Décidemment, la troisième période du dispositif des certificats d’économies d’énergie démarre sous le signe de l’inquiétude. En effet, après les structures collectives qui s’inquiètent de la baisse du prix des CEE sur le marché spot, c’est au tour des « petits » obligés de tirer la sonnette d’alarme concernant les modalités de la nouvelle obligation spécifique prévue par la loi, qui impose de réaliser des économies d’énergie au profit de ménages en situation de précarité énergétique. Pour appliquer la loi concrètement, des textes sont en préparation.
« Nous sommes très inquiets quant à la proposition de la DGEC qui est de fixer une obligation supplémentaires de 250 TWh sur 2 ans, a ainsi souligné Fabien Choné, président de l’Association nationale des opérateurs détaillants en énergie (Anode) et directeur général délégué stratégie et énergie de Direct Energie, un obligé de petite taille, lors d’une rencontre le 9 octobre. Notre crainte face à cette nouvelle obligation est de voir le prix de CEE s’élever fortement et peut-être même atteindre le prix de la pénalité (20 €/MWhcumac, ndlr). » Un paradoxe alors que les prix sur le marché des CEE sont actuellement les plus bas jamais enregistrés, autour de 2€.
Comment le prix pourrait-il si fortement augmenter ? C’est une logique de marché. En effet, si les obligés de petite taille peinent à atteindre leur objectif, ils essaieront d’acheter ces CEE « précarité » sur le marché et la rareté créera le prix, qui risque alors de s’envoler. Les grands obligés tels EDF, Engie ou Total ont plus de marge de manoeuvre et travaillent déjà avec l’Anah et la Fondation Abbé Pierre sur le sujet dans le cadre de programmes. « Cette nouvelle obligation nous pose plusieurs problèmes, a expliqué Naïma Idir, directeur des affaires institutionnelles et réglementaires chez ENI, obligé membre de l’Anode. Tout d’abord, ce n’est pas notre métier de traiter de la précarité et nous pensons que nos clients pourraient être réticents à l’idée de nous donner leur avis d’imposition pour que nous déterminions s’ils satisfont bien aux critères que la loi va édicter. »
Un autre souci important semble le délai de deux ans pour remplir l’objectif, trop court pour mettre en oeuvre des actions. Les obligés, quels qu’ils soient d’ailleurs, souhaiteraient bénéficier de plus de temps pour répondre à cette obligation, 5 ans par exemple ou d’un objectif moins important. Fabien Choné va plus loin en disant que plutôt qu’un mécanisme « dont l’efficacité est loin d’être prouvée », il préférerait carrément « une contribution claire ».
Face à ces perspectives incertaines, les petits obligés sont tentés de se tourner vers le marché actuellement très attractif. Ainsi, plusieurs d’entre eux, membres de l’Anode (Lampiris, ENI Gaz de Paris), ont indiqué lors de la conférence qu’ils allaient couvrir une partie de l’obligation sur le marché où le prix des CEE est bas « pour compenser les dépenses à venir sur les CEE précarité ». Un mouvement qui va, s’il se concrétise, faire remonter les prix. Néanmoins, ils vont tous continuer à travailler avec leurs partenaires « pour ne pas être uniquement dépendants du marché » justement, en cas de hausse de prix sur le marché. Un équilibre difficile à trouver.
Pour l’instant, malgré la proposition de la DGEC, les textes concernant les modalités d’application des CEE «précarité » ne sont pas encore arrêtés et alors qu’ils devaient passer au CSE le 12 octobre, ils n’étaient finalement pas à l’ordre du jour. L’arbitrage du gouvernement n’a pas encore été donné, d’après nos informations mais la date d’entrée en vigueur de cette obligation est toujours prévue pour le 1er janvier 2016.
Cet article est extrait d’Enerpresse