Le contrat de performance environnementale

L'avenir du contrat de performance énergétique (CPE) s'élargit vers de nouveaux horizons d'ambition carbone et environnementale. Les facteurs de succès sont dans les mains des différents acteurs et, en premier rang, des maîtres d'ouvrage et de leurs assistants, en vue de définir des contrats porteurs du bon compromis entre performance, innovation, maîtrise budgétaire, équilibre des risques contractuels et réalité opérationnelle des projets.

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1. Pourquoi passer du contrat de performance énergétique au contrat de performance environnementale ?

Le dérèglement climatique impose de réduire fortement les consommations d'énergie et les émissions de gaz à effet de serre (GES) du parc immobilier (premier consommateur d'énergie et deuxième émetteur de carbone). Au sommet de l'ambition se trouve la programmation nationale produite par l'État ; à la base de la pyramide, les actes contractuels des opérateurs. L'un des outils développés à cet effet depuis une dizaine d'années, le contrat de performance énergétique (CPE), a désormais fait la preuve de son efficacité et de son adaptabilité aux spécificités de chaque projet de rénovation. Son mécanisme de garantie, en raison de sa force, a même été adapté aux constructions neuves.

Le CPE permet en effet au maître d'ouvrage de choisir son bouquet d'actions d'amélioration de la performance énergétique (travaux, fournitures et services), en tenant compte de son horizon de détention du bien, en évaluant la continuité ou la discontinuité des usages conduits dans le bâtiment, en protégeant la place de l'utilisateur, s'il ne l'est pas lui-même, et, enfin, en décidant du périmètre géographique de son projet (un bâtiment ou un parc de bâtiments).

La mécanique contractuelle du CPE, imaginée, développée et éprouvée en matière de réduction des consommations énergétiques, se trouve aujourd'hui à un stade de maturité tel qu'il est raisonnable d'envisager son extension, sous réserve de quelques adaptations techniques, à d'autres champs de performance environnementale.

2. Quels volets environnementaux peuvent être intégrés ?

L'extension à des champs nouveaux nécessite de définir des objectifs mesurables dans le temps, permettant d'établir une obligation contractuelle, de moyen ou de résultat selon le cas. Plusieurs enjeux, fondateurs pour contribuer à la neutralité carbone visée par la France à 2050 ou à la résilience des territoires et des populations au changement climatique, peuvent être retenus.

Le premier, l'empreinte environnementale, mesure les émissions de gaz à effet de serre directes (liées aux consommations énergétiques) et indirectes (liées aux matériaux mis en œuvre dans le cadre des travaux), ainsi que les consommations d'eau et la production de déchets.

Il peut également s'agir de la préservation de la biodiversité, de la qualité de l'air intérieur, enjeu de santé publique, notamment dans les établissements scolaires, avec une mesure du taux de CO2, ou les émissions de composés organiques volatiles (COV).

Ensuite, l'adaptation au changement climatique peut être pilotée en particulier par le monitoring des températures intérieures pour mesurer le confort estival. Enfin, le confort des occupants, au-delà des niveaux classiques de température intérieure en période hivernale, est qualifié par des niveaux d'éclairement et des niveaux de bruit.

3. Quelle est la mécanique contractuelle envisageable ?

Les porteurs de projet demeurent libres du choix et de la définition de la mécanique contractuelle, selon que l'obligation de résultat est de moyen ou de résultat. Il n'existe pas de modèle contractuel rigide, réglementé par des textes d'ordre public, de sorte qu'une adaptation fine aux enjeux de chacun des projets est possible.

Il reste que la transposition au contrat de performance environnementale des mécanismes contractuels en usage dédiés à la performance énergétique peut aisément être envisagée. Dans cette perspective, un tel contrat s'articule autour de cinq clauses structurantes : une clause d'objet relative à l'efficacité environnementale, un ou plusieurs objectifs d'amélioration de la performance environnementale assortis de leurs causes d'ajustement éventuelles ainsi que, le cas échéant des causes légitimes ou exonératoires, un protocole de mesure et de vérification des performances recherchées ainsi qu'une ou plusieurs clauses de garantie.

Une attention particulière doit être accordée aux objectifs d'amélioration de la performance environnementale qui expriment les engagements contractuels souscrits par le titulaire du contrat et qui formalisent son obligation de résultat. Il s'agit pour le titulaire de garantir des performances réelles, mesurées, vérifiées et sanctionnées dans la durée. Les sanctions peuvent suivre une logique indemnitaire (comme en matière d'énergie) ou, lorsque la fixation d'une indemnité ne paraît pas adaptée à l'objectif, une logique plus traditionnelle de pénalisation, c'est-à-dire une forfaitisation contractuelle de la réparation due au maître d'ouvrage.

4. Des engagements environnementaux sont-ils envisageables ?

Les garanties environnementales envisageables sont variées.

La performance environnementale du ou des bâtiments objets du contrat est certes d'abord liée à la question de l'énergie. Le titulaire du contrat peut par exemple soit s'engager à produire de l'énergie à partir de sources renouvelables ou de récupération - photovoltaïque, biomasse, géothermie, déchets, etc. -, soit s'engager à réduire les émissions de GES en phase d'exploitation.

