On associe rarement béton et patrimoine. Pourtant, ce matériau ne date pas d’hier. « Le ciment tel qu’on le connaît aujourd’hui a redémarré à la fin du XVIIIe siècle et a pris son essor dans la deuxième moitié du XIXe siècle et tout au long du XXe », explique Élisabeth Marie-Victoire, chef du département béton au Laboratoire de recherche des monuments historiques (LRMH).
Militaire ou industriel, religieux ou d’habitation, le patrimoine fait une large place à ce matériau. « Certains bâtiments sont entièrement construits en béton, mais il existe aussi des verrières alliant verre et béton, des sculptures, des charpentes comme celle de la cathédrale de Reims », poursuit Élisabeth Marie-Victoire. Tout un patrimoine plus local, parfois inscrit à l’Inventaire supplémentaire des monuments historiques, se rencontre sur les bords de mer, à l’image de ces folies du pourtour méditerranéen ou de quelques villas prestigieuses de la façade Atlantique. L’urgence des périodes de reconstruction, en 1918 puis en 1945, a aussi conduit à un usage plus intensif du béton. Un programme européen, Redmonest, a d’ailleurs répertorié les édifices patrimoniaux en béton dans plusieurs pays de l’Union, dont la France, pays qui a toujours affiché une grande prédilection pour ce matériau.
Pour les entreprises de maçonnerie, intervenir sur ces édifices anciens nécessite de la prudence. Si le terme béton évoque la solidité et la résistance, les bétons anciens sont toutefois bien éloignés des standards actuels.
Pour améliorer les connaissances et les réponses techniques sur les bétons les plus anciens, le ministère de la Culture s’est appuyé sur le concours des industriels, via le Cercle des partenaires du patrimoine. C’est tout particulièrement vrai de Ciments Calcia, qui soutient depuis longtemps les travaux du LRMH autour des techniques d’entretien et de réparation des bétons anciens. La parution d’un guide sur le nettoyage a marqué l’achèvement des travaux de recherche sur ces procédés. Par ailleurs, le laboratoire public a complété ses connaissances sur les mortiers de réparation, pas toujours adaptés.
Reste une piste de travail ouverte depuis longtemps, mais qui n’a pas encore abouti : la corrosion des aciers. Une bonne occasion de poursuivre un partenariat qui a fait ses preuves.
Nettoyer sans attaquer l'épiderme
L’objectif est de réparer le béton ancien tout en conservant l’aspect de surface, un incontournable en matière de patrimoine. Le guide édité par le LRMH et Ciments Calcia comporte tous les éléments pour établir le bon diagnostic et procéder au juste traitement. Trois types de campagne ont été conduits : sur des façades, sur des sculptures et en intérieur.
En extérieur, il s’agit de différencier salissures minérales et biologiques, qui n’appellent pas les mêmes réponses. Autre nécessité, il faut trouver une alternative au nettoyage haute pression, qui attaque trop l’aspect de surface. Les traitements par peeling ont fait leurs preuves. Inspirés des solutions cosmétiques à base d’algues, ils recourent au latex pour éliminer les impuretés.
En intérieur, le guide préconise une solution voisine de celle utilisée pour les moquettes : l’eau est confinée dans la tête de l’appareil, avec un système d’injection et d’aspiration.
Choisir un mortier pas trop performant
Mot d’ordre : abaisser les performances. Un comble pour des fabricants soucieux de renforcer les caractéristiques de leurs produits. Pour les réparations sur les bétons anciens, des mortiers à trop forte résistance créent plus de problèmes qu’ils n’en résolvent. « Si le mortier est plus performant que le béton, il va créer des points durs et étanches, précise Élisabeth Marie-Victoire. Le traitement fonctionnera, mais créera d’autres altérations autour. » Or, les bétons anciens ont une résistance à la compression de l’ordre de 15 à 25 MPa, alors que les bétons modernes démarrent à 25 MPa pour les plus classiques et montent parfois au-delà de 120 MPa pour les ultrahautes performances.
Alertés par ces travaux, les industriels ont donc lancé des gammes moins résistantes et beaucoup plus adaptés aux ouvrages anciens. Reste à l’entreprise à trouver celui qui modifiera le moins l’aspect du matériau d’origine.
Tenter de traiter la corrosion des armatures
Si le nettoyage et le choix du mortier ont trouvé des réponses satisfaisantes, la question du traitement de la corrosion des aciers reste entière. Le projet européen Conrepnet a fait le point sur l’état des connaissances en la matière. Conclusion, même si le bon produit est correctement mis en œuvre, la réparation risque de ne pas durer plus d’une décennie. « Nous avons étudié plusieurs pistes, notamment les inhibiteurs de corrosion, développe Élisabeth Marie-Victoire. Mais cela ne fonctionne pas très bien, voire, dans certains cas, cela accélère la corrosion ! » Les procédés de réalcalinisation ne sont pas révélés très durables. Aucune solution pérenne n’existe dans l’immédiat. Les petites réparations ne servent alors qu’à attendre l’innovation qui apportera une réponse durable à cette pathologie.
Cet article est extrait du Moniteur Entrepreneurs & Installateurs d'avril 2015.
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