le 10 décembre au colloque sur les Serm de Leonard - think-tank du groupe Vinci sur l’aménagement - les deux signataires étudient l’implantation d’un chapelet de gares sur l’A10, dans la traversée nord-sud de Tours. Ces haltes réduiraient l’encombrement de la ville par l’automobile, grâce à leur connexion avec le réseau urbain et périurbain de la métropole et avec la gare TGV de Saint-Pierre-des-Corps.
Partenariat intermodal et transpartisan
« Alors qu’elles pèsent 1 % du réseau routier national, les autoroutes contribuent à 25 % des émissions de gaz à effet de serre issues des transports. Pour améliorer ce bilan, nous devons accompagner les nouvelles mobilités en optimisant l’usage de nos infrastructures. Cela passe par l’augmentation du nombre d’usagers par véhicule - lutte contre l’autosolisme - et le développement de solutions de transport collectif sur autoroute, notamment dans le cadre de la mise en place des SERM », développe Pierre Landau, directeur du développement de Cofiroute. Outre Tours, le concessionnaire dessert deux autres métropoles labellisées : Nantes et Orléans.
Le même pragmatisme anime le président de la métropole : « Les arrêts des transports en commun sur l’autoroute s’inscrivent dans une approche non coercitive de la décarbonation des mobilités », explique Frédéric Augis. Le décloisonnement se décline dans un partenariat transpartisan entre l’élu qui se qualifie comme « plutôt de droite », l’exécutif socialiste de la région Centre Val-de-Loire et les écologistes qui gouvernent la ville-centre.
Massy-Dourdan : l’éclaireur francilien
Cofiroute transpose la méthode partenariale dans l’agglomération d’Angers, non titulaire du label Serm. « Il n’existe aucune offre de transport en commun, ni sur l’A11 elle-même, si sur l’ancienne A11, aujourd’hui transformée en boulevard urbain - la « voie des berges »- dans une zone en cours d’apaisement par la reconquête des berges de la Maine », souligne Pierre Landau. Le diagnostic partagé conduit le concessionnaire à engager un dialogue avec la métropole, la région, le département de Maine-et-Loire et Irigo, l’exploitant du réseau métropolitain.
Avant même la naissance du concept de Serm, Cofiroute en avait rôdé la méthode en Ile-de-France. Entre la gare TGV de Massy et Dourdan (Essonne), un axe desservi par le RER C, le succès de la desserte cadencée, sur la voie réservée de l’A 10, démontre la complémentarité des modes routier et ferroviaire, dans les transports en commun. Une commande d’Etat conduit le concessionnaire à étudier une nouvelle gare autoroutière à Forges-les-Bains, en complément des arrêts déjà en place à Massy, Orsay, Longvilliers et Dourdan.

Cofiroute étudie une nouvelle gare autoroutière à Forges-les-Bains, sur la ligne de car express qui relie Massy à Dourdan.
Le socle ferroviaire s’ouvre à la route
Ces projets convergent avec la stratégie de l’opérateur ferroviaire national : « Les RER nous conduisent à structurer les rabattements vers des hubs multimodaux, depuis les modes légers jusqu’au ferroviaire lourd, comme on le voit autour de Paris à Brétigny-sur-Orge, Mantes-la-Jolie et Massy », confirme Pascal Mabire, chargé du programme Serm à SNCF Réseaux.
A mille lieues de tout dogmatisme ferroviaire, la Société des grands projets (SGP) partage le credo multimodal : « Autour de Paris comme des autres métropoles, les mêmes objectifs nous animent : la décarbonation et le désenclavement », proclame Anne-Cécile Imbaud-de-Trogoff, directrice des projets territoriaux.
L’héritage guide les stratégies
L’application de ce principe varie en fonction de l’histoire : toutes les métropoles n’héritent pas, comme Tours, d’une étoile ferroviaire, voire d’un maillage qui combine les rocades et les pénétrantes, à l’instar de Lille. « A Montpellier où le réseau ferré s’organise dans un arc littoral, le Serm renforcera l’étoile routière », poursuit la directrice des projets territoriaux de la SGP.
Plus avancée que Tours dans les études de son Serm labellisé, Toulouse se trouve en pole position, pour la mise en place de hubs multimodaux. « Le long de ses 27 km, la troisième ligne de métro présentera sept points d’interconnexion avec l’étoile ferroviaire », souligne Maxime Boyer, vice-président de la métropole en charge des déplacements et des nouvelles mobilités.
Les trois temps de l’étoile toulousaine
La concomitance entre ce projet métropolitain et la Ligne nouvelle du sud-ouest (la LNSO, LGV Bordeaux Toulouse) inspire, à l’horizon 2031, les chantiers de l’aménagement ferroviaire du Nord toulousain (AFNT), autrement dit la modernisation du rayon nord de l’étoile à six branches qui structure le réseau ferré de la capitale occitane. Grâce à des services de cars express, Maxime Boyer y voit l’occasion de rabattre vers le rail des zones actuellement blanches, du point de vue des transports en commun, tout en décongestionnant le secteur de la gare centrale de Matabiau.
Au cœur de ce dispositif, l’élu décrit « des projets urbains de gare à haute intensité, sous forme de pôles d’échange multimodaux attractifs, accessibles et efficaces, avec des commerces et des services, y compris pour les vélos». Son enthousiasme s’inscrit dans une vision en trois temps : « La troisième ligne de métro constitue une première étape ; les AFNT marquent la seconde ; mais nous travaillons en vue du Serm finalisé des années 2040 à 2050 », prophétise Maxime Boyer.
Un débat de haute intensité
Faut-il se réjouir de la capacité des décideurs à se projeter dans le temps long de la planification ? Aiguillon du Serm dans la métropole toulousaine, l’association Rallumons l’Etoile y voit plutôt un prétexte attentiste. Dans sa contribution à l’enquête publique bouclée le 5 décembre sur les AFNT, elle pointe un manque d’ambition multimodale. «Avec des trains cadencés toute la journée, des bus coordonnés et un système «train+vélo» performant comme nous le proposons, les résultats seraient bien plus positifs!», argumente son président Benoît Lanusse.
L’association a convaincu une trentaine de communes de se rallier à sa cause, en approuvant un « vœu 1ère phase », portant sur un cadencement du Serm à la demi-heure, de 5 h à minuit, d’ici à 2029. Au Nord de la gare centrale de Matabiau et sur le tracé de la future ligne de métro, les passions se cristallisent autour du pôle multimodal de La Vache : doit-il devenir un terminus du Serm, ou un arrêt sur une ligne diamétralisée qui se poursuivrait au sud-est de la métropole ? La « haute intensité » souhaitée par Maxime Boyer se trouve bien au rendez-vous du débat sur l’intermodalité.