La réduction des émissions de gaz à effet de serre est intrinsèquement liée tant à la réduction des consommations d'énergie qu'aux sources d'énergie.

Les garanties environnementales peuvent dépasser la seule performance énergétique et ses conséquences, et revêtir des aspects très différents pour concerner d'autres aspects de la vie et des performances du bâtiment (qualité de l'air intérieur, gestion et consommation de l'eau, réduction du volume et amélioration du traitement des déchets, luminosité, disponibilité des locaux… ). Elles peuvent également être pragmatiquement modulées en tenant compte des outils disponibles pour mesurer le préjudice causé et, en conséquence, de l'indemnisation nécessaire.

Le contrat de performance environnementale peut s'inspirer des nombreux labels et certifications écologiques (de type HQE, BREEAM et LEED) que le secteur de l'immobilier pratique de longue date. La logique contractuelle des garanties environnementales excède toutefois la logique de certification ou de labellisation, qui précise la performance du bâtiment à sa livraison sans garantie au long de l'exploitation de celui-ci, pour privilégier l'inscription de la performance environnementale réelle et vérifiée du bâtiment dans la durée.

5. Comment mesurer les performances environnementales ?

Les indicateurs de performance environnementale doivent, pour être mesurables, traduire soit des volumes de consommation ou d'émission (énergie, eau, carbone…), soit des paramètres physiques (taux de CO2 dans l'air, température intérieure, quantité de matériaux biosourcés…).

Des modalités de mesures spécifiques sont alors définies pour chaque indicateur de performance contractuelle retenu. À titre d'exemple, un indicateur de performance possible pour mesurer la qualité d'air intérieur est le nombre d'heures pendant lequel une concentration en CO2 maximale est dépassée : la dérive est ainsi constatée si la concentration en CO2 dépasse les 800 ppm ou 1 000 ppm pendant plus de 3 % du temps d'occupation annuel.

Pour les indicateurs de performance portant sur des volumes de consommation ou d'émission, le recours à un plan de mesure et vérification (PMV) établi conformément à la norme et au référentiel IPMVP est parfaitement adapté, avec les mêmes logiques et dispositions contractuelles que dans le cadre d'un contrat de performance énergétique.

Pour les indicateurs de performance portant sur des paramètres physiques, des méthodes spécifiques peuvent encore demeurer à construire, soit en s'inspirant de protocoles existants (indice Q4 pour l'étanchéité à l'air, indice de confinement Icone pour la qualité de l'air intérieur par exemple), soit en élaborant des méthodes nouvelles adaptées aux spécificités du projet et à l'indicateur retenu.

Le point fondamental est que la maîtrise d'ouvrage valide ces méthodes de mesures pour les maîtriser dans le temps.

6. Quelles ambitions intégrer dans le contrat de performance environnementale ?

L'élargissement du CPE à d'autres domaines que la performance énergétique doit prendre en compte la maturité des acteurs (maîtres d'ouvrage, assistants à maître d'ouvrage, maîtres d'œuvre et opérateurs, entreprises, exploitants) sur ces différents sujets afin d'assurer des transferts de risques maîtrisés contractuellement, techniquement et économiquement.

Un autre enjeu étant de veiller à conserver un niveau de complexité contractuelle raisonnable pour assurer l'applicabilité fluide du contrat de performance environnementale, cette pluralité d'engagements est à élaborer de manière raisonnée que ce soit en termes de nombre d'indicateurs de performance ou de mécanismes contractuels associés. Plus le projet est ambitieux et plus le véhicule contractuel sera étendu et donc complexe.

Une approche de type « analyse systémique » est souvent à préférer afin d'identifier les indicateurs de performance les plus pertinents en prenant en compte notamment les enjeux environnementaux généraux, les enjeux et moyens du maître d'ouvrage, le contexte et les ambitions du projet.

7. Quelle place particulière pour le carbone ?

Les CPE portent en eux-mêmes les germes de la diminution des émissions de carbone du fait de leur réduction mécanique par la réduction des consommations énergétiques ou par le passage à une énergie décarbonée, si bien qu'ils contribuent assez systématiquement à décarboner l'empreinte du bâtiment rénové.

Mais il est possible d'aller plus loin et de faire de l'ambition carbone une dimension forte d'un contrat de performance environnementale, parfaitement en phase avec les évolutions réglementaires déjà connues et à venir.

Les CPE à jour des bonnes pratiques de marché ont déjà embarqué la mesure des émissions de carbone du bâtiment en phase d'exploitation dans leur appareillage. Pour les porteurs de projet plus avancés, il est également possible d'intégrer de surcroît une ambition carbone fondée sur le cycle de vie du bâtiment.

