Les collectivités demandent à l’Etat de ne pas oublier les réseaux de chaleur

L’association de collectivités engagées dans la transition énergétique, Amorce, estime que la prime donnée à l’électrification des modes de chauffage est un frein au développement des réseaux de chaleur et de froid. Elle en appelle aux pouvoirs publics pour un recentrage des aides vers cette solution plus économique et tout aussi décarbonée.

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HLM OPH réseau de chaleur

« Il y a deux manières de voir les choses », attaque Nicolas Garnier, délégué général d’Amorce. « Si l’on voit le verre à moitié plein : nous avons connu ces 10 dernières années une multiplication par 2,5 des raccordements à des réseaux de chaleur (création de nouveaux réseaux, développement de réseaux existants, densification) ».

Ainsi en 2023, la France comptait 1000 réseaux de chaleur s’étendant sur 7 515 kilomètres. Principalement situés en zone urbaine dense, ils ont livré près de 50 000 sites différents pour un total de 26,1 TWh de chaleur livrée aux utilisateurs finaux. Une chaleur obtenue avec des énergies renouvelables, à 48%, dont principalement de la biomasse (25%). « Mais cela ne représente que 4 à 5% de la chaleur du mix français contre 40% pour le chauffage électrique », tempère-t-il. Surtout, « nous sommes en dessous des objectifs fixés par la PPE2 et pour répondre à PPE 3 (68 TWh de chaleur renouvelable) il faudrait encore multiplier par 2,5 les raccordements dans les années à venir ! »

C’est le verre à moitié vide. « Alors que notre développement est encore trop lent, nous avons le sentiment d’assister à une transition énergétique à deux vitesses », dénonce-t-il. « Avec d’un côté des subventions massives pour l’électrification et de l’autre l’abandon des soutiens à la rénovation énergétique et aux réseaux de chaleur ». Et le délégué général d’Amorce de citer les subventions pour l’installation de pompe à chaleur air/air, pourtant peu efficaces énergétiquement surtout lorsqu’elles sont installées dans des passoires thermiques.

« A 0°, une PAC air/air est aussi consommatrice qu’un convecteur électrique », raille Nicolas Garnier. « Alors que le prix du chauffage électrique est toujours plus cher - sans le bouclier tarifaire, les prix se seraient d'ailleurs envolés - les réseaux de chaleur, eux, ont montré une bien plus grande maîtrise de leur facture », assure-t-il. « Ajoutons à cela que si demain on électrifie massivement les modes de chauffage, on n’est pas sûr d’avoir la production électrique suffisante », prévient-il.

MaPrimeRénov' pour des boucles d'eau chaude dans le résidentiel

Dans ce contexte, Amorce fait aux pouvoirs publics un certain nombre de propositions pour rééquilibrer la transition vers les réseaux de chaleur. « A commencer par la création d’un environnement favorable à la transition énergétique », insiste Nicolas Garnier. « Pour cela il faut une stabilité des prix des énergies fossiles avec un prix plancher à 45€/MWh et un plafond, qui permettraient de rendre toujours plus avantageux les réseaux décarbonés », avance-t-il. Et d’ajouter : « Si on appliquait ce prix plancher, on dégagerait 1,2 Md€ en 2025 ».

Autre demande : la reconfiguration des aides. « A trois niveaux : selon le coût, le passage à l’action, et le bénéfice environnemental. Et pour cela nous avons besoin du fonds chaleur. Avant la censure, il a été maintenu à 800 M€ (voir encadré) mais le besoin en financement est estimé à 1,3 Md€…. Dès lors l’Ademe va réduire ses aides : notamment pour les réseaux de chaleur biomasse (bois) avec une baisse annoncée de -15%. Or, si avec ces 800M€ des projets ne se font pas, on sera déconnecté des courbes nécessaires à l’atteinte des objectifs de la PPE », craint Nicolas Garnier. « Nous demandons donc un rééquilibrage des aides vers les réseaux de chaleur ».

Quel fonds chaleur pour 2025 ?

Avec la censure du gouvernement Barnier et la fin de l'examen du projet de loi de finances pour 2025, 2 scénarios se présentent pour le fonds chaleur. "Un nouveau PLF ne réduira pas le fonds chaleur", veut croire Serge Nocodie, vice-président dAmorce délégué aux réseaux de chaleur et aux énergies renouvelables. "Si c'est la loi spéciale qui est adoptée alors on repartira avec les 820 M€ fixés par le PLF 2024. Il n'y a pas de gros risque d’être à moins de 800 M€" estime-t-il. Petit "effet de bord" relevé toutefois par Nicolas Garnier : "Il semblerait que pour remonter de 500 M€ (le montant initial alloué au fonds chaleur dans le PLF 2025) à 800 M€ le budget du fonds, le gouvernement ait « tapé » dans le fonds économie circulaire, ramené à 170 M€. En conséquence, l’Ademe a annoncé la fin des aides aux combustibles solides de récupération et c'est une mauvaise chose pour la mise en place de l'économie circulaire."

Le délégué général d’Amorce pointe également un paradoxe : aujourd’hui les collectivités qui voudraient créer un réseau ou étendre leur réseau existant ne peuvent raccorder bon nombre de bâtiments neufs qui ne sont pas équipés de boucles d’eau chaude. « La question est donc de créer une aide au financement de ces boucles », juge Nicolas Garnier. « Ce doit être une prime Anah du type MaPRimeRénov’. Dont le montant est raisonnable : Pouget Consultants estime qu’une boucle d’eau chaude représente 3000 € par logement. » Pour tout cela, la maîtrise du chauffage d’une collectivité ne doit pas se faire uniquement sur la base du réseau de chaleur local, « nos élus doivent comprendre qui se chauffe comment », estime Nicolas Garnier.

Enfin, Amorce compte sur les outils fiscaux en place (notamment la TVA à 5,5%) et le classement des réseaux pour accélérer leur développement. En effet, le « classement », obtenu par les réseaux présentant une part majoritaire d’EnR dans leur mix énergétique, impose que tous les bâtiments présents dans le périmètre dit « prioritaire » autour d’un réseau y soient raccordés.

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