Le PLU est-il encore un instrument de planification adapté aux enjeux contemporains ?

Le plan local d'urbanisme (PLU) est un outil vieux de vingt ans. Il remplace, depuis la loi dite « SRU » du 13 décembre 2000, les plans d'occupations des sols (POS). Le PLU porte l'ambition de mettre en œuvre la ville de demain : plus verte, plus proche des attentes des habitants, plus respectueuse du climat. Cependant l'élaboration d'un PLU est un exercice long et très contraint juridiquement. Dès lors, il peut y avoir un écart important entre les attentes et les impératifs, et le contenu du PLU. Comment, dans ce contexte, le PLU peut-il rester opérant ?

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À la suite de la du 13 décembre 2000, les plans locaux d'urbanisme (PLU) ont progressivement remplacé les plans d'occupation des sols (POS). Malgré sa modernisation depuis 2014 et sa complémentarité avec l'ensemble des autres documents de la planification urbaine, cet outil « vieux » de plus de vingt ans est-il encore adapté et suffisant pour prendre en compte les évolutions contemporaines de la société, en particulier dans les métropoles ?

Au fur et à mesure de leur modernisation et de leur extension à l'échelle intercommunale, les outils de l'urbanisme réglementaire ont porté une ambition de plus en plus étendue, visant à traduire localement une vision de la « ville de demain ».

Impératif de transition écologique, transformation des modes de vie accélérée par la crise sanitaire récente, libéralisation de la production de la ville… La planification réglementaire a-t-elle encore un sens et une efficacité face à la rapidité de ces mutations ? Les temps de la ville et de l'agenda politique ne cessent de s'accélérer : prise de conscience écologique, urgence sociale, évolution des modes de vie et de travail accélérée par la crise sanitaire, digitalisation des modes de consommation… L'élaboration d'un plan local d'urbanisme est quant à elle un exercice long, contraint juridiquement sur le fond et sur la forme. En constater les effets concrets prend davantage de temps encore. Il y a ainsi, souvent, un écart important entre la commande politique, les attentes de la société civile exprimées notamment lors des phases de concertation préalable et ce que peut réellement le PLU. C'est particulièrement vrai dans les territoires urbains denses, dans lesquels l'élaboration des PLU cristallise de nombreux débats de société.

Dans ce contexte, comment un document de planification urbaine aussi important et cadré que le PLU peut-il rester opérant ? Les mutations de la société suscitent des attentes légitimes, au regard desquelles l'outil PLU trouve parfois ses limites. Pour autant, le PLU devrait rester un élément central du dispositif de régulation de la production de la ville.

Les PLU sont des vecteurs incontournables de la stratégie environnementale des collectivités. Ils permettent de lutter contre l'artificialisation des sols, de préserver la biodiversité et les continuités écologiques, de prendre en compte la performance énergétique des constructions, etc.

Le PLU bioclimatique de la Ville de Paris, en cours d'élaboration, porte une ambition forte en matière de sobriété, de réduction des émissions de carbone et d'adaptation au changement climatique. Cette ambition pourrait se traduire à travers un certain nombre de règles telles que le taux de pleine terre ou la création de secteurs de performances environnementales renforcées, par exemple en s'appuyant sur les indicateurs issus de la nouvelle réglementation énergétique RE2020.

Dans les territoires périurbains et ruraux, le plan de zonage du PLU demeure également un outil très adapté aux enjeux de maîtrise de l'extension urbaine et de l'artificialisation.

Un nécessaire besoin de modification du Code de l'urbanisme ?

Mais, dans les territoires densément urbanisés, la capacité d'innovation des PLU trouve parfois ses limites au regard des dispositions actuelles du Code de l'urbanisme.

Une stratégie environnementale plus complète nécessiterait de pouvoir varier davantage l'échelle des prescriptions. Tout d'abord, en allant plus loin dans l'encadrement de la conception des bâtiments eux-mêmes et des systèmes constructifs - recours aux matériaux biosourcés ou géosourcés, double orientation des logements, production et consommation d'énergie… -, à rebours de la tendance à l'allègement du contenu des dossiers de demande d'autorisation, promu par l'État.

De surcroît, ces prescriptions relèvent souvent du Code de la construction et de l'habitation et peuvent difficilement dépasser l'état de recommandations dans le PLU.

Inversement, il faudrait aussi pouvoir dépasser l'échelle de l'unité foncière pour traiter à celle de l'îlot la gestion des eaux pluviales, la production d'énergie renouvelable ou la lutte contre le phénomène d'îlots de chaleur urbains. Or, la parcelle ou l'unité foncière restent la seule échelle d'application du règlement.

Seules les orientations d'aménagement et de programmation (OAP) offrent cette possibilité de changement d'échelle, qui reste cantonnée à des secteurs de projet et non généralisable au « diffus ».

