Jurisprudence

Le Conseil d’Etat rejette un recours contre la RE 2020

Les atteintes aux droits et libertés garantis par la Constitution, invoquées par La Filière Béton et par la Fédération française des tuiles et briques, n’ont pas été retenues par la Haute juridiction administrative.

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Des acteurs de la construction contestaient l’avantage donné au bois par des dispositions de la RE 2020.

Une décision du 29 mars 2022 met fin aux espoirs des acteurs de la construction qui contestaient l’avantage donné au bois par les dispositions de la RE 2020 consacrant la prise en compte du stockage temporaire du carbone dans les matériaux.

L’association La Filière Béton et la Fédération française des tuiles et briques (FFTB), avec le soutien du syndicat de la construction métallique de France, demandaient l’annulation pour excès de pouvoir des textes fondateurs de cette réglementation environnementale (plus précisément : du décret du 29 juillet 2021 relatif aux exigences de performance énergétique et environnementale des constructions de bâtiments en France métropolitaine ; et de l'arrêté du 4 août 2021 relatif aux exigences de performance énergétique et environnementale des constructions de bâtiments en France métropolitaine et portant approbation de la méthode de calcul prévue à l'article R. 172-6 du Code de la construction et de l'habitation).

A l’appui de cette requête, ils invoquaient des atteintes portées aux droits issus de la Constitution. Et demandaient donc au Conseil d’Etat de transmettre au Conseil constitutionnel une question prioritaire de constitutionnalité (QPC). Ils se sont vu opposer un refus, le Conseil d’Etat écartant un à un les arguments soulevés.

L’ensemble du cycle de vie est pris en compte

Echec, tout d’abord, sur le terrain de l’article 1er de la Charte de l’environnement, qui énonce que "chacun a le droit de vivre dans un environnement équilibré et respectueux de la santé".

Le Conseil d’Etat rappelle que les dispositions attaquées visent à « limiter la quantité de gaz à effet de serre [GES] émise lors de la construction et de la rénovation de bâtiments, [en prévoyant] la fixation par décret de résultats minimaux en termes de limitation de l'impact sur le changement climatique, évaluée sur l'ensemble du cycle de vie du bâtiment et en prenant en compte le stockage du carbone de l'atmosphère durant la vie du bâtiment, et leur publication ».

Selon les requérantes, la RE 2020, en favorisant ainsi le recours au bois pour la construction de bâtiment, ne tiendrait pas compte des « effets négatifs sur les forêts et la libération massive de gaz à effet de serre lors de leur démolition ou destruction [qui] seraient de nature à porter atteinte au droit de chacun à vivre dans un environnement sain et équilibré ». Faux, estime la Haute juridiction, qui estime que la RE 2020, conduisant à apprécier les émissions de GES sur l'ensemble du cycle de vie des bâtiments, n’oublie pas « les émissions produites à l'occasion du processus de fabrication et d'acheminement des matériaux ainsi que lors de la démolition des bâtiments en cause ».

Chacun prend sa part

Deuxième angle d’attaque exploré, l’article 2 de la Charte de l'environnement, selon lequel « toute personne a le devoir de prendre part à la préservation et à l'amélioration de l'environnement ». Mais pour le Conseil d’Etat, la RE 2020 ne méconnaît pas ce principe, puisque, justement, ses dispositions ont pour objet « la limitation des émissions de GES dans l'atmosphère afin de lutter contre le changement climatique et il n'apparait, en l'état des connaissances scientifiques, qu'elles auraient un effet négatif, à long terme, sur ces émissions ».

Pas de matériau explicitement fléché

Pas d’atteinte non plus au principe constitutionnel d’égalité devant la loi, décide le Conseil d’Etat. Les dispositions litigieuses « s'appliquent indifféremment à tous les constructeurs et se bornent à introduire une exigence de résultats minimaux, sans identifier aucun matériau donné ».

Même chose s’agissant de la liberté d’entreprendre, à laquelle le législateur peut apporter « des limitations liées à des exigences constitutionnelles ou justifiées par l'intérêt général, à la condition qu'il n'en résulte pas d'atteintes disproportionnées par rapport à l'objectif poursuivi ». Les mesures contestées n’imposent « pas aux acteurs de la construction un choix particulier de matériau, et ne fixe[nt] aucune prescription quantitative imposant directement une proportion de matériaux identifiés dans le bâti ». L'atteinte ainsi portée à la liberté d'entreprendre des acteurs de la construction par le législateur n'est donc pas « manifestement disproportionnée au regard de l'objectif d'intérêt général de protection de l'environnement ».

Chou blanc, donc, pour cette demande de transmission d’une QPC au Conseil constitutionnel.

CE, 29 mars 2022, n° 457143

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