Le Groupe Spie revendique depuis longtemps son identité européenne. Sur quels critères fondez-vous cette définition ?
L'Europe est en effet notre marché domestique même si cela ne se vérifie pas encore aujourd'hui dans tous nos métiers. Nous disposons d'ores et déjà de positions très intéressantes dans quatre pays : la Belgique, les Pays-Bas, le Portugal et l'Allemagne. Par ailleurs, nous sommes présents en Italie et en Europe du Nord.
Cet élargissement géographique est tellement important pour Spie que lorsque nous parlons de l'international, nous désignons en réalité les pays qui sont situés au-delà des frontières de l'Europe. Notre objectif est que l'Europe (hors France) représente un tiers du chiffre d'affaires total dans trois ans.
Quelles sont les motivations de ce choix européen ?
Dans nos activités de services (ingénierie électrique, génie climatique, facilities management immobilier), notre souci est de pouvoir offrir une réponse globale à de grands clients qui opèrent dans toute l'Europe. L'un des enjeux actuels est d'arriver à suivre les industriels partout. Là encore, nous croyons beaucoup à l'Europe, où nos potentiels de développement sont considérables au regard de nos parts de marché actuelles. Plusieurs pays offrent de larges perspectives, à l'instar de l'Allemagne où de nombreux installateurs ont disparu, face à des géants comme Siemens ou ABB.
Pour tout ce qui touche aux projets et métiers dits « de spécialités » (infrastructures de transport, d'énergie, etc.), les marchés se montrent cycliques. Nous essayons d'annuler ces effets en étant présents à plusieurs endroits, de façon à faire vivre des équipes assez étoffées, car c'est le seul moyen dont nous disposons pour maintenir et offrir une bonne expertise. Cette mobilité géographique permet également de découvrir de nouvelles formes contractuelles.
Sans compter que la conjoncture française n'est pas aussi dynamique qu'avant dans le domaine des infrastructures ...
Nous savons bien que nous ne pouvons plus compter sur la croissance pour absorber nos excédents de frais fixes. Il y a encore quelques années, en France, nous vivions une activité, certes cyclique, mais qui était globalement croissante. Aujourd'hui ce n'est plus le cas, l'Hexagone connaît au mieux une situation de stagnation. D'où l'idée de compenser le recul français dans d'autres pays voisins.
La reprise de Laurent Bouillet participe-t-elle de cette logique ?
Non, car dans le domaine des services, auquel se rattache Laurent Bouillet, le marché français se développe et il n'est pas indispensable de chercher des marchés de substitution. Cette entreprise nous a certes apporté une très belle position en Belgique avec sa filiale Air et Chaleur, mais ce n'était en fait qu'un objectif annexe. Nous voulions en premier lieu nous renforcer, à travers cette acquisition, dans le domaine du génie climatique.
Nous sommes ainsi devenus l'un des leaders de cette activité en France. L'acquisition de Laurent Bouillet nous a également permis de nous renforcer dans le facilities management immobilier où nous avons créé une filiale commune avec la SCIC : Eurogem SAS.
Quelles sont vos priorités de développement géographique dans le domaine des services ?
La politique de Spie suit une logique de développement « en tâche d'huile ». En clair : nous nous renforçons là où nous sommes déjà présents en décentralisant la gestion de ce développement. Ainsi, les Pays-Bas sont gérés depuis Bruxelles, le Portugal depuis Toulouse et l'Allemagne depuis Strasbourg. La force de cette stratégie s'appuie sur le pragmatisme car nous intervenons la plupart du temps dans des métiers de proximité. Je pense qu'elle est la condition d'un développement sain et rapide.
Avez-vous des projets précis de croissance externe ?
Nous nous intéressons de plus en plus aux nouvelles technologies de l'information et de la communication (NTIC). En France, après la prise de contrôle d'Elona en 1999, nous poursuivons nos recherches de nouvelles acquisitions. En Allemagne, où nous avons déjà pris le contrôle de la société EDS, ce secteur constitue notre priorité.
Au Portugal, notre filiale OELE négocie en ce moment une acquisition dans l'électricité industrielle dans le nord du pays. Aux Pays-Bas, nous finalisons un projet de reprise dans l'ingénierie électrique.
