L’effet cumulatif des ponctions projetées par le gouvernement sur les budgets publics territoriaux connaît une intensité majeure dans les territoires ruraux. Les chiffres qui objectivent cette règle ressortent de la dernière livraison de Territoires et Finances, publication annuelle de la Banque postale et de l’Association des maires de France, dévoilée chaque année en prélude au congrès des maires de France. Simultanément, ces derniers publient l’étude détaillée intitulée « Analyse des comptes de gestion des communes et EPCI ».
Victimes rurales
De moins de 500 à plus de 100 000 habitants, la part des départements baisse de 30 % à 11 %, dans la structure des recettes des sept strates territoriales analysées. « Habituées à la solidarité départementale pour financer leurs investissements depuis 150 ans, les communes rurales auraient du mal à s’en passer », commente Alain Vervisch, directeur des études à La Banque Postale.
Autre spécificité rurale : les budgets annexes de l’eau et de l’assainissement y pèsent d’un poids relatif plus important que dans les communes les plus importantes, où cette charge revient aux intercommunalités. Les grandes villes sortent de leurs comptes principaux des domaines plus divers, comme le sport. Le zoom sur ces budgets annexes fait partie des innovations de la 11ème édition de Territoires et Finances.
Dette urbaine
La publication annuelle trace les parallèles entre le taux d’endettement et la taille des communes : « Cette tendance s'explique par l’importance du patrimoine des grandes villes », souligne Alain Vervisch. Mais pour toutes les strates, la Banque postale et l’AMF identifient « un encours de dette très maîtrisé », ajoute-t-il. Ses commentaires tendent à la même démonstration : « On ne peut pas traiter chacune des 35 000 communes de la même manière ».
La remarquable performance des investissements publics locaux fait partie des leçons de la publication annuelle, malgré les 60 % de l’augmentation induite par l’effet prix. « Par rapport aux quatre premières années des quatre précédents mandats municipaux, le rebond se chiffre à plus 6 %, ce qui représente 10 Mds€ », calcule Thomas Rougier, secrétaire général de l’observatoire des finances et de la gestion publique locale.
Budgets verts au placard
Mais ces bonnes nouvelles appartiennent au passé, à en croire Nathalie Brodin, responsable Finances et fiscalité locale à l’AMF : « l’épargne s’effondre et l’encours de dette a franchi le cap d’une capacité moyenne de remboursement en cinq ans », alerte la spécialiste. L’association chiffre à au moins 10 Mds€ la chute des soutiens de l’Etat pour 2025 : « 9 en aides directes, 1 via les opérateurs et agences », détaille la responsable financière. Conclusion sans appel : « Les priorités du législateur sont bloquées par l’assèchement des finances locales ».
Les statistiques servent d’amplificateur à l’exaspération des maires. « On nous demande de faire des budgets verts, mais avec quoi ? La transition est plantée. Le Projet de loi de finances créerait un risque sérieux de faire entrer la France en récession à la fin 2025 », prédit le Premier vice-président de l’AMF, André Laignel.
Coup de poignard
L’inoxydable maire d’Issoudun rejette par avance les concessions suggérées par Gérard Larcher. Le président du Sénat a enjoint ses troupes à ne pas approuver plus de 2 Mds€ d’économies ponctionnées sur le budget des collectivités, sur les 5 prévues par le gouvernement. L’amortissement ne suffirait de loin pas à satisfaire André Laignel, qui voit dans le Projet de loi de finances « le pire budget de l’histoire des collectivités ».
Pour Antoine Homé, co-président de la commission des finances de l’association, ce « coup de poignard » appelle une position sans nuances : « Nous demandons l’annulation totale des ponctions projetées ». Le maire de Wittenheim (Haut-Rhin) tire cette leçon de l’expérience : « A chaque fois que l’Etat s’est attaqué aux collectivités locales, il ne s’est pas désendetté ».
Employeurs choqués
Coordonnateur des employeurs de la fonction publique territoriale, le vice-président de l’association Philippe Laurent profite de l’occasion pour exiger une « remise à plat » du fonctionnement de la Caisse nationale de retraite des agents des collectivités locales (CNRACL). Le maire centriste de Sceaux n’hésite pas à parler de « pillage », à propos de cette partie peu médiatisée des coups de rabot envisagés par le gouvernement pour restaurer les finances publiques. Il appelle à l’autonomisation de la CNRACL, pour y mettre fin.
Alimentée par la Cour des comptes qui s’interroge sur des augmentations d’effectifs inconsidérées, la mise en cause de leurs responsabilités d’employeurs entraîne un redoublement de colère des maires. « C’est scandaleux, stigmatisant et faux. Taper sur les agents publics, c’est alimenter le populisme et les préjugés », tonne Antoine Homé, chiffres à l’appui : les statistiques de la Banque postale et de l’AMF font en effet ressortir une évolution de la masse salariale proche de l’inflation.