À l'issue de chaque période de mesure, la clause carbone du CPE fixera les conséquences de l'atteinte ou de la non-atteinte des objectifs contractuels. Au stade actuel de développement de cette clause, une démarche de mesure, de suivi et d'explication des écarts marque un progrès à la fois pragmatique et précurseur. À terme, il sera possible de prévoir une garantie de résultat assortie d'une indemnisation, sur le modèle de la garantie de performance énergétique.

8. Comment organiser la démarche ?

Étendre le CPE à d'autres champs que l'énergie est donc à la fois possible et souhaitable. Pour autant, un tel élargissement suppose de concevoir et de mettre en place une démarche pragmatique, réaliste et acceptable. L'idée est en effet de ne pas aller trop vite et de ne pas décourager les bonnes volontés de ceux qui sont prêts à tester la faisabilité technique, opérationnelle et contractuelle de nouveaux dispositifs.

S'agissant du cas particulier du carbone, la démarche pourrait intégrer trois mécanismes relatifs d'une part au périmètre temporel de l'ambition, d'autre part, aux obligations de réduction des émissions, et, enfin, aux effets des actions conduites.

Pour ce qui relève du périmètre contractuel, il est clairement souhaitable de traiter dès aujourd'hui le carbone émis en exploitation, après le chantier de rénovation. C'est même le minimum ! Mais il est possible d'aller d'ores et déjà un peu plus loin en intégrant aussi le carbone du chantier et des matériaux de rénovation eux-mêmes. Il est imaginable de progresser encore en anticipant le carbone de la déconstruction des éléments de la rénovation, voire du bâtiment rénové lui-même. Le stade ultime, à le supposer atteignable, sera d'intégrer, s'il est possible à déterminer, le carbone de la construction passée.

Pour ce qui est de la mécanique contractuelle, il est possible de prévoir des obligations prévisionnelles du carbone à émettre, des mesures du carbone réellement émis en tenant en compte des facteurs exogènes sur lesquels l'opérateur n'a ni prise ni responsabilité à assumer - l'intensité d'usage du bâtiment ou le climat par exemple -, de l'explication des écarts entre les prévisions et le réalisé, et de l'identification des correctifs à apporter pour revenir à l'objectif initial. Pour ce qui est du traitement contractuel des conséquences, il est probablement prudent de ne pas faire peser dès aujourd'hui une obligation de résultat sur l'opérateur mais de commencer par une obligation de moyen.

9. Le contrat de performance environnementale est-il adapté à tous les acteurs ?

Tous les acteurs sont concernés, directement ou non, par les thématiques environnementales pouvant être embarquées dans le contrat de performance environnementale : l'empreinte environnementale, la qualité de l'air intérieur, l'adaptation au changement climatique, la qualité d'usage.

Tous les acteurs peuvent utiliser cet outil, avec un accompagnement spécifique, pour mener à bien leurs projets de rénovation ou de construction avec une vision environnementale globale.

Bien évidemment, ce contrat de performance environnementale, comme le contrat de performance énergétique, est un outil destiné à s'adapter à la maturité, aux besoins, aux moyens et aux ambitions du maître d'ouvrage. Ces contrats plus complexes ne doivent pas être considérés comme des freins dans la mise en œuvre des projets mais comme une solution offrant beaucoup de liberté pour assurer des niveaux de performance ambitieux.

10. Y a-t-il des premières expériences ?

Le contrat de performance environnementale a pu être expérimenté dans le cadre de plusieurs projets de rénovation de collèges, de lycées, d'écoles, ou logements sociaux.

L'un de ces projets porte sur la réhabilitation globale d'un collège avec des travaux fonctionnels (accessibilité, adaptation aux nouveaux usages, rénovation des logements de fonction) et techniques/énergétiques (rénovation enveloppe et système avec désamiantage).

Ces travaux sont associés à un ensemble d'engagements de performance :

- économie d'énergie de 40 % kWhEP par rapport à la situation de référence ;

- amélioration de l'étanchéité à l'air avec l'indice Q4 mesuré à différentes phases d'avancement des travaux ;

- amélioration de la qualité de l'air intérieur avec concentration CO2 < 1 000 ppm ; - indice de confinement Icone < 4 ;

- amélioration du confort thermique estival avec une température intérieure maximale de 28 °C sans recours à la climatisation hors période de canicule. En période de canicule, la température maximale acceptée est la température extérieure minorée de 5 °C ;

- amélioration du confort acoustique, par des niveaux visés de réverbération et de bruit résiduel ;

- amélioration du confort visuel avec des exigences en termes de niveaux d'éclairement.

Ces engagements sont associés soit à une obligation de résultat avec réparation du maître d'ouvrage à hauteur du préjudice en cas de dérive, notamment pour l'engagement de performance énergétique, soit à une obligation de résultat avec pénalité en cas de non-respect, notamment pour les engagements portant sur l'étanchéité à l'air, la qualité d'air intérieur et le confort acoustique, soit à une obligation de moyens, notamment pour le confort thermique estival et le confort visuel.

Ces mécanismes contractuels ont permis au maître d'ouvrage d'exprimer clairement ses exigences performancielles et aux candidats d'apporter des solutions techniques adaptées associées à des risques économiques maîtrisés.

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