La transformation du bâti existant est enfin un enjeu majeur, car celui-ci représente pour beaucoup de communes l'essentiel du tissu urbain, d'un point de vue quantitatif. Les exigences concernant sa transformation et ses modalités sont encore trop peu intégrées dans les PLU.

Évolutions des modes de vie et de consommation, consécration de la « ville des proximités » et inclusion sociale

En protégeant davantage les espaces de respiration existants, en renforçant les réserves en vue de la réalisation de nouveaux espaces verts, en régulant la densité, entre autres, le PLU a les moyens de traduire une partie des aspirations exprimées par les citadins.

Il est également bien doté en matière d'outils relatifs à la mixité sociale, en complément du programme local de l'habitat (PLH). Les emplacements réservés en faveur du logement et les servitudes de mixité sociale sont à ce titre des leviers efficaces.

Les concertations citoyennes signalent aussi des attentes accrues liées à la qualité intérieure des logements, la générosité des espaces extérieurs, la capacité à télétravailler confortablement depuis son domicile… et expriment des préoccupations transversales plus larges telles que la santé environnementale ou l'alimentation.

Relayées par les élus, ces interpellations peuvent donner lieu à des objectifs inscrits dans le projet d'aménagement et de développement durable (PADD) -, pièce du PLU exprimant les orientations générales de la collectivité.

Certains PLU incluent également des orientations d'aménagement et de programmation (OAP) sur ces thématiques, comme l'OAP Environnement et santé du PLUi de Plaine Commune1 .

Mais, dans ces domaines, le règlement du PLU dispose souvent de moyens de contrôle limités. Ainsi les plans intérieurs des logements n'ont pas à être fournis par les pétitionnaires. Les moyens de contrôle peuvent aussi être circonscrits à certaines parties du territoire (secteurs de taille minimale des logements); ou être indirects, par exemple en jouant sur les normes de stationnement pour influencer les pratiques de mobilité. Par ailleurs, certains enjeux comme l'alimentation durable ou l'autonomie alimentaire peuvent trouver une traduction plus concrète dans les PLU des communes périurbaines ou rurales.

Remise en cause du zonage pour plus de mixité des usages

La remise en cause du zonage traditionnel a conduit à étendre les zones mixtes pouvant accueillir habitat, emploi et équipements, et ce, dans les centralités urbaines, à leurs abords, mais aussi dans les tissus jusque-là monofonctionnels tels que les lotissements, campus ou zones d'activités.

Dans ces zones mixtes, planifier les équilibres géographiques et quantitatifs entre les fonctions urbaines est naturellement plus délicat. Le PLU de Paris en vigueur, avec sa vaste zone urbaine générale, a développé un arsenal de règles visant à protéger les surfaces d'habitat existantes, mais sans effet visible, à ce jour, sur le rééquilibrage habitat-emploi entre l'ouest et l'est de la capitale.

En matière de mixité fonctionnelle, la liste des destinations et sous-destinations prévue par le Code de l'urbanisme limite les types de programmes que le PLU peut soumettre à des règles particulières.

Dans la pratique, cette limite doit souvent être rappelée. Elle rend malaisée la planification à petite échelle de la « ville des proximités » et l'encadrement des services et aménités qu'elle pourrait impliquer. Elle limite aussi la capacité des collectivités à interdire ou à limiter certains types d'activités jugés moins vertueux - ceux-ci étant au demeurant très variables d'une commune à l'autre. Le PLU a également peu de prise sur les modalités d'intégration fine des fonctions économiques en ville, leur cohabitation avec l'habitation, notamment lorsqu'il s'agit d'activités dites « productives ».

L'explosion de la vente en ligne livrée, qui recompose à marche forcée la chaîne logistique urbaine (entrepôts, drives piétons, dark stores et autres dark kitchens) interroge enfin les moyens des PLU. Certes, un cadre juridique se constitue chemin faisant, mais c'est plutôt la rapidité des mutations technologiques et économiques qui frappe dans ce domaine, tant le décalage est grand avec le rythme d'élaboration et de mise en œuvre d'un document d'urbanisme.

Le PLU, pierre angulaire de l'encadrement de l'urbanisme négocié

Si les PLU ne sont que partiellement adaptés aux évolutions sociétales évoquées ci-avant, ils n'en jouent pas moins un rôle majeur dans la définition des relations entre acteurs publics et privés, et dans l'encadrement des projets, qu'ils soient architecturaux ou urbains.

Dans un contexte de raréfaction des ressources financières des collectivités et de libéralisation de la société, de nouveaux modes de « faire la ville » émergent. Nous assistons à des changements considérables et rapides de la pratique de l'urbanisme. Le passage d'un urbanisme régalien à un urbanisme dit « négocié » est une tendance très souvent perçue positivement par la puissance publique, mais avec parfois une vision affaiblie de son rôle et de l'intérêt de la règle.

