Le fumier, le béton et l'électricité

Suite à un rehaussement du tarif d'achat de l'électricité produite à partir de biogaz, les unités de méthanisation devraient se mettre à pousser un peu partout dans nos campagnes, nécessitant la production de millions de m³ de béton.

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Champs dans le Pas-de-Calais

Aujourd'hui, on compte une trentaine d'unités de méthanisation implantées sur le territoire français. Outre-Rhin, le nombre s'élève à 5000. Se nourrissant de déchets, issus de l'activité agricole, industrielle ou de stations d'épuration, ces sites produisent un biogaz transformé en chaleur et en électricité, injectées dans le réseau. Pour impulser leur développement dans l'Hexagone, un décret, publié en mai dernier, a rehaussé le tarif d'achat des électrons produits à partir de biogaz, de 20% par rapport au tarif instauré en 2006 (ce qui donne un nouveau tarif autour de 16c d'euros du KW). L'Ademe estime qu'en 2015, entre 150 et 200 unités seront sorties de terre et que plus d'une centaine seront alors installées chaque année. Un rythme de construction qui ne laisse pas l'industrie du béton de marbre, voyant là un nouveau débouché pour leurs produits.

Pour le directeur marketing du groupe Cemex, premier producteur mondial de béton, le marché agricole est « important » et « évolutif ». Egalement président de la commission développement du Syndicat national du Snpbe, Alain Camus estime que le secteur représente pas loin de 8 % des débouchés de la production nationale. Pour faire couler leur béton dans les exploitations agricoles, les bétonniers profitaient, jusqu' à peu, du programme de maîtrise de la pollution d'origine agricole (PMPOA), aides destinées à aider les éleveurs dans la mise en conformité de leur exploitation, au regard de la gestion des effluents. Aujourd'hui, c'est le tourisme rural, le développement de l'éolien et  l'émergence de la méthanisation qui leur offrent de nouveaux débouchés. Signe de l'importance donnée par les fabricants de béton au  milieu agricole, le Syndicat national du béton prêt à l'emploi (Snpbe) organise chaque année le concours du « béton en milieu rural » dont les prix sont remis, non pas à Batimat, mais au « Sommet de l'élevage » de Clermont-Ferrand.  En 2O10, c'est une unité de méthanisation située à Renay dans le Loir-et-Cher qui l'a emporté. Elle a nécessité 500 m³ de béton dont une bonne partie, comme c'est souvent le cas en milieu rural, a été coulée par les agriculteurs eux-mêmes. "Les silos de stockage des matières solides c'est nous" dit Odile Deshayes, associée avec son mari éleveur à ce projet. "Par contre le digesteur (lieu de production du biogaz dont le toit doit être sphérique et recouvert à l'intérieur d'époxy), ça nous dépasse" dit-elle.

Pour Paul Mouzay, qui a eu en charge l'installation de Renay, étant donné l'étanchéité nécessaire pour contenir le gaz, "il est difficile d'envisager utiliser un autre matériau que le béton pour ce type d'installation".  Gérant de la société Agrikomp, spécialisée dans l'implantation de centrales de production de biogaz en milieu agricole, il considère que le marché français est « gigantesque ». Il travaille actuellement en Ardèche avec 30 agriculteurs autour d'un projet d'une puissance de 600 kW, nécessitant pour sa réalisation plus de 1000 m³ de béton.

"Ecologie industrielle" à la ferme

A Renay, ces sont 5 exploitations agricoles, bovines et céréalières, qui se sont regroupées pour faire de leurs déchets une ressource énergétique et faire mentir l'idée commune qui veut, "à tort ou à raison", dit Odile Deshayes, que les "agriculteurs soient des pollueurs". Exemple de ce que l'on pourrait nommer « écologie industrielle », le biogaz produit est brulé dans une centrale à cogénération, de manière à produire des kWh, injectés dans le réseau, mais également à fournir les calories nécessaires au séchage des granulés d'une entreprise de fabrication installée sur le site. Tout comme pour une installation photovoltaïque, ils ont dû demander un raccordement au réseau. Une demande qui leur a semblé « un peu longue » à être prise en compte. Le raccordement n'a été fait que 3 mois après que l'unité soit opérationnelle. Sans bénéficier du nouveau tarif d'achat, les associés espèrent, avec les aides locales, avoir un retour sur investissement inférieur à 10 ans.

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