La valorisation des déchets est l’une des tendances fortes du salon Pollutec qui se tient à Paris-Nord Villepinte jusqu’au 2 décembre. Mais l’incorporation de déchets recyclés dans des produits de construction demande l’organisation de filières de collecte et de tri, et la validation des qualités et performances des matériaux utilisés et des produits finis.
L’accroissement de la production de déchets et la nécessité de protéger l’environnement conduisent les instances nationales et européennes à favoriser leur valorisation. Le problème est pris par les deux bouts : réduction à la source et réduction des quantités stockées en centre d’enfouissement en les cantonnant aux déchets ultimes. Entre les deux, il s’agit d’augmenter la part de déchets recyclés, ce qui suppose d’abord de les trier avant de les transformer en « nouvelles » matières premières utilisables comme combustibles ou comme matériaux de base des produits. L'utilisation de ces « matières premières secondaires » est d’autant plus nécessaire dans le BTP où 90 % des déchets sont mis en décharges. L’incorporation des déchets recyclés dans des matériaux et produits de construction est donc une préoccupation montante du secteur. Elle peut s’effectuer soit à partir des déchets de la filière, soit à partir de ceux d’autres secteurs industriels. Dans les deux cas, l’évaluation des incidences techniques (taille du gisement, facilité de tri et de transformation), sanitaires et environnementales est indispensable, au nom de principe de précaution.
Du PVC recyclé dans les tubes coextrudés
Dans ce contexte, certains secteurs n’ont pas attendu pour se lancer dans l’aventure. Les transformateurs et fabricants de produits en PVC recyclent déjà 25 000 t de déchets des usines et travaillent au recyclage de produits en fin de vie (tubes, profilés) : 1500 t ont été collectés en 2004, 2500 t doivent l’être en 2005. Le tout pour fabriquer des tubes coextrudés pour l’assainissement. La production totale de tubes intègre ainsi 10 à 15 % de PVC recyclé. «Le problème réside dans la collecte de petites quantités sur des chantiers dispersés, explique Pierre Troadec, gérant de PVC Recyclage, la sarl créée par le syndicat des tubes et raccords (STR) et celui des profilés (SNEP). Sa résolution suppose la motivation de tous les acteurs (industriels, déchetteries, démolisseurs, collecteurs,…) dans le cadre des nouveaux plans départementaux de gestion des déchets du BTP ». Pour Claude Dumas, responsable Développement durable chez BPB Placo, la question de la collecte se pose également (quelle est la distance maximale rentable ?) ainsi que celle du tri. « Nous connaissons les débouchés des matériaux recyclés : le carton, pulpé et broyé, est réinjecté dans les gâchées ; le plâtre, broyé, redevient du gypse - ce qui permet de réduire les quantités extraites - puis à nouveau du plâtre ; le polystyrène (PS) non souillé est broyé pour être réutilisé dans des bétons allégés ou pour fabriquer des boîtes de cédérom. Le problème est la séparation du plâtre, du carton et du PS constitutifs des plaques et nous menons une réflexion avec Lafarge et Knauf sur ce sujet ». Pour l’instant, BPB est en phase test dans son usine de Chambéry, où l'industriel ne recycle que des déchets de chantiers de bâtiments neufs (pas ceux de déconstruction) et pas le PS associé aux plaques. « Nous incorporons aujourd’hui dans les produits seulement 3 à 4 % de gypse recyclé mais l’augmentation du taux dépend du gisement de déchets, de la pureté du gypse et de l’outil de production ».
Des boues d’épuration pour fabriquer des briques
L’autre volet de l’utilisation de déchets dans les produits du bâtiment concerne ceux qui ne sont pas issus de la filière. Là, il est encore plus important d’appliquer une vigilance technique, environnementale et sanitaire accrue. Le Centre scientifique et technique du bâtiment a d’ailleurs développé une approche d’accompagnement, de la caractérisation du gisement à l’évaluation des performances du produit incorporant les déchets recyclés. Premiers résultats : la valorisation de polypropylène provenant de pare-chocs et de bacs de batterie en caniveaux pour eau pluviale (avec la société C2P) et l’utilisation de bouteilles en polyéthylène qui, transformées en polyols, servent à fabriquer un isolant thermique en mousse de polyuréthanne (avec TBI). Des débuts prometteurs qui se confirment au salon Pollutec avec la présentation d’un matériau d’isolation réalisé à partir de déchets textiles et d’un procédé (vBc 3000) de valorisation des boues de station d’épuration épandables qui, séchées et mélangées à de l’argile, sont transformées en granulats d’argile expansée et en briques. Les études et les essais réalisés avec les boues de la ville de Beauvais confirment la faisabilité technique, économique et réglementaire du projet et son industrialisation possible. Compétitif comparé au traitement des boues par compostage/épandage ou par incinération, le procédé permet de valoriser une tonne de boue sèche en 3 à 4 tonnes de granulats ou 4 à 7 tonnes de briques.
J.L.T.