Les accents lyriques n’ont pas manqué pour désigner la nouvelle feuille de route des écoquartiers, le 14 décembre au ministère de la Transition écologique. « Plus loin, plus fort, plus beau », s’est enflammé Florian Bercault, président de la commission nationale Ecoquartier et maire de Laval. « Plus durable », a renchéri Olivier Klein, ministre du Logement et hôte de la cérémonie annuelle de remise des labels.
La fin des quatre étapes
Une époque s’achève : les 65 écoquartiers certifiés en 2022 se répartissent pour la dernière fois en quatre sous-ensembles correspondant à leur degré de maturité. L’analyse des 25 opérations prêtes à démarrer, titulaires du label « étape 2 », confirme la diversité des profils : « 18 opérations de rénovation urbaine et six reconversions de friches issues de 10 régions métropolitaines », détaille Stéphanie Dupuy-Lyon, directrice générale de l’aménagement, du logement et de la nature.
Marqueur de la nouvelle ère, ces 25 se répartissent selon quatre défis majeurs : six pour la sobriété, six pour la résilience, sept pour l’inclusion et six pour la création de valeur. Ces quatre thèmes structurent les 20 engagements auxquels doivent désormais répondre les écoquartiers estampillés par l’Etat. La nouvelle grille présentée le 14 décembre donne accès à deux labels, dédiés aux opérations « livrées » ou « vécues ».
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Issus d'un quartier prioritaire d'une ville de plaine et d'un bourg de montagne, les deux champions nationaux qui ressortent de la cérémonie confirment la diversité des profils: Tours (Indre-et-Loire) et Volonne (Alpes-de-Haute-Provence) sortent du lot du millésime 2022, au titre de l'ancienne étape 4 qui coïncide avec le nouveau label "vécu", réservé à ceux qui peuvent témoigner d'un retour d'expérience.
Toilettage réglementaire
12 ans après leur naissance officielle, les écoquartiers devaient intégrer les nouveaux cadres réglementaires de la transition écologique : loi d’orientation des mobilités, réglementation environnementale 2020, zéro artificialisation nette (Zan)…
Mais les auteurs de la nouvelle grille veulent élargir sa portée, comme le confirme le cap annoncé par Florian Bercault et Olivier Klein: « Sortir du technique pour mettre le portage politique au centre », énonce le maire de Laval, tandis que le ministre rappelle que « le nouveau référentiel s’est construit par et pour les élus ».
Portage politique
Le dernier congrès des maires a donné un premier signe de cette intention politique, avec les conventions signées entre les animateurs du label et trois associations d’élus : les maires de France, les Villes de France (villes moyennes) et les Intercommunalités de France.
En réponse aux demandes récurrentes des collectivités, les écoquartiers ont musclé leur ingénierie : en 2023 comme en 2022, le Centre d’études et d’expertise sur les risques, l’environnement, la mobilité et l’aménagement (Cerema) désignera 15 lauréats d’un appel à manifestations d’intérêt (Ami) qui bénéficieront d’une assistance de trois ans, prise en charge à 80 %, pour préparer la labellisation de leur projet. « Cette offre s’adresse aux petites villes comme aux métropoles, dans une approche ensemblière », décrit Anne Vial, directrice de l’appui aux territoires en aménagement qualitatif et durable.
Ingénierie musclée
« Pour massifier l’accompagnement en amont, la direction générale de l’aménagement, du logement et de la nature et la direction de l’habitat, de l’urbanisme et des paysages mettent à la disposition des porteurs de projets des groupements pluridisciplinaires de programmation », ajoute Jean-Baptiste Butlen, adjoint de la DGALN. En complément, l’Agence de la transition écologique (Ademe) et le Centre scientifique et technique du Bâtiment proposent d’évaluer les impacts carbone des projets.
Enfin, les ateliers résilience de France Ville Durable mutualisent les pratiques les plus vertueuses, « pas forcément les plus chères », souligne le délégué général de l’association Sébastien Maire avant de préciser : « Quand ça bloque, l’exégèse des outils, des méthodes et des politiques publiques apportent souvent des réponses efficaces ».
