A quelque chose malheur est bon. La sécheresse de l’année 2022 confirme l’adage : « L’eau revient en haut de la pile des politiques publiques », s’est félicité Martial Saddier, président du comité de bassin Rhône-Méditerranée Corse, le 9 novembre à l’issue d’une réunion des sept parlements de l’eau qui structurent la gestion hydrographique de la France métropolitaine.
Six groupes de travail lancés
Cette réunion inédite fait suite à la constitution, le 7 novembre, de six groupes de travail coordonnés par le comité national de l’eau (CNE) sur les sujets suivants : outremer ; anticipation et suivi hydrographique ; pollutions diffuses ; sobriété et partage ; grand cycle ; prix et qualité des services publics d’eau et d’assainissement.
« Chacun des groupes se réunira deux fois, en novembre et décembre, avant de formaliser les propositions pour la fin de cette année, en vue de la mise en place de la planification écologique annoncée pour janvier 2023 », annonce Jean Launay, président du Comité national de l’eau.
L’annonce de financements d’Etat dédiés alimente les espoirs : « Jamais, durant les huit dernières années, les comités de bassin n’avaient enregistré une telle écoute gouvernementale sur les besoins des politiques de l’eau », affirme Martial Saddier.
La mégabassine qui fâche
Après les manifestations contre la mégabassine de Sainte-Soline (Deux Sèvres), les participants à la réunion du 9 novembre n’ont pas éludé le sujet qui fâche : « Les solutions ne se limitent de loin pas aux réserves de substitution. Le soutien de L’Etat à ces ouvrages dépendra du respect des exigences émises dans le cadre des projets de territoires pour la gestion de l’eau, les PTGE en voie de généralisation », commente la secrétaire d’Etat à l’Ecologie Bérangère Couillard.
Pour Alain Rousset, président du comité de bassin Adour Garonne et de la région Nouvelle-Aquitaine, l’ornière révélée par le projet de Sainte-Soline ne date pas d’hier : « Depuis plus de 10 ans, ces projets se préparent sans consultation des maires, et sans que les agriculteurs ne s’engagent sur la diminution des pesticides et des intrants ». L’élu socialiste demande un contrôle public des réserves de substitution, pour réguler leur usage et maintenir le cap vers un changement de modèle agricole.
L’incontournable réemploi
Outre le stockage, le réemploi des eaux usées pour l’arrosage figure en bonne place dans les ambitions de l’Etat et des usagers, comme en témoigne l’appel à manifestation d’intérêt lancé sur ce sujet par le comité Adour Garonne, avec les régions Nouvelle-Aquitaine et Occitanie. « La France fait partie des mauvais élèves du réemploi de l’eau », reconnaît Bérangère Couillard. « Sans re-use, demain, il n’y aura plus ni élevage, ni maraîchage, ni exploitation céréalière », prévient Alain Rousset, rappelant les récentes prévisions climatiques sur la diminution des précipitations au sud de la Loire.
Dépossédés de 400 millions d’euros par an lors de la création de l’Office français de la biodiversité, les comités de bassin espèrent réunir les conditions pour une remise à plat du financement de l’eau et de la biodiversité. « Associée à des amortissements sur 50 ans, la réaffectation de ces 400 millions d’euros à la politique de l’eau suffirait à combler le déficit d’investissements dont souffre la France », estime Nicolas Juillet, président du comité de bassin Seine-Normandie.
Maîtrise d’ouvrage défaillante
Une condition reste toutefois à remplir pour concrétiser cette perspective : « L’organisation défaillante d’une maîtrise d’ouvrage trop émiettée contribue à expliquer le sous-investissement », estime Jean Launay. Le président du CNE plaide pour la finalisation du transfert des compétences d’eau et d’assainissement vers les intercommunalités, mais aussi pour le dégagement de moyens dédiés à l’ingénierie publique locale de l’eau.