Le consensus spontané et la convergence des intérêts entre acteurs publics et privés autour du projet sont rares, difficiles à trouver et plus encore à maintenir sur le long terme.

Les moyens financiers du secteur privé vont croissant, à l'inverse de ceux du public. Pour autant, la coproduction public-privé demeure incontournable, comme cela a toujours été le cas dans l'histoire de la production de la ville française.

Dans cette perspective, et à condition de ne pas considérer l'acte de planification réglementaire comme dépassé face à un urbanisme qui serait devenu « agile », le PLU reste sans aucun doute une pierre angulaire de cet urbanisme négocié.

Le PLU fixe alors en grande partie les règles qui présideront à la négociation et à la mise au point du projet. Opposable aux tiers, il décrit ce sur quoi la puissance publique ne négociera pas ! Ainsi, la collectivité doit d'abord définir ce à quoi elle tient et ce qui restera adaptable au contexte.

Le PLU fixe les droits à construire, encadre leur programmation et l'ambition des projets. Il définit donc très largement les grands points d'entrée des bilans financiers des opérateurs privés. Cette dimension est essentielle et est garante de l'intérêt général.

Mais, parfois, en matière d'urbanisme, la vérité n'est pas absolue et unique. Des règles qualitatives ou alternatives permettent utilement de réguler les projets plutôt que de les réglementer strictement. Elles ménagent une part d'interprétation, pour rendre possible des projets ambitieux et adaptés à leur contexte.

Ne nous trompons pas, cette dimension appréciative doit rester mesurée. En la matière, l'exemple du règlement régional d'urbanisme (RRU) de Bruxelles, qui prévoit comme seule règle applicable aux « constructions isolées » de ne pas nuire « au bon aménagement des lieux », laissant notamment une totale liberté aux hauteurs des constructions, peut paraître excessif. La clarté dans l'expression de la règle énoncée par le PLU est toujours gagnante.

Le PLU ne doit pas empêcher

Si le PLU reste l'élément central qui prescrit les dispositions opposables aux projets, il ne peut pas pour autant créer d'obligation de faire. Certes, il peut parfois inciter, par exemple par des bonus de constructibilité pour les projets vertueux, mais surtout il ne doit pas dissuader ni empêcher.

À ce titre, il n'est sans doute pas l'outil miracle qui permettra d'accélérer massivement l'adaptation de la ville au changement climatique, même s'il porte une responsabilité majeure en fixant les niveaux d'exigence à respecter.

Pour être efficace, le PLU doit donc être complémentaire d'autres dispositifs publics d'accompagnement des projets. Les chartes ou référentiels sont mieux adaptés pour produire des guides complets pour la conception des projets, dans un délai plus compatible avec la rapidité des évolutions à l'œuvre.

Malgré tout, le temps de la planification réglementaire reste, à nos yeux, impératif, notamment pour encadrer l'intervention des opérateurs privés. Il nécessite une vision stratégique forte, traduite dans le PLU, en lien avec l'ensemble des autres documents et dispositifs des politiques publiques portées par les villes et les intercommunalités.

L'accompagnement humain des projets une composante déterminante

Au-delà, le processus humain d'accompagnement des projets est déterminant, notamment en phase de pré-instruction des demandes d'autorisations.

Il permet de structurer un processus qui laisse plus de place à la réponse singulière apportée par chaque projet. À ce titre, les rôles des architectes-conseils missionnés par certaines villes ou des bouwmeester belges et néerlandais sont intéressants. Ceux-ci apportent un regard expert, mais extérieur, moins centré sur l'application de la règle que sur le projet, ses qualités et son processus d'élaboration.

Il en va de même pour les dispositifs de labellisation, complémentaires de l'instruction réglementaire, qui permettent de valoriser les projets les plus vertueux et d'élever le niveau des exigences, notamment dans le cadre d'opérations d'aménagement publiques. C'est le cas par exemple du label Bâtiment frugal bordelais. Il semble enfin primordial que les documents d'urbanisme puissent parfois évoluer selon des procédures plus rapides et que les pièces du PLU soient plus compréhensibles et lisibles par les acteurs de la ville, particulièrement les habitants.

L'inévitable sophistication de la règle, pour répondre à la complexité de la ville, ne doit pas être un frein à son intelligibilité. À ce titre, l'utilisation de termes clairs tout comme la formalisation de schémas didactiques sont indispensables.

1 Plaine Commune est un établissement public territorial (EPT) qui regroupe neuf villes au nord de Paris fédérées autour d'un projet commun : Aubervilliers, Épinay-sur-Seine, L'Île-Saint-Denis, La Courneuve, Pierrefitte-sur-Seine, Saint-Denis, Saint-Ouen-sur-Seine, Stains et Villetaneuse.

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