Enfin, nous ne nous interdisons pas de rechercher des acquisitions dans le domaine des projets en privilégiant les activités de spécialité à forte expertise.
Etes-vous toujours partenaire opérationnel de votre actionnaire britannique Amec ?
Mieux : ce partenariat se renforce ! Le protocole qui nous associe prévoit que nous nous consultions pour toutes les opérations situées en France et en Grande-Bretagne. Outre-Manche, nous sommes très liés dans les chemins de fer. Mais nous intervenons aussi de concert ailleurs : en Suisse pour l'agrandissement des tunnels du Cern, ou en Turquie pour la construction du barrage de Yusufeli.
Où êtes-vous présents hors d'Europe, dans ce que vous appelez le « grand international » ?
Au Venezuela, la ligne 4 du métro de Caracas a été mise en vigueur, le chantier démarre. Au Pérou, nous construisons un minéroduc. A Hong Kong, nous aménageons des stations sur les extensions du métro. Au Maroc, nous réalisons des lignes de chemin de fer et des lignes électriques. Nous étudions par ailleurs de nouveaux projets de métro en Egypte et d'aéroport en Indonésie. Enfin, nous nous intéressons au secteur du gaz et du pétrole en Algérie, sans parler du métro d'Alger.
Pour le grand international, nous avons retenu deux grandes idées : privilégier les infrastructures d'énergie et de transport, et se différencier par l'expertise et la capacité de montage et de financement. Toutefois, hors d'Europe, Spie se montre extrêmement prudent, dans la mesure où les risques peuvent être considérables, notamment du fait de la présence des concurrents locaux peu soucieux des conditions contractuelles.
Vous présentez vos résultats en francs. Quel est votre calendrier pour le passage à l'euro ?
Tout d'abord, nous nous réjouissons de l'arrivée de la monnaie unique, qui simplifiera beaucoup de choses pour l'entreprise. Nous avons planifié le basculement de Spie en euros de manière très précise. La prochaine opération concerne les salaires et l'ensemble de notre comptabilité qui passeront en euros en 2001.
A ceux qui trouvent que les choses avancent lentement, je rappelle qu'avant l'euro, nous devions traiter deux autres sujets : le passage - obligé - à l'an 2000, et le changement de principe comptable (de l'achèvement à l'avancement). Rendu nécessaire par la volonté de Spie de se mettre en conformité avec les normes internationales, ce changement de principe comptable est en marche depuis 1999 et devrait être en majeure partie achevé d'ici à la fin 2001.
Vos prévisions pour l'exercice 2000 ?
Nos résultats devraient dépasser de 10 % les objectifs initiaux, à 193 millions de francs. Notre activité devrait, quant à elle, dépasser 18 milliards de francs, en progression de plus de 15 % par rapport à 1999. Nous visons 21 milliards de francs pour 2001. Notre carnet de commandes - hormis dans le secteur de la production d'énergie à l'international - est en forte croissance.
Jean Monville en quelques dates
1944 : naissance à Orléans.
1965 : diplôme de Polytechnique.
1969 : département génie civil à la Société générale.
1974 : président d'Isochem.
1979 : Spie Batignolles : directeur du département finances export.
1984 : directeur général adjoint puis directeur général de Spie Capag.
1992 : directeur du marketing groupe.
1995 : administrateur-directeur général du groupe.
1997 : président-directeur général.
PHOTOS :
CHINE Spie Batignolles TP a construit la prise d'eau, les tunnels de dérivation et le bassin de restitution du barrage de Xiaolangdi, sur le fleuve jaune.
PORTUGAL Après avoir construit en 1998 la ligne du métro de Lisbonne desservant le site de l'Exposition universelle, Spie travaille à plusieurs extensions du réseau.
EGYPTE Spie Enertrans poursuit ses travaux sur le métro du Caire, dont la rénovation de la caténaire de la ligne 1.
MAROC Entre Sidi Kacem et Meknès, Spie Enertrans et sa filiale Elecam réalisent voie ferrée et caténaires sur 80 km.
ESPAGNE Dans les Asturies, Spie Capag construit un gazoduc de 106 km entre Leon et Oviedo, pour le compte d'Enagas.