À l’instar d’autres villes portuaires, la fermeture en 1988 des chantiers navals dunkerquois produit un séisme économique et social. D’immenses zones bruyantes s’installent dans le lourd silence de l’inactivité. Il fallait, dit l’actuel maire Michel Delebarre, trouver une inspiration, tracer un avenir. Dans les années 1990, avec l’architecte-urbaniste Richard Rogers, le projet Neptune entame la réorganisation de la ville, intégrant au monde terrestre des zones portuaires en friche, bordant les bassins d’activités universitaires, commerciales ou autres.
Du coup, le devenir du centre s’impose comme une nouvelle priorité. La proposition de Joan Busquets, associé au paysagiste Michel Desvigne, prend son ancrage dans l’état actuel et l’histoire enfouie dans ses sous-sols. Il préconise de penser la contemporanéité par la connaissance historique, considérant la tabula rasa de la reconstruction comme un épisode passé de l’histoire urbaine. (Re)conçue à partir du référent urbain qu’est l’automobile, Dunkerque doit s’adapter aux enjeux du XXIe siècle. Jouissant de vastes espaces disponibles en manque d’usages, le centre doit à moyen terme être densifié.
Mais dans un premier temps, la priorité est de redonner une fluidité de circulation à l’échelle de l’agglomération avec la création d’un boulevard urbain. Réalisé par la mise en relation de voiries existantes mais discontinues, de ponts ou de compléments infrastructurels, ce boulevard supprimera le transit du centre, facilitant la mobilité des périurbains. Il devient alors possible de repenser l’occupation de l’espace public au profit des habitants, d’activités culturelles et commerciales (15.000 m2 créés).
Des sites opérationnels identifiés vont servir de démonstration et amorcer cette mutation urbaine. C’est le quartier Salengro, celui du théâtre, 4,5 hectares ; Marine-gare, 5 hectares ; et les 8 hectares du môle 1. Cette stratégie a pour finalité d’achever l’équilibre entre le « vieux » centre et ses récentes extensions (lieux anciennement portuaires), d’ajuster les pratiques urbaines par une politique de la mobilité plus durable, de renforcer l’attractivité commerciale et de donner aux abords des canaux un attrait dont ils sont dépourvus. Dunkerque : une agglomération qui reconquiert son centre démoli deux fois au cours du XXe siècle.

