Deux conditions : un bilan coûts-avantages positif et l’atteinte d’un seuil minimal. C’est aujourd’hui ce que doivent réunir les maîtres d’ouvrage publics pour recourir à un marché de partenariat. Cette nouveauté, issue de la dernière réforme de la commande publique, est une réponse à l’insécurité juridique qui pouvait exister. L’appréciation par le juge de la condition de complexité, notamment, était incertaine, comme l’illustre une récente décision de la cour administrative d’appel de Versailles.
Dans cette affaire, pour assurer la conception, la construction et la maintenance de soixante-trois centres d’entretien et d’intervention (CEI) à destination des routes nationales, le ministère de l’Ecologie a eu recours à un contrat de partenariat, signé pour une durée de trente ans avec une entreprise privée. Le tribunal administratif de Paris, saisi par le Conseil national de l’ordre des architectes (Cnoa), dont l’intérêt à agir résulte de l’article 26 de la loi du 3 janvier 1977, a enjoint en 2014 le ministère de résilier ce contrat. Il estimait notamment que les conditions de recours à un tel contrat n’étaient pas satisfaites. Le ministère a fait appel de la décision devant la CAA de Versailles.
Au moment de la publication de l’avis d’appel à la concurrence (le 25 juillet 2008), seules deux conditions étaient possibles pour recourir aux contrats de partenariat : la complexité du projet ou l’urgence. Ce n’est que quelques jours plus tard, par la loi du 28 juillet 2008 relative au contrat de partenariat, que celle du « bilan favorable » est devenue envisageable.
Pour justifier le recours à ce montage, le ministère s’est contenté d’invoquer devant le tribunal la condition de complexité du projet, laissant de côté l’urgence. A tort assurément, puisque la juridiction d’appel considère que « le ministre ne démontre pas que l'Etat aurait été, compte tenu de la complexité intrinsèque du projet qu'il allègue, dans l'impossibilité de définir, seul et à l'avance, les moyens ou solutions techniques permettant de répondre à ses besoins ou d'établir le montage financier ou juridique du projet en cause. »
Plus précisément, les juges affirment entre autres que « ni les objectifs que l'Etat a entendu retenir pour le projet en termes de performance énergétique, notamment par une certification ou labellisation "Haute qualité environnementale" ou "Bâtiment basse consommation 2005" des bâtiments en cause, ni son souhait de privilégier, pour ce projet, une approche en coût global ne sauraient constituer ou révéler une complexité telle que l'Etat aurait été dans l'impossibilité de définir, seul et à l'avance, les spécifications techniques appropriées ou les solutions les mieux adaptées pour le projet en cause ou son montage financier ou juridique. »
La juridiction d’appel valide ainsi le raisonnement du tribunal administratif en estimant que la condition de complexité n’était pas remplie. Le ministère ne pouvait pas avoir recours au contrat de partenariat sur ce motif.
Dans un second temps, les juges analysent l’impact qu’aurait une résiliation du contrat pour la personne publique. Car, même si l’illégalité est avérée, elle n’est pas forcément synonyme de résiliation. Qui plus est si elle porte une atteinte excessive à l’intérêt général.
C’est d’ailleurs ce que vont conclure les juges, estimant que le maître d’ouvrage aurait pu invoquer la condition d’urgence « de combler [un] déficit d’équipements collectifs particulièrement grave, affectant l’exercice de la mission de service public routier préjudiciable à l’intérêt général tenant à la sécurité routière », afin de recourir au contrat de partenariat. Par ailleurs, même si dans ce cas il n’était pas possible de le prendre en compte, les juges considèrent que le recours à un tel contrat présentait aussi un bilan coûts-avantages positif. Enfin, les services financiers de l’Etat ont estimé qu’une résiliation impliquerait le versement d’une indemnité d’un montant de 198 millions d’euros aux cocontractants du ministère.
Malgré l’illégalité de la procédure, la CAA ne prononce finalement pas la résiliation du contrat, et annule le jugement du tribunal administratif.
Dans un communiqué de presse, le Cnoa se félicite de cette victoire : si les conditions de recours au PPP, désormais désigné sous le terme de marché de partenariat, ont sensiblement évolué depuis l’ordonnance de 2004, « cet arrêt important réaffirme le caractère dérogatoire de ce montage pour les conditions d’exercice de la profession et circonscrit de manière stricte la notion de complexité, toujours en vigueur dans les textes régissant la construction et la commande publique. »