Actuellement soumis à l'appréciation des Lyonnais, le projet Lyon-Confluence pose en préalable - et c'est son originalité - une réflexion à l'échelle de l'agglomération sur les infrastructures autoroutières et ferroviaires qui grèvent le site de la presqu'île entre Saône et Rhône.

Le projet initié par Raymond Barre, il y a un peu plus d'un an, engage aujourd'hui l'avenir d'un territoire longtemps délaissé et, au-delà, de toute l'agglomération lyonnaise. La rapidité avec laquelle les études ont été conduites et les actions qui devraient être engagées sous peu reflètent la détermination de la municipalité à rendre ce projet irréversible.

Après avoir engagé une consultation auprès de grands noms de l'architecture et de l'urbanisme (Ricardo Bofill, Kenzo Tange, Michel Macary et Auket Associates faisaient partie de la sélection), son choix s'est porté sur l'équipe formée par Oriol Bohigas (Barcelone, Martorell-Bohigas-MacKay) et Thierry Melot (Paris). Clé de son succès, une stratégie audacieuse qui remet en cause l'organisation des infrastructures dans l'agglomération lyonnaise. Postulat de l'équipe : on ne pourra valoriser ce territoire qu'à la seule condition de faire sauter les verrous d'infrastructures qui l'enclavent. Aucun des autres concurrents n'avait osé aller si loin en inscrivant son projet dans une stratégie à l'échelle de l'agglomération.

Les Lyonnais sont confrontés depuis toujours au cas de ce site délaissé : en dépit d'une situation d'exception au coeur de la ville et à la confluence du Rhône et de la Saône, l'extrémité sud de la presqu'île a été laissée pour compte en raison de son isolement. Constituée à l'origine d'îles marécageuses reliées par des remblais, elle est coupée une première fois du reste de la presqu'île en 1856 par la construction de la gare de Perrache, puis une deuxième fois, en 1970, par le passage de l'autouroute A6/A7 sous le tunnel de Fourvière. En 1976, la création du Centre d'échanges (René Gagès, architecte), qui entraîne la disparition du cours de Verdun, lui porte le coup de grâce. Accolé à la gare, ce massif monolithe de béton superpose l'échangeur autoroutier entre l'A6 et l'A7, une gare routière, et un parking-silo. Le centre de la ville devient alors le lieu du trafic national et international, « un morceau de périphérie en plein centre », avec 100 000 véhicules/jour, dont 30 000 poids lourds. Et la presqu'île, scindée en deux, reste dans sa partie sud un « no man's land » plus familièrement appelé « le quartier derrière les voûtes », où cohabitent prisons, marché de gros, friches, hangars et vieilles bâtisses.

Convaincu que ce n'est pas en composant avec ces verrous, même en les masquant, que la ville réussira le futur aménagement, le groupement MBM-Melot dépasse le cadre de l'étude pour empiéter sur les infrastructures, domaine réservé des DDE. Avec le bureau d'études Setec, le groupement suggère de construire un tunnel « shunt » à l'ouest de l'agglomération, du rond-point de Valvert à la Mulatière et à Saint-Fons, d'une longueur de 5,5 km. Dans un premier temps, il assure la continuité des autoroutes A6/A7, dans l'attente du grand contournement ouest prévu. A terme, il complétera le bouclage du périphérique, avec la création d'un dernier tronçon, au sud. L'estimation des travaux est chiffrée pour l'ensemble à quatre milliards de francs, la mise en chantier prévue pour 2002. Ce projet, dont la réussite est conditionnée par la viabilité du contournement ouest - et donc par un réel engagement de l'Etat - représente la solution la plus rapide pour déclasser l'A7 entre Fourvière et La Mulatière et transformer les quais en boulevard urbain. Elle implique la démolition du Centre d'échanges. Ses fonctions principales sont replacées dans la nouvelle trame urbaine . Et si, aujourd'hui, seule une passerelle permet d'accéder à la gare et de rejoindre le sud de la presqu'île, la libération des voûtes sous la gare assurera ces liaisons au niveau du sol. Quant à l'étude du réaménagement-rénovation de la gare, elle devrait être engagée avec la SNCF avant 2001. Ces préalables terminés, la ville pourra enfin s'épanouir entre les deux rives, dans la continuité de la ville historique.

