Les défis d’Artois-Picardie sur la scène mondiale des bassins

Les petits ruisseaux font les grandes rivières. Ils ont convergé des quatre coins de la planète à Bordeaux, cette semaine, pour l’assemblée générale du Réseau International des Organismes de Bassin (RIOB).

Réservé aux abonnés
La Canche
Dans le bassin Artois Picardie (ici, la Canche à Beaurainville), seulement 22 % des masses d'eau répondent à l'objectif de "bon état".

Le plus petit des six bassins hydrographiques de France métropolitaine a frayé son passage sur la scène mondiale de l’eau, rassemblée du 7 au 10 octobre à Bordeaux.

Cocktail délétère

Entre deux exposés sur la qualité des eaux du lac Atitlan au Guatemala et du fleuve Jaune en Chine, Isabelle Matykowski, directrice générale du bassin Artois-Picardie, a présenté le défi : 22% seulement des quatre-vingt masses d’eau répondent à la définition du « bon état écologique » en 2019 (le taux le plus bas), quand une directive européenne fixe 50% d’ici 2027. Ce taux place le territoire en queue du peloton national.

Ce bassin hydrographique plat, qui ne favorise pas l’autoépuration, est soumis à de fortes pressions : démographique avec 4,7 millions d’habitants sur 20.000 km2, agricole avec des cultures intensives de betterave ou pomme de terre, et industrielle avec un passé minier, sidérurgique et un futur dans les gigafactories de batteries électriques (ACC, Verkor, Envision et ProLogium).

L’eau verte sort de l’oubli

Les 12e programmes d’intervention des six agences, en cours d’adoption pour la période 2025-2030 dans les six bassins hydrographiques qui quadrillent la France métropolitaine, mettent l’accent sur « le rétablissement du grand cycle de l’eau », se réjouit Isabelle Matykowski. Une bonne nouvelle car « ces solutions fondées sur la nature sont à la fois moins chères à mettre en œuvre et plus efficaces ». Par rapport aux 11èmes programmes, les six bassins bénéficient d’une manne supplémentaire chiffrée à 1,8 Md€.

Il s’agit de « favoriser l’infiltration de l’eau dès qu’elle tombe, par la renaturation et la désimperméabilisation en milieu urbain, et la plantation de haies associée au maintien de prairies en milieu rural », afin de recharger les nappes souterraines qui fournissent ici 95% de l’eau potable : un record français.

Cette logique rejoint les préconisations du réseau international des organismes de bassin (Riob) - « très inspirant » selon la directrice de l’agence  - ainsi que celles du directeur de la Commission Mondiale sur l’Économie de l’eau. Ces instances ont plaidé à Bordeaux pour « la préservation de l’eau verte », par opposition à l’eau bleue qui coule et focalise souvent l’attention.

Les agriculteurs entrent dans le jeu

« Des sols vivants, qui retiennent l’eau, qui nourrissent, sont un atout pour les agriculteurs ». À la fois acteurs et victimes des pollutions aux intrants chimiques, les cultivateurs du bassin Artois-Picardie sont invités depuis quatre ans à des pratiques plus vertueuses sur les haies et les prairies en échange d’une « rémunération pour service environnemental ». Une fiscalité positive récemment étendue aux conversions bio autour des captages.

Pour favoriser le dialogue entre tous les utilisateurs de la ressource, l’agence régionale organise ses Comités de Masse d’Eau autour de jeux de plateaux qu’elle a créés – un par cours d’eau. Pêcheurs, présidents de communautés de communes, agriculteurs, professionnels du tourisme… déplacent stratégiquement des plots verts, jaunes ou rouges sur le « serious game » qui permet de « partager un diagnostic commun en une demi-journée ». « L’objectif derrière étant d’agir, les actions définies comme prioritaires pour atteindre le bon état écologique bénéficient d’incitations financières ».

Les Giga-factories rebattent les cartes

L’autre défi est quantitatif : comment fournir de l’eau à tout le monde dans une région qui doit accueillir des industries XXL, tout en réduisant les prélèvements de 10% comme le projette le Plan Eau ? En Artois-Picardie, l’effort porte sur la sobriété de la population, qui représente 60% de la consommation, alors qu’à l’échelle de la France, l’agriculture est la première utilisatrice.

Autre levier : l’optimisation de la ressource dans l’industrie avec le recyclage de l’eau. « Elle doit servir plusieurs fois », demande Isabelle Matykowski.

Là encore, des aides financières sont prévues pour les industriels qui joueront le jeu. « Les autres s’exposent à des arrêtés de restrictions préfectoraux si la ressource vient à manquer »… La carotte et le bâton.

Newsletter Week-End
Nos journalistes sélectionnent pour vous les articles essentiels de votre secteur.
Les services Le Moniteur
La solution en ligne pour bien construire !
L'expertise juridique des Éditions du Moniteur
Trouvez des fournisseurs du BTP !