Faits
La société immobilière Abraham Bloch a obtenu le 10 mai 2019 du maire de Lyon un permis de construire pour la réalisation au 8, rue Abraham-Bloch d'un ensemble immobilier d'une surface de plancher de 23 500 mètres carrés comprenant un immeuble de bureaux, des locaux d'activités comportant des laboratoires alimentaires et un établissement et service d'aide par le travail, une crèche, un restaurant d'entreprise, des espaces de formation et un parking.
La société Genedis, qui est locataire des locaux existants devant être démolis pour faire place au projet, a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 10 mai 2019 par lequel le maire de Lyon a accordé à la société Immobilière Abraham Bloch le permis de construire, ainsi que la décision du 13 septembre 2019 de la même autorité rejetant son recours gracieux.
Par un jugement du 15 juillet 2021, le tribunal administratif de Lyon a fait droit à cette demande.
Par un arrêt du 18 avril 2023, la cour administrative d'appel de Lyon a rejeté l'appel formé par la société immobilière Abraham Bloch contre ce jugement.
La société immobilière Abraham Bloch se pourvoit en cassation contre l'arrêt du 18 avril 2023 de la cour administrative d'appel de Lyon.
Question
Le locataire d'un immeuble destiné à être démoli peut-il demander l'annulation des autorisations d'urbanisme obtenues par le propriétaire ?
Décision
Le Conseil d'État, au visa de l'article L. 600-1-2 du Code de l'urbanisme, rappelle qu'il appartient à tout requérant qui saisit le juge administratif d'un recours pour excès de pouvoir tendant à l'annulation d'un permis de construire, de démolir ou d'aménager, de préciser l'atteinte qu'il invoque pour justifier d'un intérêt lui donnant qualité pour agir, en faisant état de tous éléments suffisamment précis et étayés de nature à établir que cette atteinte est susceptible d'affecter directement les conditions d'occupation, d'utilisation ou de jouissance de son bien.
En retour, il appartient au défendeur, s'il entend contester l'intérêt à agir du requérant, d'apporter tous éléments de nature à établir que les atteintes alléguées sont dépourvues de réalité.
Au cas d'espèce, la cour administrative d'appel avait jugé que la société Genedis justifiait d'un intérêt lui donnant qualité pour agir à l'encontre du permis de construire délivré le 10 mai 2019 dans la mesure où elle peut se prévaloir de sa qualité de locataire, en vertu d'un bail commercial en cours à la date à laquelle la demande du permis de construire litigieux avait été affichée en mairie le 3 octobre 2018, et que le permis autorisant cette démolition avait été délivré le 4 décembre 2018, postérieurement à la date de cet affichage.
Le Conseil d'État juge pourtant que c'est à tort que la Cour a jugé que la qualité de locataire de l'immeuble existant conférait à la société requérante un intérêt suffisant pour demander l'annulation pour excès de pouvoir du permis de construire litigieux, alors que ce permis, par lui-même, n'était pas de nature à affecter directement les conditions d'occupation, d'utilisation ou de jouissance par la société du bien occupé, au sens des dispositions de l'article L. 600-1-2 du Code de l'urbanisme.
Commentaire
Le locataire d'un immeuble ayant vocation à être démoli pour permettre la réalisation de la construction autorisée par le permis de construire qu'elle attaque, ne justifie pas, au sens des dispositions de l'article L. 600-1-2 du Code de l'urbanisme, d'un intérêt lui donnant qualité pour demander l'annulation pour excès de pouvoir de ce permis de construire.
Le Conseil d'État se montre particulièrement protecteur des prérogatives du pétitionnaire, et renvoie implicitement les parties à régler les conséquences de l'opération de démolition - reconstruction dans le cadre de leurs relations contractuelles particulières.