La silhouette pyramidale du bâtiment de la banque CIC Est marque l’entrée ouest de l’agglomération de Nancy (Meurthe-et-Moselle). L’immeuble labellisé « Architecture contemporaine remarquable » il y a quatre ans, vit ses derniers mois en dépit de la mobilisation suscitée par l’association Archives modernes de l’architecture lorraine (Amal) en faveur de sa préservation.
L’épidémie de Covid-19 ralentira peut-être quelque peu le projet de déconstruction de l’édifice dont les dix-neuf alvéoles hexagonales superposées sur neuf niveaux (12 000 m2 SP) font l’originalité. Livré en 1973, signé des architectes nancéiens Michel André, Jacques André, Claude Prouvé et Jean-Luc André, il est représentatif de la délocalisation des sièges administratifs en périphérie des centres urbains.
Cinq organisations(*) alertées par l’Amal ont tenté une ultime fois de s’opposer au permis de démolir tacitement accepté en janvier 2020 par la commune de Laxou. Les défenseurs de l’immeuble de bureaux ont adressé le 19 février dernier une lettre ouverte au président du Crédit mutuel, Nicolas Théry dont le CIC est une filiale, en vue de demander le réexamen du projet. Le bâtiment du CIC constitue « un témoignage significatif de l’histoire régionale de la banque SNVB [absorbée par le CIC, NDLR] et porte une dimension mémorielle forte au lien qui unissait autrefois la banque et l’industrie du fer », alertent les cosignataires.
Ils pointent un bâtiment audacieux par sa forme et sa structure alvéolaire évolutive, mais aussi novateur par ses panneaux de façade mis au point avec Jean Prouvé. « Cette décision questionne la valeur du label « Architecture contemporaine remarquable » qui signale les édifices de moins de cent ans non protégés au titre des Monuments historiques, mais ne s’accompagne d’aucune protection juridique », alerte Jean-Marc Charlet, le président du conseil régional de l’Ordre des architectes du Grand Est.
Dans sa réponse datée du 25 février dernier, le président du Crédit mutuel invoque les « pathologies » constatées par les bureaux d’études rendant impossible tout projet de réhabilitation. Nicolas Théry pointe également la difficulté d’adapter le bâtiment aux « nouveaux usages » du fait de sa structure pyramidale, ainsi que la nécessité de remplacer les panneaux de façades pour des raisons d’obsolescence, mais aussi de non-conformité aux nouvelles réglementations thermiques.
Nouvel immeuble en projet
Les 3 500 m2 de panneaux de façade réalisés par l’ancienne Compagnie industrielle de matériel de transport lorraine s’ancrent sur la structure poteaux-poutres en béton armé. Depuis l’intérieur, ces ouvertures s’apparentent aux fenêtres d’un train ; une référence encore accentuée par la présence de brise-soleil en tissu.
Denis Grandjean, président de l’Amal prend acte de la décision du Crédit mutuel, tout en regrettant que « les documents d’expertise technique cités par le maître d’ouvrage n’aient pas été présentés au maître d’œuvre dans le cadre d’une confrontation franche et contradictoire ».
L’édifice devrait laisser la place dans les prochaines années à une construction neuve qui a d’ores et déjà fait l’objet d’un concours d’architecture. L’Amal espère désormais qu’elle s’inspirera des principes innovants mis en place sur son prédécesseur.
(*) Les cinq structures cosignataires de la lettre ouverte adressée au président du Crédit mutuel :
Archives modernes de l’architecture lorraine (Amal)
Association pour la documentation et la conservation des édifices et sites du mouvement moderne (Docomomo France)
Conseil régional de l’Ordre des architectes du Grand Est (Croa Grand Est)
Société pour la protection des paysages et de l’esthétique de la France (Sppef)
Union nationale des syndicats français d’architectes - Lorraine Sud (Unsfa – LS)