Dans les cartographies des risques, beaucoup d'acteurs avaient sous-estimé celui d'une pandémie. Si, après un court arrêt des chantiers durant le premier confinement, le secteur du BTP a rapidement repris son activité, la crise sanitaire a laissé des traces en matière d'assurances, et notamment concernant le contrat tous risques chantier (TRC).
Des garanties prolongées. Cette police, qui couvre l'ensemble des dégâts matériels que pourrait subir le chantier (incendie, effondrement, tempête, vols, etc. ), protège le maître d'ouvrage, mais aussi les entreprises intervenant sur le terrain. « Lors du premier confinement, les assureurs construction ont maintenu sans surprime les garanties pendant soixante jours supplémentaires pour tous les arrêts de chantier liés à l'épidémie », rappelle Anne-Lise Gillet, responsable assurance construction à la Fédération française de l'assurance. « Ils se sont serré les coudes en proposant tous cette solution », salue Sarah Romeo, responsable innovation construction chez le courtier Marsh, soulignant néanmoins que « lorsque la population est confinée, le risque est faible ». Du côté des bénéficiaires de la garantie, on salue le geste. Pour Bérengère Joly, directrice juridique à la Fédération des promoteurs immobiliers, « cette crise aura eu le mérite de mettre en lumière l'importance des modalités juridiques et financières de la prorogation des polices TRC, imposant ainsi aux assurés d'être plus attentifs aux clauses stipulées ».
« Il n'est pas exclu qu'on puisse prochainement créer un contrat pour les pertes sans dommage. » Sarah Romeo, responsable innovation construction chez le courtier Marsh
De nouvelles clauses d'exclusion. Un pas en avant, deux en arrière… Depuis, de nombreux contrats d'assurance-construction, principalement des polices TRC, se sont dotés de clauses d'exclusion « Covid ». Il s'agit d'écarter les dommages indirects liés à l'épidémie, comme le confirme Grégory Kron, directeur général adjoint de SMABTP : « Les assureurs ont réactualisé les contrats ambigus pour clarifier le fait que le risque pandémique n'est pas couvert. » Mais attention, « les clauses d'exclusion doivent être formelles et limitées » aux termes du Code des assurances, pointe Bérengère Joly. Cette règle d'ordre public est régulièrement rappelée par la Cour de cassation. Et Sarah Romeo d'alerter : « Certains assureurs vont jusqu'à écarter leur garantie pour “ toute maladie contagieuse ” alors qu'une telle mention ne remplit pas les conditions légales. » Aussi, pour Souaade Chentr Louafi, directrice des assurances à Nexity, il faut « être vigilant quant à la rédaction de la clause qui peut aboutir à une exclusion de garantie et à des surcoûts financiers pour une entreprise. Chaque mot a son importance ».
Quid des pertes d'exploitation ? Par ailleurs, la question du jeu, ou non, des garanties pertes d'exploitation pour faire face aux conséquences du Covid a occupé le devant de la scène en 2020… mais davantage dans le secteur de la restauration que dans celui du BTP. Peu d'acteurs de la construction disposent en effet d'une telle police, car, sauf exception, seules les pertes résultant de dommages matériels aux locaux des entreprises sont couvertes. « Tels qu'ils sont construits aujourd'hui, ces produits d'assurance ne concernent pas directement la majorité de nos entreprises, dont l'activité se concentre avant tout sur le chantier », explique la FFB. Toutefois, selon Sarah Romeo, « il n'est pas exclu qu'on puisse prochainement créer un contrat pour les pertes sans dommage. Les assureurs doivent y réfléchir. Reste à savoir si les assurés sont prêts à payer les primes associées ». Grégory Kron se montre plus sceptique, considérant que « ce risque ne serait pas supportable et assurable pour les assureurs privés seuls ».
« Créer une réserve sous forme de capital ». Une autre voie se dessine. « Un système d'auto-assurance serait plus adapté à nos professions », juge la FFB. Concrètement, « l'idée est de constituer, via une provision réglementée en franchise d'impôt, une réserve sous forme de capital. Elle pourrait être débloquée en cas de survenance d'événements ponctuels, que ce soit pour couvrir les pertes d'exploitation ou pour supporter les surcoûts permettant, par exemple, la prise en charge d'équipements de protection individuels, de frais de location ou d'achat de biens rendus nécessaires par l'épidémie ». La commission assurance de la fédération planche sur cette piste. A voir si les professionnels voudront s'en emparer…