Tomber, se relever, s'arrêter, repartir. C'est le cycle, semble-t-il immuable, de l'activité des matériaux de construction.
Mardi 3 décembre, Nicolas Vuillier, président de l’Union nationale des industries de carrières et matériaux de construction , a ainsi confirmé que les résultats attendus pour 2019 annonçaient un atterrissage plus brutal que prévu, avant une stabilisation de l'activité "durant quelques mois" en 2020 puis un nouveau repli.
Tomber
Alors que la bonne orientation des indicateurs, tant du côté du bâtiment (carnets de commandes bien garnis, construction non résidentielle dynamique, marché des logements neufs stabilisé, rebond de la maison individuelle...) que du côté des travaux publics (niveau élevé des marchés conclus, des chantiers en cours et des travaux routiers…), plaidaient plutôt pour un atterrissage maîtrisé de l’activité des matériaux en fin d’année, les dernières données disponibles pour les granulats et le BPE montrent un freinage plus prononcé cet automne, qui pourrait bien être encore amplifié par les fortes pluviométries du mois de novembre et un climat social incertain et tendu.
La production pour les granulats, y compris recyclés, est estimée à 345 millions de tonnes (+ 1 %) ce qui la situe environ 10 % en dessous du niveau moyen de long terme (30 ans). Quant à celle du béton prêt à l’emploi elle se monterait à 40,1 millions de m3 (+0,5%). Sur les dix premiers mois de l’année, l’évolution de la production de BPE et de granulats est ainsi ramenée à +1,3 % sur un an (cvs-cjo), soit un rythme un peu plus modéré que celui attendu par les professionnels.

Se relever ?
Et 2020 s'annonce semblable : les carnets de commande bien garnis devraient garantir un certain niveau d’activité pendant quelques mois avant qu’un repli de l’activité ne s’amorce.
Les livraisons de BPE devraient, au mieux, se stabiliser autour de 40 millions de m3, et la demande en granulats prévue autour de + 1 % devrait être alimentée par la fin du cycle électoral et les projets des grands opérateurs publics et privés (Grand Paris, plan autoroutier, etc.) avant le freinage "naturel" de l’investissement des collectivités locales, après l’échéance des élections municipales.
Dans ce contexte, le vote prochain du projet de loi "économie circulaire" représente un défi pour le secteur.
A la volonté gouvernementale d'instaurer une filière de responsabilité élargie du producteur (REP) appliquée aux déchets du bâtiment et la gratuité de leur reprise, il oppose son organisation, déjà ancienne qui a permis de dépasser, "dès 2018, le seuil des 70 % de taux de valorisation fixé par l’Union européenne" et demande d’exclure les déchets inertes du bâtiment du projet, compte tenu du haut niveau de performance environnementale de la filière.
"On crée un éco-organisme pour financer la création d'une filière de recyclage. Nous, elle est créée depuis longtemps et elle existe", a déclaré le président de l'Unicem. "Tout ça n'aura pour action que de générer des coûts financiers et de prélever au passage les contributions au fonctionnement", a-t-il affirmé. "On attend que nos spécificités soient bien prises en compte et qu'on fasse une loi opérationnelle et pas une loi dogmatique", a poursuivi Nicolas Vuillier.
Près de 100 millions de tonnes de matériaux sont recyclés et valorisés par an, et 51 millions de tonnes de granulats sont réemployés directement sur les chantiers, a-t-il rappelé. "Les déchets inertes du bâtiment, en particulier les bétons de démolition, sont ainsi déjà valorisés à plus de 80 %. La profession s’appuie sur un maillage de 1 500 plateformes réparties sur l’ensemble du territoire".
Des plateformes qui pourraient permettre d’optimiser la collecte des déchets du second œuvre (bois, plâtre, verre, isolants…) et participer ainsi à l’effort collectif d’amélioration de la performance du secteur, a par ailleurs souligné Nicolas Vuillier.
Un nouveau cycle, tout à fait vertueux celui-là.
REP : Le gouvernement rejette les solutions alternatives pour le bâtiment
Si l’Assemblée nationale a bien décidé, à la grande satisfaction des 14 acteurs de la filière bâtiment*, de repousser la définition du périmètre de la REP à la remise de l’étude de préfiguration confiée à l’Ademe, il a en revanche "fermé la porte" à tout système alternatif pour le secteur du bâtiment, se sont émus "les 14" dans un communiqué publié le 3 décembre.
"Il avait été convenu, en l’absence d’évaluation de l’impact économique et de réponse aux questions juridiques posées, que les professionnels pourraient proposer un tel schéma dont ils étudieraient la faisabilité en lien avec l’étude Ademe", ont-ils rappelé dans un communiqué assurant que le gouvernement, "après avoir remercié les acteurs pour les « réponses concrètes et d’envergure » apportées sur ce sujet, avait toujours rassuré la filière sur ce point".
Las, "tout ceci vient d’être balayé, au prétexte que la filière n’a pas présenté de schéma précis, alors que les objectifs ne cessent d’évoluer au fil des débats parlementaires et que le projet de REP du gouvernement est écrit sans aucune évaluation de son impact économique", poursuit le texte, qui rappelle que la reprise gratuite, si elle devait concerner tous les déchets du bâtiment, "conduirait à une augmentation du prix des matériaux de construction comprise entre 8 et 10%", une augmentation "insupportable pour les maîtres d’ouvrage et en totale contradiction avec la volonté des pouvoirs publics de diminuer les coûts de la construction".
Les acteurs de la filière proposent de consacrer une enveloppe financière à ce système alternatif permettant de soutenir :
- des actions communes comme la mise en place d’un système de traçabilité, le renforcement du maillage en points de reprise, la participation à la lutte contre les décharges sauvages ;
- des actions dédiées à certaines filières de recyclage comme la reprise gratuite de déchets triés.
Et ils demandent bien entendu la réintégration dans le projet de loi de a possibilité de proposer un système équivalent qui serait ensuite approuvé ou non par l’Etat.
*AIMCC, Capeb, CGI FDME, Federec, FFB, Fnade, Fnas, FNBM, FND, USH, SEDDR, Snefid, Unicem