Le musée de la musique Les fondus-enchaînés de Franck Hammoutène

Le Musée de la musique ouvrira ses portes à La Villette le 18 janvier prochain. Deux siècles après sa création en 1795 par la Convention, le « cabinet d'instruments antiques » du Conservatoire trouve enfin un espace à sa mesure dans le sobre déambulatoire que Franck Hammoutène a déployé sur huit niveaux dans l'aile Est de la Cité de la musique. Concevoir un tel lieu relevait de la gageure. Le programme muséographique d'Henri Loyrette - l'actuel directeur du musée d'Orsay - évite aussi bien l'accumulation entomologiste que les fausses mises en situation. Il définit neuf temps forts de l'histoire de la musique occidentale, de l'Orfeo de Monteverdi (Mantoue, 1607) à l'Exposition de Mauricio Kagel, créé à l'Ircam en 1978. Guidé par ce fil conducteur, Franck Hammoutène installe un parcours linéaire et fluide dans les murs construits par Christian de Portzamparc. Sans jamais nier leur volumétrie, il les intègre dans une succession de fondus-enchaînés, trouvant dans les contraintes de conservation les raisons d'une atmosphère intime et sombre, où le ton gris patiné des parois se confond avec le béton brut de la coque de Portzamparc, où la lumière du jour filtre à peine entre de grands volets de bois entrouverts. Encastrées dans l'épaisseur protectrice des parois ou posées toute hauteur à même le sol en béton ciré ou parquet blond, les vitrines s'effacent devant leur contenu. En surpression (tous les éléments techniques sont distribués par le plafond), elles enserrent de grands pans de verre, coulissants pour la maintenance, entre leurs fins montants d'acier. Le système d'accroche des objets est une intelligente extrapolation des techniques de verrières : des pastilles fixées dans les parois de verre supportent une tige filetée recoupable et diverses déclinaisons d'un type de potences. Le tout, en Inox, s'adapte aisément aux diverses configurations des 900 objets ou instruments exposés. Grâce à ce discret meccano, les instruments semblent flotter dans l'espace sans que le visiteur ne perde un détail de leurs bois vernis, marquetteries d'ivoire, clefs d'argent ou de laiton... Casque infra-rouge en tête (le parcours est sonorisé), il peut presque capter leurs vibrations. Egalement traité en acier bruni ou en bois, le « mobilier » du musée - socles des instruments à corde, sièges, supports de bornes interactives...- joue discrètement sa partie dans l'enchaînement des séquences. Si rigoureusement contenu tout au long de ce parcours, le tempérament de l'architecte s'exprime avec d'autant plus de force dans l'escalier d'accès, dont les enroulements surprenants entre les quatre murs de béton brut, font écho au lyrisme formel de la Cité, et mettent d'emblée le visiteur en condition d'attente. Et d'émotion.

FICHE TECHNIQUE

Maîtrise d'ouvrage : Etablissement public du parc de la Villette

Maîtrise d'oeuvre : Franck Hammoutène, architecte (mandataire commun), Anne Bettinger, chef de projet ; Get Ingénierie, fluides, courants faibles et forts,éclairage, détection incendie ; Patrice Buniazet, Alto Ingénierie, éclairagiste conseil ; Tohier SA, économistes ; Lasa, acousticiens ; Visual Design Jean Widmer, signalétique.

Surface : 4 493 m2 HON. Coût : 45 MF HT.

Espace

Dans le bâtiment « plots », qui longe le parc, et le bâtiment « conque » qui surplombe la rue intérieure de la Cité, le musée se développe sur huit niveaux depuis l'escalier-sas jusqu'au niveau mezzanine sous la conque (ci-dessous et ci-contre). Hammoutène tire de cette configuration difficile un espace unitaire subtilement rythmé par l'alternance des densifications et des dilatations de l'espace.

Transparence

Inscrites dans les parois de bois (ci-dessous) ou dressées jusqu'au plafond dont elles tirent leur équipement technique (ci-contre), les vitrines démultiplient l'espace. Le verre anti-reflet des parois latérales rend les objets très proches ; presque invisible, leur système de fixation semble les faire flotter dans l'espace.

Photo : A gauche, la séquence de l'Italie baroque, avec la vitrine évocatrice de Monteverdi, ouvre le parcours du musée. A droite, les instruments à claviers sont simplement posés sur un podium de parquet.

Schéma : Niveau 2 du bâtiment «plots» et rez-de-chaussée du bâtiment conque : parcours linéaire induit par la configuration existante, circulations à l'extrémité ou à l'articulation des bâtiments.

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