Après avoir été adopté en première lecture à l’Assemblée nationale, le projet de loi pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages, entré en discussion devant le Sénat le 19 janvier dernier et modifié au terme de plusieurs séances, a été massivement adopté par le Sénat le 26 janvier 2016 (295 exprimés, 263 pour et 32 contre). Le texte ainsi adopté est divisé en six grands titres et couvre plusieurs axes dont la gouvernance de la biodiversité, la protection des paysages et la conservation des ressources ou encore la création de l’Agence française pour la biodiversité.
Création de l’Agence française pour la biodiversité
Le Sénat a adopté à l’unanimité la mesure phare du projet de loi visant à la création d’une Agence française pour la biodiversité.
L’objet de cette mesure est de mettre en place un outil unique consacré à la protection, la gestion et la restauration de la biodiversité et des services écosystémiques fournis par cette diversité biologique.
La composition de cette future agence, qui sera opérationnelle dès la promulgation de la loi, rassemblera notamment des réseaux de chercheurs et de scientifiques de haut niveau.
Reconnaissance du préjudice écologique
Le projet de loi tend également à donner une valeur légale au préjudice écologique déjà largement consacré par la jurisprudence.
Pour mémoire, le Conseil constitutionnel avait rappelé, en 2011, le principe général de vigilance à l’égard des atteintes à l’environnement.
Dans le même sens, une proposition de loi avait déjà été déposée au Sénat aux fins d’inscrire la notion de préjudice écologique dans le Code civil.
Renforcement de la protection des espèces et des espaces naturels
Par ailleurs, s’agissant de la protection des espaces naturels et des espèces, les sénateurs ont, d’une part, introduit une taxe additionnelle sur l’huile de palme et, d’autre part, instauré la responsabilité des parcs zoologiques dans la conservation de la biodiversité et dans l’éducation du public à la biodiversité.
Ratification du protocole de Nagoya (partage des avantages)
La ratification du protocole de Nagoya relatif au partage juste et équitable des bénéfices issus de l’exploitation des ressources naturelles concrétise un engagement international pris par la France lors du sommet de la Terre à Rio, en 1992.
Cet engagement vise notamment à faire bénéficier aux populations concernées, en suite de l’accès à leurs ressources, les retombées financières du développement d’un marché commercial.
Selon Ségolène Royal, ce dispositif permettra d’« innover sans piller » et d’« éviter la bio-piraterie ».
Le Sénat a par ailleurs modifié le dispositif en instaurant, d’une part, l’incitation à la création d’emplois locaux et, d’autre part, la nécessité d’une communication renforcée avec les communautés d’habitants et non plus uniquement avec les parcs nationaux.
Interdiction des brevets sur les produits issus de procédés biologiques
La brevetabilité des « produits issus de procédés essentiellement biologiques », dits aussi « gènes natifs », est prohibée par le projet de loi.
Afin de contenir le brevetage du vivant, les sénateurs ont prévu la limitation de la protection des brevets à la matière biologique concernée. Ainsi, le brevet ne peut s’étendre ni à la matière biologique obtenue de manière naturelle ou présente naturellement, ni à son utilisation par des procédés essentiellement biologiques.
Selon le communiqué de presse du ministère de l’Écologie, l’objet de cette mesure vise à lever les freins à l’innovation provoqués par la multiplication des dépôts de brevets et la concentration des détenteurs de brevets.
Encadrement de l’utilisation de certains pesticides
Le projet de loi prévoit un encadrement de l’utilisation des pesticides contenant des substances actives appartenant à la famille des néonicotinoïdes, et ce afin d’éviter les effets néfastes sur les abeilles et autres pollinisateurs. Cette disposition, qui fait suite à la publication par l’Anses (Agence nationale de sécurité sanitaire, alimentation, environnement, travail) de ses conclusions sur les risques présentés par ce type d’insecticides, avait préalablement été adoptée à l’Assemblée nationale puis supprimée en commission au Sénat. Cette mesure s’inscrit dans la droite ligne du plan national « France, terre de pollinisateurs » lancé en 2015 par le ministère de l’Écologie.
Nouvelles dispositions pour la protection de la biodiversité marine
Le projet de loi prévoit également un renforcement de la protection de la biodiversité marine au moyen, notamment, de la création dans les eaux des terres australes françaises de la cinquième plus grande réserve marine du monde.
Par ailleurs, les sénateurs ont rétabli la pêche au chalutage en eaux profondes qui avait été supprimée par la commission du développement durable.
Autres mesures relatives à l’urbanisme et à l’environnement
Les sénateurs ont supprimé l’article qui prévoyait la contribution du Centre national de propriété forestière dans le cadre de l’élaboration des documents d’urbanisme, tels que le schéma de cohérence territoriale (Scot) ou encore le plan local d’urbanisme (PLU). En effet, ces dispositions ont été jugées contraires à la simplification du droit.
Les sénateurs ont également jugé nécessaire de supprimer la possibilité d’imputer sur l’impôt de solidarité sur la fortune (ISF) les dons effectués au profit des conservatoires régionaux d’espaces naturels agrées.
Enfin, les sénateurs ont instauré une action de groupe dans le domaine de l’environnement afin de renforcer la lutte contre la pollution.
Selon la ministre de l’Écologie, l’adoption massive du projet de loi par le Sénat marque « l’intérêt général de notre avenir commun, et met la France très en avance sur les enjeux de la biodiversité et du climat ».
Le projet de loi, tel qu’adopté par le Sénat, a été transmis à l’Assemblée nationale le 27 janvier 2016 pour une seconde lecture. Le texte définitif devrait être adopté d’ici l’été 2016, alors qu’il a été présenté en Conseil des ministres en mars 2014…
Projet de loi pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages, enregistré en 2de lecture à l’Assemblée nationale le 27 janvier 2016, n° 3442