Evénement

Le difficile équilibre villes et campagne

- Le Comité interministériel d'aménagement et de développement du territoire, qui devait se tenir le 10 avril à Auch (Gers), avait pour objectifs de « réconcilier » le monde des villes et celui des campagnes, de définir les grandes lignes d'un schéma national esquissant la France des deux prochaines décennies et de trouver des pistes pour une revitalisation du monde rural.

Il est probable que la bonne vingtaine de ministres qui devaient accompagner Alain Juppé à Auch (Gers) pour participer, le jeudi 10 avril, au Comité interministériel d'aménagement et de développement du territoire n'ont guère eu le temps de se promener dans les rues tortueuses -appelées « pousterles »- de la capitale du premier département agricole et rural de l'Hexagone. Ni peut-être d'apprécier certaines spécialités gastronomiques locales...

A l'instar, en effet, de ce qui s'était passé lors des deux précédents CIAT (Mende, Lozère, en juillet 1993 ; Troyes, Aube, en septembre 1994), le « menu » de ce Comité interministériel était particulièrement copieux : pas moins de vingt-cinq dossiers aussi divers que l'avant-projet de schéma national, la relance des délocalisations d'organismes ou de services publics, le lancement d'une nouvelle DTA (directive territoriale d'aménagement), la promotion internationale des villes qui accueilleront des matches du prochain « Mondial » de football, la réforme des fonds structurels européens...

Malgré la mise en place de plusieurs fonds de péréquation (voir encadré p. 16), l'adoption de textes législatifs et réglementaires, la « sortie » de nombreux décrets et circulaires, force est de constater que la loi d'orientation promulguée le 4 février 1995 n'a pas (encore) bouleversé le paysage administratif, politique, économique et social français.

Le schéma national revu à la baisse

Ce texte, plus connu comme « loi Pasqua », prévoyait notamment (article 2) l'élaboration d'un schéma national - réexaminé tous les cinq ans - « dans un délai d'un an après publication de la loi ». Véritable clé de voûte de l'ensemble de cet édifice, le schéma national ou plutôt sa rédaction a pris près de deux ans de retard. A Auch, la patrie de d'Artagnan, Alain Juppé et le gouvernement presque au grand complet, devaient entériner l'avant-projet de schéma national qui, d'ici à l'automne, va être « épluché » par les collectivités territoriales, le Conseil économique et social, etc. (voir encadré p. 15).

Cet avant-projet a été sensiblement modifié par rapport à une première mouture concoctée par la Datar et l'équipe de Jean-Claude Gaudin, le ministre en charge de l'aménagement du territoire, de la ville et de l'intégration (voir « Le Moniteur » du 7 février 1997, page 30). « Le nouveau texte est beaucoup plus "soft", affirme un conseiller technique du Premier ministre. Il prône la concertation et tourne le dos à des dispositions normatives ». En clair, cela veut dire que le gouvernement, pour des raisons politiques et électorales, hésite à bouleverser l'organisation du territoire.

Le nouvel avant-projet de schéma national rappelle pourtant que « dynamisation de l'espace rural pour retrouver un équilibre entre ville et campagne, aménagement de la ville afin de redonner à celle-ci sa fonction d'accueil et d'intégration, équilibre du développement de la métropole capitale avec celui des grandes villes de province, renforcement des solidarités financières, sont indispensables au maintien de la cohésion nationale ».

Priorité aux « pays » et aux agglomérations

Dans l'avant-projet, les notions de « pays » et d'« agglomération » sont mises en avant. Les auteurs de ce texte comptant plus d'une cinquantaine de pages affirment notamment qu'« à l'échelon local, l'expérience montre que les unités administratives françaises ne sont pas toujours adaptées à la mobilisation nécessaire à un développement local efficace ». Le maillage du territoire par les pays, lieux de développement solidaires, va donc être poursuivi, sur la base du volontariat. Ce dernier mot est important dans la mesure où certains élus ne cachent pas leur réticence devant la montée en puissance des « pays » un peu partout à travers l'Hexagone. En effet, aujourd'hui, plus de deux cents « pays » seraient en cours de constitution. Michel Kotas, qui suit ce dossier à la Datar, va d'ailleurs rendre public très prochainement un bilan de la quarantaine de « pays » ayant servi de tests depuis deux ans.