Le projet urbain proprement dit repose sur des concepts qui confèrent une identité forte à ce territoire et assurent son homogénéité avec le tissu XVIIIe siècle du centre de la presqu'île : accorder une place prépondérante aux espaces publics, jardins et parcs, qui deviennent l'armature urbaine de l'aménagement et occupent près des deux tiers du site ; organiser un maillage qui reprenne la trame originelle de Lyon, et définir des gabarits d'îlot à l'échelle d'un centre-ville (80 m x 80 m). A terme, cinq quartiers seront constitués autour du quartier Sainte-Blandine requalifié (voir p. 39). Un grand équipement public dédié aux sciences, arts et techniques constituera « l'acte fondateur du projet ». Le glacis qui l'enserre est un lieu de mémoire : sa forme en arc-de-cercle épouse l'ancienne gare d'eau.

Trois axes majeurs nord-sud - le quai Perrache, le cours Charlemagne et la rue Serpentine - plantés de grands bouquets d'arbres distribueront l'ensemble . Les rues est-ouest seront caractérisées par les perspectives cadrées sur les Balmes, contreforts calcaires des rives de Saône, et le Rhône. A terme, les 150 ha d'aménagements doubleront le centre de la presqu'île. Aux yeux de Raymond Barre, ce projet de longue haleine (trente ans), permettra à la ville de devenir une métropole européenne à l'image de Milan et Barcelone. Pour y parvenir, ses acteurs souhaitent engager un partenariat fructueux avec l'Etat, les entreprises publiques, le secteur privé et les autres collectivités territoriales.

Le projet, avec l'histoire du site, est exposé jusqu'au 9 janvier à la Mission Lyon-Confluence, 28 rue Casimir Périer, 69 002 Lyon II ; tél : 04.78.38.74.00. Horaires : tlj sauf mardi, 14 h-19 h.

CARTE :

Le projet « lève les verrous » à l'échelle de l'agglomération par un tunnel shunt, reliant le rond-point de Valvert à La Mulatière et à Saint-Fons.

PLAN :

1. LE QUARTIER SAINTE-BLANDINE : quartier d'habitat populaire constitué au XIXe siècle autour du cours Charlemagne, il est réhabilité et requalifié.

2. LE QUARTIER GARE : le quartier des affaires. Sous la gare, tous les services au voyageur sont implantés au rez-de-chaussée, tandis que sont ménagés, sous les voûtes, des passages assurant la liaison entre le nord et le sud de la presqu'île. Le cours de Verdun est réhabilité, devenant l'axe est-ouest majeur. Une place créée au sud de la gare reçoit le terminal du tramway et un parking souterrain de 1000 places. La gare routière s'installe au nord entre la gare ferroviaire et le cours de Verdun.

3. LE QUARTIER SAONE : un quartier résidentiel. Il se développe le long des berges transformées en jardin public. Une bande active (en noir sur la carte) comprenant des équipements publics, scolaires et sportifs enveloppe le nouveau viaduc ferroviaire.

4. LE QUARTIER CHARLEMAGNE-PERIER : le coeur du projet. Il est structuré autour d'un grand équipement dédié aux sciences, arts et techniques de Lyon. Les quais du Rhône redeviennent un boulevard urbain à six rangées de platanes.

5. LE QUARTIER DU PORT : il regroupe hôtels et résidences autour d'un port de plaisance implanté sur les quais de Saône et dans la darse d'entrée de l'ancienne gare d'eau.

6. LE QUARTIER DU PARC : il correspond à l'entrée sud de Lyon. Le parc Val-de-Saône prolonge les jardins sur berges de la Saône et se déploie jusqu'à la pointe de la presqu'île. Les remblais du tunnel sont récupérés pour enterrer les voies SNCF. Ce quartier résidentiel s'achève par une grande tour face à la place de la porte sud, qui sera occupée par une institution européenne majeure.

PHOTO : Le site à aménager dans son état actuel

DESSINS :

1 et 2. Le parc Val-de-Saône occupe la pointe sud de la presqu'île. Les déblais du tunnel shunt sont utilisés pour modeler un nouveau relief qui enfouit la voie ferrée Lyon-Saint-Etienne. Adossée au parc, la place de la porte sud accueillera une institution européenne majeure.

3. Au coeur des îlots sont ménagés des patios arborés et des sentes, à l'image des traboules.

MAQUETTE :

4. La suppression du Centre d'échanges et la restitution des voûtes sous la gare permettent de lier les nouveaux quartiers au centre de la presqu'île.

5. Les promenades majeures du quartier se développent dans le sens nord-sud : le quai Perrache, en balcon sur le Rhône, le cours Charlemagne agrandi dans sa moitié inférieure, la rue Serpentine.

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