Finance verte
Les refondateurs des écoquartiers n’ont pas oublié le nerf de la guerre, indispensable au montage et à l’accélération des opérations : les prêts bonifiés de la banque des territoires complètent les fonds friche et renaturation, sous-ensembles du Fonds vert. Ces offres stimulent une réflexion sur la finance verte : « Il est temps d’internaliser la valeur environnementale des projets. Il ne devrait plus être possible de vendre une passoire thermique au même prix qu’un immeuble performant », estime Florian Bercault.
Derrière le maire de Laval, plusieurs élus, concepteurs et aménageurs témoignent du vent nouveau qui souffle sur la ville durable : « Dans un projet au long court qui se développe sur 20 ans comme l’écoquartier de La Courrouze à Rennes, l’actualisation stratégique arrive au bon moment, pour passer des retours d’expérience à la massification », apprécie Marc Dartigalongue, chef de projet.
Souplesse et rigueur
Au sud de l’Essonne, Breuillet rend hommage à la souplesse qui a permis de redimensionner la reconversion de l’ancienne briquetterie en fonction des capacités d’une ville de 8500 habitants, lauréate de l’Ami du Cerema : « Les 1000 logements initialement prévus auraient entraîné un déséquilibre. Nous avons négocié à 500, pour aboutir à un projet environnemental fort, répondant aux exigences du label », se réjouit l’ancien maire et conseiller municipal Bernard Sprotti.
Malgré le chapeautage du ministère du Logement, la souplesse progresse aussi dans l’enrichissement fonctionnel, à en croire les échos de Tessy-Bocage (Manche) : « A la notion de quartier, je préfère celle d’éco-projet, pour ouvrir vers d’autres fonctions que l’habitat et réduire les besoins de mobilité », argumente Thimothée Turquin, directeur associé de l’agence d’urbanisme tactique Belvédère. Après l’expérience enthousiasmante, mais trop courte, d’un Atelier du territoire consacré au bourg de 2500 habitants, dans l’agglomération de Saint-Lô, le récent lauréat du palmarès des jeunes urbanistes apprécie également l’ouverture au temps long de l’ingénierie.
Défi industriel
Pour tendre vers la massification annoncée le 14 décembre, les rédacteurs du nouveau référentiel pointent l’urgence d’une accélération industrielle : « Après 50 ans de béton qui nous ont formatés, un bond énorme s’impose en normes, appréciations techniques d’expérimentation et avis techniques, pour mettre les biomatériaux au niveau. Les promoteurs et aménageurs doivent aider les entreprises à porter de nouvelles solutions techniques et à leur offrir des débouchés », plaide Anne Fraisse, directrice générale du promoteur Urbain des bois et copilote du groupe de travail dédié à la décarbonation de l’aménagement et de l’immobilier.
Les nouveaux horizons tracés par la rénovation du label passent aussi à regarder au-delà de l'hexagone. « L’expertise en énergie positive développée en Norvège peut s’exporter dans le monde », estime l’architecte Olivier Page, promoteur du label Powerhouse, développé avec des constructeurs et promoteurs privés de ce pays.
Rayonnement mondial
Dans le sens inverse, le rayonnement international des écoquartiers à la française a inspiré un temps fort de la cérémonie du 14 décembre : à Bogota (Colombie) et Funabashi (Japon), les quartiers La Esmeralda et Morino City ont décroché les labels du ministère de la Transition écologique, pour les étapes 2 et 4.

Ce résultat récompense un rare exemple de continuité d’une politique publique : « En 12 ans, aucun ministre n’a jamais manqué à l’appel au soutien des écoquartiers », se réjouit Stéphanie Dupuy-Lyon. Cette constance crédibilise l’étape à venir, dans la feuille de route de la DGALN : sortir des expériences pionnières pour aller vers la massification.