La ligne TGV Turin-Lyon, voulue par la France, l'Italie et l'Union européenne, provoque une levée de boucliers dans les Alpes italiennes où ce projet, jugé trop coûteux et peu utile, est perçu comme une menace pour l'environnement.
Depuis plusieurs semaines, des dizaines de milliers d'habitants du Val de Suse (Alpes italiennes) manifestent presque chaque jour pour protester contre cette ligne à grande vitesse, un projet pharaonique dont le coût est estimé à 12,5 milliards d'euros, et qui ne devrait pas voir le jour avant 2020.
Cette semaine, des affrontements entre les forces de l'ordre et les manifestants ont fait plusieurs dizaines de blessés, mais le chef du gouvernement italien Silvio Berlusconi a réaffirmé jeudi que "le TGV est un chantier auquel il est impossible de renoncer".
Samedi, une importante réunion doit se tenir à Rome entre le gouvernement, les présidents de provinces et régions concernées et des maires de petites communes du Val de Suse opposés au projet.
Le TGV mettrait Lyon à moins de deux heures de Turin pour les voyageurs et la liaison s'inscrit plus largement sur un parcours Barcelone/Lyon/Ljubljana, l'un des 30 projets européens de transport déclarés prioritaires par l'Union européenne.
La nouvelle ligne permettrait surtout de renforcer le transport de marchandises sur rail face au transport routier, une évolution réclamée notamment par les partis écologistes français et italien.
"La demande en terme de transport de marchandise devrait doubler dans les vingt-cinq prochaines années, passant de 40 millions de tonnes annuelles à 80 millions de tonnes", soulignait jeudi dans la presse le président de la société des chemins de fer italiens (FS), Elio Catania.
"Aujourd'hui, la route occupe 75% du transport total, il faut inverser ce rapport", ajoutait-il.
"S'il y a vraiment une hausse de la demande, elle pourrait être absorbée en renforçant la ligne ferroviaire déjà existante entre Turin et Modane (Alpes françaises)", répond pour sa part à l'AFP Vanda Bonardo, une des dirigeantes de la plus importante association écologiste italienne, Legambiente.
"Au niveau des passagers, les trains qui relient actuellement Turin à Lyon circulent déjà à moitié vides", ajoute-t-elle.
"Les 70.000 habitants du Val de Suse supportent déjà une autoroute, une ligne ferroviaire (Turin-Modane) et deux routes nationales", souligne Antonio Ferrentino, président de la Communauté des communes de montagne de la basse vallée de Suse.
"La ligne TGV imposera le percement de deux galeries dans la montagne, l'une d'environ 50 km et l'autre d'une dizaine de kilomètres, ainsi que la construction d'un viaduc de 2 à 3 km", poursuit Vanda Bonardo.
"Il faudra détruire de nombreuses habitations et le chantier est parti pour durer vingt ans, avec les conséquences que l'on imagine pour la population et le tourisme", ajoute-t-elle, avant de demander: "que fera-t-on des 16 millions de mètres cubes de roche qu'il faudra extraire?"
La présence éventuelle d'amiante et d'uranium dans les montagnes inquiète également les maires des petites communes et les habitants de la vallée.
"Mais les techniques actuelles de creusement permettent de bien gérer tout type de matériau relevé, y compris l'amiante et l'uranium", a voulu rassurer M. Catania.
Andrea BAMBINO (AFP)