Le génie végétal affûte ses armes anti-affouillement

La prolongation de la chaire industrielle Oxalia illustre une tendance lourde : le génie végétal ne cesse de se renforcer dans l’ingénierie hydraulique. Financeur de l’entité de formation et de recherche depuis sa création en 2021 au sein de l’école d’ingénieurs Grenoble INP, Artelia se donne deux années de plus que prévu, jusqu’en 2027, pour maîtriser les solutions fondées sur la nature appliquées à la prévention des affouillements, dans les méandres des rivières.

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La thèse de Natacha Fructus aboutira à des préconisations de dimensionnement des ouvrages de confortement de berge issus du génie végétal.

Une centaine de méandres de rivières jalonnent la feuille de route de Natacha Fructus, durant ses trois années de thèse sous l’égide de la chaire industrielle Oxalia. Dans la foulée de son stage de fin d’études, elle enrichira la récolte de données issues de 10 cours d’eau situés en région Auvergne Rhône-Alpes et dans trois départements limitrophes (Saône-et-Loire, Jura et Hautes-Alpes). Ses investigations associent des sites entièrement naturels à des ouvrages de génie végétal.

Confortement de berges

Cette première phase précédera l’étude approfondie de deux représentants de cette dernière catégorie situés à moins d’1 h 30 de Grenoble. La métropole alpine sert camp de base à la chaire adossée au laboratoire des écoulements géophysiques et industriels (Legi) et à Grenoble INP – Ense 3, école d’ingénieurs spécialisée dans l’énergie, l’hydraulique et l’environnement.

La chercheuse cadre l’objectif : « Comprendre comment les structures racinaires des plantes, combinées à des techniques de génie végétal (structure en bois mort par exemple) peuvent contribuer au maintien et à la structure de la berge, notamment dans sa partie immergée ». L’étude du lien entre affouillement (érosion provoquée par le courant) et végétalisation conduira Natacha Fructus à proposer « des préconisations pour le dimensionnement d’ouvrages en génie végétal ».

Du génie végétal à l’urbanisme

Le comportement de ces derniers découle de ce que la chercheuse appelle « les événements morphogènes » : des phénomènes naturels comme les crues, ou des interventions humaines comme l’artificialisation des sols, de nature à modifier l’intensité des écoulements hydrauliques. L’élargissement de l’échelle justifie l’objectif d’intéresser les gestionnaires des bassins versants aux résultats de la thèse.

Du point de vue d’Artelia, financeur de la chaire, « les travaux de recherche menés dans le cadre d’Oxalia constituent ce que l’on pourrait qualifier de « volet sciences dures » d’un dispositif global de diffusion des solutions fondées sur la nature dans l’aménagement hydraulique ». Directeur scientifique de la major de l’ingénierie (934 M€ de CA en 2022, environ 9000 salariés), Pierre Carlotti en dévoile l’autre face : « En parallèle, nous travaillons avec les architectes, urbanistes ou paysagistes, qui facilitent la compréhension des enjeux par les habitants et les acteurs de l’aménagement ».

SOS piles de ponts

Comme Natacha Fructus, Artelia souligne l’emboîtement des échelles dans laquelle se développent les recherches sur l’affouillement. Au chapitre des ouvrages, la prévention des ruptures ou défaillances de piles de pont en constitue l’un des enjeux majeurs. Les Etats-Unis ont recensé 500 accidents de ce type entre 1989 et 2000. « Sur ce nombre, 50% sont dus à des causes hydrauliques au premier rang desquels figurent les crues et l'affouillement », développe Pierre Carlotti.

Or, le manque de connaissances freine la prédictibilité de ce dernier phénomène, ce qui induit deux conséquences fâcheuses dans le dimensionnement des ouvrages : « Soit un excès de prudence, soit au contraire une protection insuffisante qui contraint à des recharges récurrentes de sédiments », expose Pierre Carlotti. Le directeur scientifique rappelle au passage les inconvénients des techniques traditionnelles de génie civil : impacts négatifs sur la biodiversité, perturbation du cycle des sédiments.

Des rivières au trait de côte

Des ponts aux bassins versants et jusqu’aux rives des océans, le financeur de la chaire confirme l’intérêt de modéliser les mouvements hydro-sédimentaires à toutes les échelles : « Artelia travaille sur le recul du trait de Côte en Europe, en Afrique et en Asie du Sud-Est », rappelle le directeur scientifique du groupe d’ingénierie.

Loin de l’éloigner de son berceau grenoblois, la vision mondiale y ramène, comme le rappelle le sigle de l’une des deux sociétés qui ont donné naissance à Artelia en 2010 : la société grenobloise d’étude d’aménagement hydraulique (Sogreah). « Nos premiers travaux avec l’école d’ingénieurs de Grenoble remontent avant 1914 », rappelle Pierre Carlotti.

Retour aux sources

D’emblée, ces racines ont plongé dans la pluridisciplinarité le groupe détenu à 100 % par ses salariés : « Derrière l’hydraulique, l’étude de l’affouillement, des crues et des rivières touche à l’aménagement urbain et rural comme à la construction immobilière », remarque le directeur scientifique.

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