Les contrats de « pays » pourront figurer en annexe des prochains contrats de Plan Etat-régions. L'équipe de Jean-Claude Gaudin, pour rassurer les élus les plus réticents, insiste sur le fait que le « pays n'aboutit nullement à remettre en question le cadre institutionnel existant ni à créer un échelon d'administration supplémentaire ».

Réforme fiscale pour les communautés urbaines

Par contre, en ce qui concerne l'organisation future des agglomérations, le gouvernement Juppé semble sensiblement plus directif. Constatant en effet que les problématiques urbaines ne peuvent plus être appréhendées au seul échelon communal et que la communauté urbaine constitue probablement l'outil juridique le plus approprié, l'avant-projet de schéma national, qui va être soumis aux élus, stipule notamment : « l'Etat favorisera la mise en place de communautés urbaines dans les grandes agglomérations qui n'en sont pas encore dotées ; dans un délai de cinq ans à compter de l'approbation du schéma national, toutes les agglomérations de plus de 200 000 habitants seront constituées en communauté urbaine, conformément aux dispositions du Code général des collectivités territoriales ».

Autres précisions : les communautés urbaines pourront percevoir la taxe professionnelle simultanément avec le produit fiscal des impôts ménages ; des dispositions spécifiques pour la région Ile-de-France vont être définies, en concertation avec les collectivités territoriales franciliennes ; des établissements publics fonciers vont voir le jour dans les aires urbaines de plus de 500 000 habitants.

Cette nouvelle organisation des aires métropolitaines devrait générer deux réformes fiscales importantes :

l'instauration d'une taxe professionnelle unique d'agglomération levée par une instance d'agglomération ;

le renforcement des mécanismes de péréquation par l'élargissement du champ de la cotisation nationale de péréquation.

Les grands axes du schéma infrastructures

A Auch, devaient également être abordés les schémas sectoriels (éducation, enseignement supérieur et recherche ; télécommunications ; santé ; culture ; infrastructures de transport) qui doivent planifier les investissements de l'Etat dans les grands équipements publics. Mise en réseau et nouvelles techniques de communication sont les maîtres-mots des auteurs de ce volet « sectoriel ».

Il va sans dire que la partie « infrastructures de transport » est la plus importante pour le secteur du BTP. Elle prévoit notamment en effet :

la mise en place dans chaque région d'un schéma régional des plates-formes logistiques ;

la réalisation d'un schéma directeur des terminaux de transport combiné ;

le développement de l'axe (routier) Atlantique et de l'axe Rhin-Rhône;

le démarrage de l'axe sud-européen Italie-Espagne (reliant la Catalogne, le Sud de la France, le Piemont et la Lombardie) ;

la création des axes Ouest-Est permettant de relier rapidement la façade Manche-Atlantique aux grands axes européens ;

le renforcement de la compétitivité des ports à vocation internationale : Le Havre et Marseille ;

le développement de l'aéroport international de Lyon-Satolas.

Le monde rural attend son plan de relance

Le CIADT d'Auch devait être celui du monde rural. De ce point de vue, beaucoup d'observateurs ont dû rester sur leur faim puisque le « plan de relance du monde rural » est bloqué par la future Loi d'orientation agricole, chère à Philippe Vasseur, le ministre de l'Agriculture. Ce n'est pas l'annonce, l'automne prochain, d'un nouveau plan « Massif Central » qui devrait permettre de parler d'une volonté gouvernementale de lutter contre la désertification du monde rural. Le maintien de services publics en rase campagne est une bonne chose. Mais à lui seul, il se permet pas à ces territoires défavorisés de sauver l'essentiel.

Force est d'ailleurs de reconnaître que les élus des territoires ruraux ne se font plus beaucoup d'illusions sur l'impact des « grandes messes » type Mende, Troyes et Auch. « Vous savez, pour nous, ce qui compte, c'est que le Fonds national d'aménagement du territoire soit bien doté, ce qui ne semble pas le cas actuellement », n'hésite pas à déclarer le Sénateur Rémi Herment, président du Conseil général de la Meuse. Un département rural (voir page précédente) qui s'efforce donc de préparer 2015 en mobilisant l'ensemble des forces vives meusiennes. Et qui, de ce point de vue, constitue un bon exemple pour les autres collectivités territoriales françaises.

PHOTO : Centre de loisirs le plus important de Lorraine, le lac de Madine (photo) permet d'alimenter en eau l'agglomération messine.

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